
Avec moins de morues dans la Baltique, les habitants de la côte lettone, autrefois très dépendants de la pêche, se tournent désormais vers le tourisme et la transformation des produits de la mer.
Le port d'Engure a principalement misé sur la navigation de plaisance. "Nous avons inauguré une nouvelle marina pour la navigation de plaisance, offert des services aux voyageurs en mer, un investisseur français a ouvert un tout nouveau chantier de construction de yachts", explique à l'AFP Agris Stulbergs, le responsable du port. Aivars Lembergs, un ancien maire du grand port de Ventspils, parle de la transformation de sa ville en un centre industriel et un site touristique depuis que les relations commerciales avec la Russie se sont détériorées il y a plus de 20 ans.
Maigres prises
"En été, vous verrez parfois plus de Lituaniens dans les rues de Ventspils que de Lettons, car la Lituanie a un littoral balte très court et ses touristes viennent ici pour profiter du bref été balte", dit M. Lembergs, qui fut à la tête de la municipalité de Ventspils entre 1988 et 2021.
Les ports de pêche ont dû se réinventer car la diminution de la salinité de la Baltique y a entraîné une réduction du nombre des morues, poussant l'Union européenne a quasiment interdire de les pêcher. Les jours des prises fastueuses de ce poisson très prisé dans les cuisines de Russie au Royaume-Uni, sont révolus. Les bateaux de pêche ne reviennent plus qu'avec de maigres prises de harengs et d'anchois.
"Dans les années 80, la flotte de pêche lettone rapportait 55.000 tonnes de morue balte, en plus du saumon, du hareng et de nombreux autres poissons d'eau salée", se rappelle Juris Petersons, marin à Ventspils depuis toujours. "Les conditions environnementales sont devenues si défavorables à la croissance des morues que les pêcheurs lettons sont autorisés à n'en capturer que 16 tonnes par an", souligne-t-il. Et "il ne s'agit que de prises accidentelles lorsque nous pêchons du hareng", dit M. Petersons, un ex-capitaine de bateau de pêche industrielle, avant qu'il n'ait revendu ses chalutiers l'année dernière.
"Tempête parfaite"
Les populations de morues ont diminué car ces poissons requièrent une eau plus salée que celle de Baltique actuellement.
Cette mer est alimentée par des fleuves d'eau douce et n'est connectée à la mer du Nord que par les détroits peu profonds du Danemark, ce qui empêche l'eau salée de l'Atlantique d'y pénétrer. Pour se reconstituer, la population de morues aurait besoin d'une rare tempête marine, avec la vitesse et l'angle du vent adéquats pour pousser des masses d'eau salée vers la Baltique. "Cela s'est produit au moins deux fois au cours du siècle précédent, actuellement, nous attendons cette tempête parfaite depuis trois décennies", dit M. Petersons.
Compte tenu de la diminution des rendements, beaucoup de gens vivant des ressources halieutiques ont misé sur la qualité plutôt que sur la quantité. "Toutes les entreprises de conserverie de poissons (...) ont soit fait faillite, soit réorienté leurs chaînes de production vers des produits d'exportation de qualité supérieure", souligne Janis Megnis, un des responsables au port de Roja.
Leurs denrées de qualité à base de hareng et d'anchois "se retrouvent aujourd'hui entre Walmart aux États-Unis et des magasins en Australie et au Japon", précise-t-il.
Plus de marché russe
Les changements politiques ont aussi affecté ce seceteur économique.
Historiquement, l'industrie lettone de transformation du poisson avait pour principaux débouchés les marchés russe et bélarusse.
Mais, avec l'annexion par la Russie de la Crimée en 2014, suivie par l'invasion de l'Ukraine en 2022 et les sanctions occidentales qui en ont résulté, les entreprises lettones de pêche ont dû chercher d'autres marchés. Les principaux importateurs aujourd'hui sont canadiens, ukrainiens, polonais, roumains, danois et britanniques, selon le ministère de l'Agriculture.
De nouveaux marchés se sont ouverts dans les pays arabes et en Afrique du Sud.
De nombreuses familles de la côte lettone ont par ailleurs transformé leurs anciennes pêcheries en maisons d'hôtes et en destinations de vacances ou sont passées de la vente de poissons crus à celle de poissons fumés préparés et épicés, plus lucrative. "Mon mari est un pêcheur de cinquième génération : il va en mer pour pêcher le poisson que nous fumons ensuite et transformons en produits haut de gamme", dit Iveta Celkarte, qui dirige un domaine de pêche dans le village de Berzciems. "Nous avons aussi un café familial (...) servant nos propres fruits de mer", poursuit cette femme aussi devenue une personnalité de la télévision et des médias sociaux.
Mme Celkarte propose des visites de trois heures autour de l'histoire de la pêche traditionnelle, emmenant les visiteurs en promenade dans les dunes et jusqu'au rivage, pour terminer par un repas spécial. "Pour moi, il est important de raconter aux gens les traditions de notre côte, l'histoire de la pêche et la vie des générations passées qui avaient travaillé en mer", déclare-t-elle.