
Une nouvelle étude menée dans les eaux profondes d’Hawaï révèle un mode de vie spectaculaire : les globicéphales tropicaux, une espèce de dauphin océanique, plongent chaque jour à des profondeurs vertigineuses pour capturer des calmars en quantité impressionnante. Pour comprendre ce comportement extrême, les chercheurs ont équipé plusieurs individus de balises intégrant caméras, hydrophones et capteurs de profondeur. Le résultat est un portrait fascinant d’une espèce taillée pour l’endurance et la chasse abyssale.
Les données recueillies montrent que ces dauphins peuvent enchaîner jusqu’à près de quarante plongées profondes par jour. Chaque descente dure entre 8 et 16 minutes et les emmène jusqu’à environ 1 000 m, là où règnent l’obscurité et la pression écrasante. À cette profondeur, la chasse devient une course contre l’énergie : la phase de descente peut représenter une dépense d’environ 70 kJ par minute. Les capteurs embarqués montrent également que les individus alternent phases d’accélération intense et longues remontées en apnée, un exercice physiologique particulièrement exigeant.
Un régime basé sur des centaines de calmars
Pour compenser cet effort colossal, les globicéphales doivent avaler un nombre impressionnant de proies : en moyenne entre 80 et 200 calmars par jour selon les individus. Rapportée à une année complète, cette consommation atteint près de 74 000 calmars pour un seul dauphin. À l’échelle de la population d’Hawaï, estimée autour de 8 000 individus, cela représente des centaines de millions de céphalopodes capturés annuellement et plusieurs dizaines de milliers de tonnes de biomasse.
Les images captées par les caméras ventrales montrent des scènes saisissantes : plongées dans un noir absolu, flash lumineux des calmars, accélérations finales pour saisir la proie. La coordination entre vision, acoustique et vitesse en fait l’un des chasseurs les plus spécialisés des profondeurs tropicales.
Si cette stratégie fonctionne grâce à l’abondance locale des calmars profonds, elle place aussi l’espèce dans une situation de dépendance extrême. La moindre perturbation; bruit sous-marin, modification de la température, déplacement des proies, pourrait déséquilibrer ce fragile budget énergétique. Les chercheurs soulignent que comprendre la dépense d’énergie réelle de ces plongées est essentiel pour anticiper les impacts du changement climatique ou de l’augmentation du trafic maritime.
Une fenêtre inédite sur la vie abyssale
Au-delà de l’exploit physiologique, cette étude ouvre une fenêtre rare sur un univers presque inaccessible. Les globicéphales tropicaux rappellent que l’océan profond, encore largement méconnu, abrite des comportements complexes et d’impressionnantes capacités d’adaptation. Étudier ces plongeurs d’exception permet non seulement de mieux comprendre leur écologie, mais aussi d’évaluer les pressions qui pèsent sur ces géants discrets de l’océan.
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