La plus grande mer fermée du monde perd chaque année des milliards de mètres cubes d’eau. Le réchauffement climatique, combiné aux usages humains, précipite sa transformation en désert.
La mer Caspienne, vaste étendue d’eau coincée entre l’Europe et l’Asie, n’a jamais semblé aussi fragile. Ses rivages reculent à vue d’œil, ses eaux s’évaporent, et ses écosystèmes s’effondrent peu à peu. D’après plusieurs études relayées ces derniers jours, le niveau baisse en moyenne de six centimètres par an. À ce rythme, la mer pourrait perdre jusqu’à 30 % de sa superficie d’ici la fin du siècle.
Un symbole du réchauffement mondial
Le phénomène est avant tout climatique. La hausse des températures entraîne une évaporation accrue, tandis que les précipitations se raréfient dans le bassin caspien. La Volga, fleuve vital qui alimente à elle seule plus de 80 % de la mer, connaît une chute de débit. Les barrages et les détournements pour l’agriculture accentuent encore la baisse du niveau.
Résultat : les plages s’allongent de plusieurs kilomètres, laissant derrière elles des ports à sec, des bateaux échoués et des villages isolés. Dans certaines zones du Kazakhstan, la ligne d’horizon n’a plus rien d’une mer intérieure : le paysage prend déjà les airs d’un désert salé.
L’assèchement de la Caspienne met en péril une biodiversité unique. Le phoque de la Caspienne, espèce endémique, voit son habitat réduit. Les esturgeons, célèbres pour leur caviar, connaissent une chute dramatique de population. La pêche, pilier économique de régions entières, s’effondre, tandis que le tourisme et les activités portuaires déclinent.
Pour les habitants, la mer qui rythmait leur quotidien disparaît. Des infrastructures portuaires se retrouvent inutilisées, des communautés doivent repenser leurs moyens de subsistance. Au-delà des rives, c’est tout un équilibre régional - écologique, économique et social - qui se fragilise.
Une urgence géopolitique
Cinq pays se partagent la Caspienne : Russie, Iran, Kazakhstan, Turkménistan et Azerbaïdjan. Mais les coopérations restent timides face à l’ampleur du problème. La gestion de l’eau, des barrages et des prélèvements agricoles exige pourtant une stratégie commune. Sans accord international, les projections sont implacables : une baisse de 10 à 21 mètres du niveau d’ici 2100, selon les scénarios climatiques.
Entre adaptation et impuissance
Les scientifiques alertent : il reste peu de temps pour ralentir la tendance. Une meilleure gestion des ressources hydriques, une coopération accrue entre États et une réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont indispensables. Mais beaucoup redoutent déjà une répétition du drame de la mer d’Aral, autre géant disparu au XXe siècle.
La mer Caspienne n’est pas encore un désert, mais tout indique qu’elle est en train de le devenir. Dans un monde bouleversé par le changement climatique, son assèchement illustre la vulnérabilité des grands écosystèmes face à la pression humaine et aux dérèglements globaux. Une alerte qui résonne bien au-delà de ses rivages.