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Les chaussures
Si on n'a pas de chaussures convenables, on se déchausse. Aussi, si vous êtes invité, il faut porter des chaussures bateau ou penser à se laver les pieds. Et si vous vous êtes lavé les pieds, vous pouvez quand même porter des chaussures adéquates. C'est quelquefois agréable de se promener pieds nus sur un pont en teck, mais pas longtemps. À bord d'un bateau on se cogne même quand on fait bien attention et on se fait souvent mal aux orteils. Il va sans dire que les talons hauts sont exclus, proscrits, interdits non seulement sur le bateau mais sur les pontons. Les talons esquintent le bois, le gelcoat et les pieds des autres...
La tenue
Toujours à propos de tenue vestimentaire, sachez que montrer un peu de recherche sans faire de concours d'élégance, c'est aussi montrer de la considération envers le chef de bord et les autres invités. Si vos voisins de ponton vous invitent à dîner, ils apprécieront que vous n'arriviez pas dans la même tenue que celle que vous avez portée toute la journée. On peut toujours porter un pantalon court sur un bateau, mais on n’y déjeune ni dîne en maillot de bain, quand bien même la table ne serait qu’un tabouret. On doit aussi porter un haut, une chemise, voire un teeshirt, mais pas un marcel.
Les enfants
Les enfants sont aussi les bienvenus à bord et leurs parents doivent veiller à ce qu’ils se tiennent bien. Un bateau, c’est un véhicule et quelquefois un logement : le propriétaire y est souvent plus méticuleux encore que dans son automobile ou sa maison. C’est aussi dangereux qu’une auto ou qu’un appartement, d’autant plus quand on ne le connait pas. On peut s’y faire mal, on peut casser quelque chose, on peut tomber à l’eau et l’espace est restreint. De là à dire qu’il faut tout le temps se tenir coi dans son coin, certainement pas. Sur un bateau on peut festoyer, chanter, refaire le monde… D’un bateau on peut plonger, pêcher, contempler, sans jamais se mettre en danger car ce serait mettre aussi les autres en danger. Si les enfants chahutent, ce doit être toujours sous le contrôle des parents qui sont eux-mêmes sous le contrôle du chef de bord. Evitez lui des angoisses. Elles pourraient dégénérer en colères… Les colères des chefs de bord sont redoutables parce qu’il perd ses moyens. Si le commandant perd son contrôle tout va mal, car le bateau est aussi hors de contrôle…
Les cadeaux
Si vous voulez suivre à la lettre le savoir-vivre urbain ou mondain pour être précis, vous pouvez quand vous êtes invités, arriver les mains vides et vous devez faire porter des fleurs le lendemain à la maîtresse de maison avec un mot de remerciement. Sur un bateau, c’est différent : on n’arrive pas les mains vides, même quand il est convenu d’un partage de frais.
Alors, on apporte quoi ? En général quelque chose qui se mange ou qui se boit, avec quelques restrictions.
Pas de vin rouge. Ah bon… pourquoi ? Parce que le vin rouge fait des tâches difficiles à ravoir sur le gelcoat et qu’il ne se passe guère de pique-nique ou de repas attablés à bord d’un bateau sans que quelqu’un renverse son verre… Qu’on se le dise ? Non, pas la peine. Tous les marins savent ça. Mais ils n’y pensent plus, voilà. Alors qu’il nous soit permis de rappeler l’inopportunité du vin rouge à bord, même d’un bateau tout en bois… Nous allons y revenir.
Avec du champagne ou du whisky, vous ne ferez pas d’erreur. Le cidre aussi revient au goût du jour. La qualité des productions normande et bretonne est à la hausse d’année en année. Les prix aussi…Du coup, il n’est plus tellement économique et en offrir, ce n’est plus le geste des radins.
Foie gras et terrine sont toujours très appréciés. C’est assez pratique dans le repas pique-nique. Vous allez penser « Surtout pas de terrine de lapin !» ? Soyons clairs : ce sont ceux qui ne naviguent pas ou peu qui rappellent cette superstition tombée en désuétude. Votre terrine de lapin serait appréciée par la majorité des équipages, mais pour éviter de froisser ne serait-ce qu’un puriste, éviter terrines et autres civets de lapin.Ou alors, enlevez l’étiquette en disant que c’est du sanglier. Personne ne vous reprochera ce pieux mensonge.
Pas de fleurs non plus. Les superstitieux disent qu'elles pourraient n'être pas encore fanées pour vos funérailles... Passons sur les croyances sans fondement et rappelons que sur les bateaux qui naviguent, il n'y a pas de vase. Donc, il n'y a pas de fleurs. Parce que les vases, ça se renverse. Les péniches sont souvent joliment fleuries ? Objection recevable. Apportez des fleurs si vous êtes invités sur une péniche… Je ne suis pas de ceux qui jugent que c’est facile de naviguer en eaux douces, mais ça bouge moins, personne n’en disconvient.
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A table
Quand on passe à table, personne ne doit souhaiter, déclamer, chuchoter, dire : « Bon appétit ». Sur un bateau comme partout ailleurs. C’est une règle rappelée souvent, mais à laquelle dérogent beaucoup de gens pourtant bien élevés.
La salle à manger d’un bateau, autrement nommée le carré, est le plus souvent un espace restreint. La cuisine qu’on devrait continuer d’appeler la cambuse est toute petite. Tout cela, l’endroit où l’on passe à table, l’endroit où se trouvent les vivres et l’endroit où on les prépare, se trouve sur la plupart des bateaux dans la même pièce. Pour dire que sur un bateau, autant on peut se sentir détendu, autant il est inconvenant de prendre ses aises. Il faut se tenir droit, poser les mains sur la table, accepter d’être un peu serré entre les autres convives. Maintenant, on est peut-être un peu moins à cheval sur les préséances. On peut accepter qu’un convive utilise son couteau personnel, pour trancher le saucisson ou le rôti, parce que certains marins ont dans la poche un véritable bijou. Les marins sont souvent fiers de leur couteau et c’est l’occasion de le montrer. Mais s’en servir tout au long du repas, c’est vulgaire sur un bateau comme ailleurs. Un couteau de marin est un bel objet souvent dont on doit prendre soin, bien tranchant, et qui mérite un meilleur traitement que de servir à couper le fromage et qu’on ne doit jamais porter à la bouche. On porte à la bouche une cuillère et rien d’autre. On porte aux lèvres une fourchette ou un verre. Les verres sur un bateau ne sont pas toujours en verre et encore moins souvent en cristal et c’est très bien ainsi. Un verre cassé, c’est contrariant à la maison, c’est une petite catastrophe sur un bateau où on se promène souvent les pieds nus même si on ne devrait pas…
Pour que la carafe ou la bouteille d’eau ne soit pas trimballée sans cesse et qu’elle n’encombre pas la table, il est permis de servir les autres convives en eau, ce qui est inconvenant dans un dîner en ville.
Pour les autres boissons, sur un bateau on admet qu’elles ne soient pas servies par le maître ou la maîtresse de maison. Parce qu’il faut s’entraider bien sûr, mais aussi parce qu’il faut se déplacer le moins possible au cours du repas.
Il va sans dire qu'il convient de boire modérément à bord d'un bateau comme ailleurs, même lorsqu'on n'est que passager, car chacun participe ou peut être amené à participer à la conduite du navire. C'est une question de sécurité, un des seuls sujets sur lesquels on ne doit jamais plaisanter à bord. Une règle élémentaire du savoir-vivre à bord.
Les horaires
A bord d’un bateau, on regarde plus souvent sa montre qu’à terre. A cause des marées et de la lumière. Un retard sur la marée peut empêcher le bateau de rentrer ou de sortir du port. La lumière, parce qu’on navigue de nuit seulement quand on ne peut pas faire autrement. Donc, sur un bateau, le respect des horaires n’est pas négociable. Si vous êtes invités à terre et que vos hôtes vous ont dit « vers 20 heures », il est poli d’arriver à 20h15 et acceptable d’arriver à 20h30. Si vous êtes invités sur un bateau et qu’on vous dit « à 20 heures » et non pas « vers 20 heures », ne cherchez pas à comprendre pourquoi et soyez ponctuels. L’exactitude est la politesse des rois et la contrainte des marins… C’est une habitude qu’on acquiert avec le temps passé sur les flots ou au ou au bord de la mer et c’est une qualité, marins et terriens en conviennent.
Même observation pour prendre congé. Les soirées à bord ne s’éternisent pas, pour deux raisons majeures :
- parce que les bateaux ne sont pas insonorisés et qu’il convient de ne pas déranger les voisins quand il est l’heure de dormir pour ceux qui ne sont pas de la fête; le tapage nocturne est une infraction particulièrement mal tolérée dans les marinas;
- parce que le lendemain, il est bien possible que l’équipage appareille de bonne heure et qu’il faut un sommeil réparateur pour garder les idées claires.
Mais si le bateau reste à quai ? Objection retenue. Beaucoup de bateaux en effet restent à quai toute l’année ou à peu près. Chacun fait ce qu’il veut. C’est aussi une règle de savoir-vivre de ne pas questionner le chef de bord l’usage qu’il fait de son bateau quand bien même ne sert il que de salon de réception. Les Britanniques appellent ces bateaux les Gin Palaces…