Savoir-vivre en bateau : quand on est invité à bord

Culture nautique
Par Jean-Yves Réguer

Quand on est invité et qu’on arrive à bord, la première chose à montrer, c'est son intention de prendre soin du bateau. « Bienvenue à bord » ou « Welcome aboard » est-il écrit sur le paillasson. C’est pour que vous regardiez vos pieds...

Dans la marina de Saint-Helier à Jersey. Un bateau avec un nom prédestiné...
Quand on est invité et qu’on arrive à bord, la première chose à montrer, c'est son intention de prendre soin du bateau. « Bienvenue à bord » ou « Welcome aboard » est-il écrit sur le paillasson. C’est pour que vous regardiez vos pieds...

Les chaussures

Si on n'a pas de chaussures convenables, on se déchausse. Aussi, si vous êtes invité, il faut porter des chaussures bateau ou penser à se laver les pieds. Et si vous vous êtes lavé les pieds, vous pouvez quand même porter des chaussures adéquates. C'est quelquefois agréable de se promener pieds nus sur un pont en teck, mais pas longtemps. À bord d'un bateau on se cogne même quand on fait bien attention et on se fait souvent mal aux orteils. Il va sans dire que les talons hauts sont exclus, proscrits, interdits non seulement sur le bateau mais sur les pontons. Les talons esquintent le bois, le gelcoat et les pieds des autres...

La tenue

Toujours à propos de tenue vestimentaire, sachez que montrer un peu de recherche sans faire de concours d'élégance, c'est aussi montrer de la considération envers le chef de bord et les autres invités. Si vos voisins de ponton vous invitent à dîner, ils apprécieront que vous n'arriviez pas dans la même tenue que celle que vous avez portée toute la journée. On peut toujours porter un pantalon court sur un bateau, mais on n’y déjeune ni dîne en maillot de bain, quand bien même la table ne serait qu’un tabouret. On doit aussi porter un haut, une chemise, voire un teeshirt, mais pas un marcel.

Les enfants

Les enfants sont aussi les bienvenus à bord et leurs parents doivent veiller à ce qu’ils se tiennent bien. Un bateau, c’est un véhicule et quelquefois un logement : le propriétaire y est souvent plus méticuleux encore que dans son automobile ou sa maison. C’est aussi dangereux qu’une auto ou qu’un appartement, d’autant plus quand on ne le connait pas. On peut s’y faire mal, on peut casser quelque chose, on peut tomber à l’eau et l’espace est restreint. De là à dire qu’il faut tout le temps se tenir coi dans son coin, certainement pas. Sur un bateau on peut festoyer, chanter, refaire le monde… D’un bateau on peut plonger, pêcher, contempler, sans jamais se mettre en danger car ce serait mettre aussi les autres en danger. Si les enfants chahutent, ce doit être toujours sous le contrôle des parents qui sont eux-mêmes sous le contrôle du chef de bord. Evitez lui des angoisses. Elles pourraient dégénérer en colères… Les colères des chefs de bord sont redoutables parce qu’il perd ses moyens. Si le commandant perd son contrôle tout va mal, car le bateau est aussi hors de contrôle…

Les cadeaux

Si vous voulez suivre à la lettre le savoir-vivre urbain ou mondain pour être précis, vous pouvez quand vous êtes invités, arriver les mains vides et vous devez faire porter des fleurs le lendemain à la maîtresse de maison avec un mot de remerciement. Sur un bateau, c’est différent : on n’arrive pas les mains vides, même quand il est convenu d’un partage de frais.

Alors, on apporte quoi ? En général quelque chose qui se mange ou qui se boit, avec quelques restrictions.

Pas de vin rouge. Ah bon… pourquoi ? Parce que le vin rouge fait des tâches difficiles à ravoir sur le gelcoat et qu’il ne se passe guère de pique-nique ou de repas attablés à bord d’un bateau sans que quelqu’un renverse son verre… Qu’on se le dise ? Non, pas la peine. Tous les marins savent ça. Mais ils n’y pensent plus, voilà. Alors qu’il nous soit permis de rappeler l’inopportunité du vin rouge à bord, même d’un bateau tout en bois… Nous allons y revenir.

Avec du champagne ou du whisky, vous ne ferez pas d’erreur. Le cidre aussi revient au goût du jour. La qualité des productions normande et bretonne est à la hausse d’année en année. Les prix aussi…Du coup, il n’est plus tellement économique et en offrir, ce n’est plus le geste des radins.

Foie gras et terrine sont toujours très appréciés. C’est assez pratique dans le repas pique-nique. Vous allez penser « Surtout pas de terrine de lapin !» ? Soyons clairs : ce sont ceux qui ne naviguent pas ou peu qui rappellent cette superstition tombée en désuétude. Votre terrine de lapin serait appréciée par la majorité des équipages, mais pour éviter de froisser ne serait-ce qu’un puriste, éviter terrines et autres civets de lapin.Ou alors, enlevez l’étiquette en disant que c’est du sanglier. Personne ne vous reprochera ce pieux mensonge.

Pas de fleurs non plus. Les superstitieux disent qu'elles pourraient n'être pas encore fanées pour vos funérailles... Passons sur les croyances sans fondement et rappelons que sur les bateaux qui naviguent, il n'y a pas de vase. Donc, il n'y a pas de fleurs. Parce que les vases, ça se renverse. Les péniches sont souvent joliment fleuries ? Objection recevable. Apportez des fleurs si vous êtes invités sur une péniche… Je ne suis pas de ceux qui jugent que c’est facile de naviguer en eaux douces, mais ça bouge moins, personne n’en disconvient.

Nautisme Article
Comme une invitation...

A table

Quand on passe à table, personne ne doit souhaiter, déclamer, chuchoter, dire : « Bon appétit ». Sur un bateau comme partout ailleurs. C’est une règle rappelée souvent, mais à laquelle dérogent beaucoup de gens pourtant bien élevés.

La salle à manger d’un bateau, autrement nommée le carré, est le plus souvent un espace restreint. La cuisine qu’on devrait continuer d’appeler la cambuse est toute petite. Tout cela, l’endroit où l’on passe à table, l’endroit où se trouvent les vivres et l’endroit où on les prépare, se trouve sur la plupart des bateaux dans la même pièce. Pour dire que sur un bateau, autant on peut se sentir détendu, autant il est inconvenant de prendre ses aises. Il faut se tenir droit, poser les mains sur la table, accepter d’être un peu serré entre les autres convives. Maintenant, on est peut-être un peu moins à cheval sur les préséances. On peut accepter qu’un convive utilise son couteau personnel, pour trancher le saucisson ou le rôti, parce que certains marins ont dans la poche un véritable bijou. Les marins sont souvent fiers de leur couteau et c’est l’occasion de le montrer. Mais s’en servir tout au long du repas, c’est vulgaire sur un bateau comme ailleurs. Un couteau de marin est un bel objet souvent dont on doit prendre soin, bien tranchant, et qui mérite un meilleur traitement que de servir à couper le fromage et qu’on ne doit jamais porter à la bouche. On porte à la bouche une cuillère et rien d’autre. On porte aux lèvres une fourchette ou un verre. Les verres sur un bateau ne sont pas toujours en verre et encore moins souvent en cristal et c’est très bien ainsi. Un verre cassé, c’est contrariant à la maison, c’est une petite catastrophe sur un bateau où on se promène souvent les pieds nus même si on ne devrait pas…

Pour que la carafe ou la bouteille d’eau ne soit pas trimballée sans cesse et qu’elle n’encombre pas la table, il est permis de servir les autres convives en eau, ce qui est inconvenant dans un dîner en ville.

Pour les autres boissons, sur un bateau on admet qu’elles ne soient pas servies par le maître ou la maîtresse de maison. Parce qu’il faut s’entraider bien sûr, mais aussi parce qu’il faut se déplacer le moins possible au cours du repas.

Il va sans dire qu'il convient de boire modérément à bord d'un bateau comme ailleurs, même lorsqu'on n'est que passager, car chacun participe ou peut être amené à participer à la conduite du navire. C'est une question de sécurité, un des seuls sujets sur lesquels on ne doit jamais plaisanter à bord. Une règle élémentaire du savoir-vivre à bord.

Les horaires

A bord d’un bateau, on regarde plus souvent sa montre qu’à terre. A cause des marées et de la lumière. Un retard sur la marée peut empêcher le bateau de rentrer ou de sortir du port. La lumière, parce qu’on navigue de nuit seulement quand on ne peut pas faire autrement. Donc, sur un bateau, le respect des horaires n’est pas négociable. Si vous êtes invités à terre et que vos hôtes vous ont dit « vers 20 heures », il est poli d’arriver à 20h15 et acceptable d’arriver à 20h30. Si vous êtes invités sur un bateau et qu’on vous dit « à 20 heures » et non pas « vers 20 heures », ne cherchez pas à comprendre pourquoi et soyez ponctuels. L’exactitude est la politesse des rois et la contrainte des marins… C’est une habitude qu’on acquiert avec le temps passé sur les flots ou au ou au bord de la mer et c’est une qualité, marins et terriens en conviennent.

Même observation pour prendre congé. Les soirées à bord ne s’éternisent pas, pour deux raisons majeures :

- parce que les bateaux ne sont pas insonorisés et qu’il convient de ne pas déranger les voisins quand il est l’heure de dormir pour ceux qui ne sont pas de la fête; le tapage nocturne est une infraction particulièrement mal tolérée dans les marinas;

- parce que le lendemain, il est bien possible que l’équipage appareille de bonne heure et qu’il faut un sommeil réparateur pour garder les idées claires.

Mais si le bateau reste à quai ? Objection retenue. Beaucoup de bateaux en effet restent à quai toute l’année ou à peu près. Chacun fait ce qu’il veut. C’est aussi une règle de savoir-vivre de ne pas questionner le chef de bord l’usage qu’il fait de son bateau quand bien même ne sert il que de salon de réception. Les Britanniques appellent ces bateaux les Gin Palaces…

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…