
De 1985 à 1999, Loick Peyron s’est imposé à cinq reprises sur la Course de l’Europe, une compétition dont The Ocean Race est l’héritière. Il évoque ses souvenirs, son goût pour cette course itinérante, ses secrets de victoire aussi. Le marin évoque également cette nouvelle version de The Ocean Race et se dit impressionné par le niveau des skippers qui y seront présents.
Est-ce que vous allez suivre The Ocean Race Europe ?
« Oui bien sûr, je suis de près ou de loin tout ce qui navigue ! Et puis surtout, j’aime bien les courses en équipe et encore plus sur les IMOCA. Ce qui est génial avec The Ocean Race et The Ocean Race Europe, c’est de pouvoir voir des images du bord, de l’ambiance à l’intérieur, à l’extérieur du bateau. L’immersion est plus forte, plus intense. Par ailleurs, les courses avec escales garantissent également plus de bagarre. Avec sept bateaux engagés, il y en aura forcément ! »
Les courses à escales renforcent cette impression de « bataille » justement ?
« Oui totalement : souvent, ce sont des courses plus animées et avec plus de suspense. À chaque escale, tu dois repartir à zéro, te remettre en question. Lors d’une course sans escale, à cause de certains systèmes météo et de choix stratégiques, la messe est parfois dite plus rapidement... » « À l’époque, on faisait tout sans moteur ! »
Vous avez disputé la Course de l’Europe à cinq reprises. Vous souvenez-vous de la genèse de cette course ?
« À l’origine, il y avait la volonté de deux hommes : Gérard Petitpas et Jacques Delors alors président de la Commission européenne. Je n’ai pas de souvenir très précis de la façon dont elle s’est créée. En revanche, je me souviens du voyage : nous étions partis de Kiel, on s’était arrêté au nord du Danemark. À l’époque, on faisait tout sans moteur, on allait seuls d’escale en escale, sans assistance. Pourtant, c’étaient de gros bateaux ! »
Vous l’avez gagnée à cinq reprises... Quelle est la raison d’un tel succès ?
« La première fois, j’avais un petit catamaran de 40 pieds (Lada Poch) et les fois suivantes le trimaran Fujicolor II. Il avait été dessiné par Nigel Irens, j’avais la chance à chaque fois d’avoir un équipage génial. Surtout, on s’attachait à l’améliorer en permanence. Il y avait de petites évolutions et des plus grandes : on a été les premiers à mettre un mât à bascule sur un trimaran Orma. La concurrence était forte avec Alain Gautier, Franck Cammas et puis Laurent Bourgnon surtout. » « Les skippers de The Ocean Race Europe sont très forts ! »
Vous avez tous l’habitude de naviguer partout dans le monde. Quelle est la perception du voyage lorsqu’on réalise le tour de l’Europe ?
« La symbolique est forte : quelle que soit la vision que chacun peut avoir de l’Union européenne, c’est une beauté de principe de rallier les pays d’un même continent. On a également fait des escales sublimes : un départ majestueux de Venise, un autre de Porto Cervo (Sardaigne) mais aussi à Malte, à Casablanca... Ça a aussi contribué à l’intérêt pour la régate dans les pays du Nord, Suède, Finlande et Danemark... D’ailleurs, ça a contribué à l’émergence d’un circuit, la Nokia Oops Cup, à la fin des Orma en France. »
Cette année, il s’agit de la 2e édition de The Ocean Race Europe. Que t’inspirent les skippers qui y participent ?
« Ils sont tous très forts ! Le niveau est vraiment exceptionnel, on voit qu’il y a une maîtrise technique et tactique très forte parmi les « top skippers ». Il y a des chances que The Ocean Race Europe donne lieu à une bataille permanente. Ce qui est génial, aussi, c’est de voir qu’il y a de plus en plus de jeunes femmes qui naviguent extrêmement bien. La présence féminine est une obligation, certes, mais ça contribue à ce qu’elles soient plus nombreuses à émerger au plus haut niveau. C’est vraiment une belle avancée. »
Vous évoquiez le fait qu’il y ait des images intenses du bord... La présence des OBR est intéressante ?
« Bien sûr parce que ça a tout changé ! C’est une très bonne idée : quand il n’y en a pas, c’est assez frustrant de suivre une course en voyant aussi peu d’images d’extérieur ou de manœuvres par exemple. D’un coup, ça devient incroyablement spectaculaire et la décharge d’efforts physiques est plus palpable. En somme, ça remet de l’humain dans les courses, ce qui est d’autant plus nécessaire qu’avec les bateaux actuels, on ne voit plus l’équipage sur le pont. Ça permet de se plonger encore plus dans la course et on ne peut que s’en réjouir ! »