
Sans les océans, le climat se serait déjà emballé. Mais ce meilleur allié de l'humanité paye désormais le prix de l'absorption de l'essentiel du réchauffement causé par notre combustion des énergies fossiles, développant des symptômes alarmants: canicules marines, acidification, montée des eaux, destruction de la faune et de la flore, etc.
Records de températures
En absorbant 90% de l'excès de chaleur piégé dans l'atmosphère par nos gaz à effet de serre, "les océans se réchauffent de plus en plus vite", à un rythme deux fois plus rapide sur les deux dernières décennies que depuis 1960, explique Angélique Melet, océanographe à Mercator Océan. La température moyenne à leur surface a battu en 2024 son record de 2023. Malgré un répit début 2025, elle se maintient à des niveaux de chaleurs historiques, selon les données de l'observatoire européen Copernicus.
Depuis 1982, "la surface océanique ayant vécu un événement de vague de chaleur marine au cours d'une année est passé de 50% à 80%" et leur fréquence a doublé, note Thibault Guinaldo, chercheur au Centre d'études en météorologie satellitaire (CEMS) de Lannion (Côtes d'Armor). "La Méditerranée bat son record de températures chaque année depuis 3 ans" et fait partie des bassins les plus touchés avec l'Atlantique Nord et les régions arctiques, souligne-t-il.
Parmi les conséquences immédiates, des mers chaudes rendent les tempêtes plus violentes et les "canicules marines" sont dévastatrices pour les espèces, en premier lieu pour les coraux ou les herbiers, incapables de fuir. Pour les coraux, entre 70% et 90% devraient mourir si le monde atteint 1,5°C de réchauffement, scénario désormais extrêmement probable selon le Giec, le groupe d'experts pour le climat sous l'égide de l'ONU.
Élévation inéluctable
Quand un liquide ou un gaz se réchauffe, il se dilate et occupe plus d'espace. Pour les océans, cette dilatation thermique se combine à la fonte, lente mais irréversible, des calottes glaciaires du globe.
En moyenne mondiale, "le niveau s'est élevé de 20 à 25 centimètres depuis le début du XXe siècle", relève Angélique Melet, dont environ la moitié depuis 1993, car "là aussi, le rythme s'accélère". Si la tendance actuelle de réchauffement se poursuit, ce rythme pourrait encore doubler d'ici 2100 et atteindre un centimètre par an, selon une étude récente. Quelque 230 millions de personnes dans le monde vivent à moins d'un mètre au dessus du niveau de la mer. "Le réchauffement des océans, comme la hausse du niveau de la mer, sont des processus devenus inéluctables à l'échelle de nos vies mais aussi sur plusieurs siècles", explique la chercheuse.
"Mais si l'on réduit les émissions de gaz à effet de serre, on réduira le rythme et l'amplitude des dégâts et on gagnera du temps pour l'adaptation".
Plus acide et moins oxygéné
L'océan n'emmagasine pas seulement la chaleur, "il absorbe aussi environ un quart des émissions de CO2 liées à nos activités" et par conséquent "l'acidité de surface a augmenté de 30% sur les 40 dernières années", rapporte l'océanographe.
L'acidification fragilise les coraux et rend plus difficile la calcification des coquilles des mollusques et des squelettes des crustacés et de certains planctons. "Un autre indicateur clé, c'est la concentration en oxygène, évidemment importante pour la vie marine" et qui a a baissé "de 0,8 à 2,4% dans l'océan du large au cours des derniers 50-100 ans", souligne la chercheuse.
Banquise réduite
En février, le cumul de la banquise autour des deux pôles a atteint un nouveau minimum historique. Alimentant un cercle vicieux: d'une part moins de banquise, c'est plus d'énergie solaire qui atteint et réchauffe la mer ; de l'autre, "une glace qui fond est plus sombre et réfléchit moins bien la lumière", explique Thibault Guinaldo, ce qui "contribue à faire fondre la glace encore plus" et alimente le phénomène de l'"amplification polaire" qui rend le réchauffement climatique plus rapide et intense aux pôles.