Savoir-vivre en bateau : de quelques usages ou règles non-écrites

Culture nautique
Par Jean-Yves Réguer

Pour mener un bateau sans encombre d’un point à un autre, il faut du savoir. L’inventaire de ce qu’il faut savoir est difficile à établir. Éric Tabarly disait : « Sur un bateau, on sait ou on ne sait pas ». On ne peut être plus clair : il faut du savoir-faire et personne n’en disconvient. L’acquisition des compétences passe par une période d’apprentissage.

Amarré en en va-et-vient. C'est parfait. ©Jean-Yves Réguer
Pour mener un bateau sans encombre d’un point à un autre, il faut du savoir. L’inventaire de ce qu’il faut savoir est difficile à établir. Éric Tabarly disait : « Sur un bateau, on sait ou on ne sait pas ». On ne peut être plus clair : il faut du savoir-faire et personne n’en disconvient. L’acquisition des compétences passe par une période d’apprentissage.

Les marins plaisanciers ou professionnels ne sont pas seuls au monde ni sur la mer, aussi vaut-il mieux aussi, bien que ce soit davantage une question de bien-être et de bienséance que de sécurité, ne jamais manquer de savoir-vivre.

Le règlement pour prévenir les abordages en mer, interpréter les informations météos, naviguer en fonction des courants et des marées, tout cela s’apprend. On attend de l'équipage d'un bateau, et en premier lieu de celui qui le commande, qu’il ait ces connaissances, le savoir. Il faut aussi qu’il ait acquis l’expérience du navire. Les bateaux sont tous différents, même ceux qui se ressemblent.

Mais il n'y a pas que cela. Pour que la sortie en mer ou la croisière soit un plaisir, pour l’équipage, les passagers du bateau sur lequel on navigue et pour les autres que l’on croise ou que l’on côtoie, il faut aussi du savoir- vivre. Tant il reste vrai que quand il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir, considérons le savoir-vivre maritime comme le comportement que les usagers du bateau doivent avoir pour ne pas gêner les autres ou les gêner le moins possible.

Chapitre 1 - Au port

Accepter l’emplacement proposé

Quand on approche d’un port et qu’on souhaite une place à quai ou à un ponton, il faut commencer par s’annoncer aux autorités portuaires en leur donnant d’emblée les informations sur le type et les dimensions du bateau, la provenance, le nombre de personnes à bord et le temps que vous comptez rester. Vous devez vous conformer sans discuter à leurs instructions.

Si vous recevez la consigne de prendre un emplacement donné, il est de bon ton de s’en accommoder sans discuter ou même faire savoir qu’on préférerait s’installer à tel autre emplacement pour être près de vos amis ou avoir du soleil l’après-midi : ce ne sont pas des raisons suffisantes. Si vous avez une personne handicapée à bord ou des enfants en bas âge qu’il faut encore promener en poussette, c’est un peu différent… Dans ces cas, faites savoir vos desiderata dès que vous sollicitez un emplacement.

De l’amarrage

Nautisme Article
Amarre joliment lovée. C'est joli sur le bateau. Sur le ponton, c'est encombrant© Jean-Yves Réguer

Au port comme ailleurs, il faut toujours avoir à l’esprit que l’on est pas seul. Chacun a sa façon, voire ses manies pour amarrer son bateau. Il déjà convient de prendre le moins de place possible pour en laisser aux autres. Mieux vaut passer les amarres en va-et-vient autour des taquets, et frapper les amarres en question sur le bateau. Si les taquets sont déjà occupés, on doit passer ses amarres en dessous de celles qui sont déjà à poste, sans les défaire, en sorte que votre voisin de quai ou de ponton puisse quitter son emplacement en n’ayant à gérer que son propre amarrage. Il faut lui éviter d’avoir à défaire le vôtre avant de défaire le sien.

Quand on prend son emplacement, il est fréquent que les voisins de ponton viennent donner un coup de main. Il est poli d’accepter pour ne pas montrer sa suffisance, l’air de dire « Je me débrouille bien tout seul… » On a toujours besoin des autres et l’entraide au ponton est de bon ton.  

Nautisme Article
Taquet très encombré.© Jean-Yves Réguer

Du bruit

Votre bateau doit bouger le moins possible sur son emplacement et ne pas se frotter aux autres pour éviter les dommages, à la coque, au liston et aux pare-battage, même s’ils sont là pour amortir les chocs. Pour éviter le bruit aussi. Il faut avoir passé une nuit dans un bateau la tête près de pare-battages qui couinent au moindre mouvement pour se rappeler qu’il suffit quelquefois de reprendre un peu l’amarrage pour retrouver le silence et le sommeil. Même chose pour les drisses qui agitées par la moindre brise viennent sonner comme des cloches sur les mâts en aluminium et pire encore ceux en carbone. On n’a pas ce problème avec les mâts en bois ? Certes, on les entendait moins et on les entendra de moins en moins… Les vieilles coques disparaissent et les bateaux modernes sont hyper-bruyants. Certains voileux ont la courtoise idée de remplir les mâts en alu ou en carbone, de polystyrène dont on ne sait pas quoi faire quand on ouvre un colis. D’autres ont l’obligeance de frapper les drisses autour des mâts, pour la tranquillité de l’équipage et aussi des voisins.

Toujours à propos du bruit mais c’est en même temps une question de pollution et de bilan carbone : oubliez cet usage de ne couper le moteur que lorsque l’amarrage est terminé, ce qui peut prendre de longues minutes. Coupez le moteur quand le bateau est immobilisé. Vous fignolez l’amarrage, pointes, garde avant, garde arrière tranquillement, mais moteur coupé. C’est mieux pour votre porte-monnaie, pour les poumons et les oreilles de votre entourage. C’est mieux pour la planète quand bien même vous pensez qu’elle n’est plus à ça près… Si pour une raison quelconque vous devez remettre en marche le ou les moteurs, eh bien vous redémarrez.

Ce qui dépasse

Nautisme Article
Le bout-dehors qui empiète sur le ponton, c'est dangereux...© Jean-Yves Réguer

L’ancre quand elle repose sur un davier, ne doit pas empiéter sur le ponton. Le bout-dehors non plus. Les pontons ne sont pas très larges, des enfants y courent et jouent — il est vrai qu’ils ne devraient pas — mais ce n’est pas une raison. Ce qui dépasse est non seulement dangereux, mais gêne la circulation.

Toujours concernant la circulation, mais cette fois dans le port, c’est aussi une courtoisie de ne pas relever les embases des moteurs hors-bord pour laisser le plus de place possible aux bateaux qui manœuvrent. Sans compter qu’en cas de choc, il vaut mieux que ce soit le capot moteur qui soit touché plutôt que l’hélice et l’embase… Pour ceux qui manœuvrent à proximité, l’extrémité des embases et les hélices sont très agressives pour le gel-coat et surtout les boudins des semi-rigides. Dans certains ports, il est d’ailleurs interdit de relever les moteurs.

Nautisme Article
... de même que les ancres© Jean-Yves Réguer

A couple

Quand les ports sont encombrés, ou sur certains coffres d’amarrage, il est souvent nécessaire de se mettre à couple. Il faut l’accepter de bonne humeur, malgré les inconvénients de la situation. Il faut bien entendu disposer correctement les pare-battages et laisser à poste ceux du côté encore libre. Les enlever pourrait signifier que vous ne voulez personne à couple ou que si quelqu’un doit venir, qu’il fasse son affaire des protections. Quand on se met à couple, il est courtois de se présenter et d’informer les voisins de ses intentions. Ce n’est pas : « Pour le moment, on est bien là. On verra bien quand on partira » Mais plutôt : « Nous allons nous absenter deux heures. Nous revenons ensuite au bateau et nous repartirons vers 19 heures », avec autant de précision que possible et bien sûr de la ponctualité.

Quand vous devez vous mettre à couple, demandez l'autorisation au chef du bord même si ce sont les autorités portuaires qui vous ont commandé de vous installer ainsi. Quand votre bateau est à couple, si vous devez traverser les bateaux voisins, ne sautez pas. Pour passer d’un bord à l’autre, saisissez les haubans et non pas les chandeliers ou la filière qu'ils soutiennent. Sur un bateau à moteur, saisissez le bastingage ou le garde-corps. Si vous devez traverser le bateau de votre voisin, passez devant le mât ou devant la cabine. En aucun cas vous ne devez passer devant l'entrée du carré. Vous pourriez d'un regard gêner les occupants et vous en trouver vous-même gêné.

À votre bon cœur

Les voisins de ponton deviennent souvent des amis. Peut-être parce qu'ils vous ont aidé quand vous avez accosté. Ce sont des choses qui se font, des coups de main que tout le monde doit savoir donner de bon cœur. Mais votre bon cœur ne doit jamais au grand jamais vous amener à filer un pourboire à la personne qui vous a aidé, même si ce n’est pas un plaisancier mais un passant qui vous donne l’impression d’être démuni. On peut déroger s’il s’agit d’un enfant, bien que les parents lui aient sans aucun doute enseigné que les coups de main entre marins sont désintéressés.

Au mouillage 

Il est toujours préférable de s’installer à un ponton ou à un coffre que de mouiller l’ancre, même si c’est gratuit. Il y a des économies qui peuvent se révéler coûteuses tant il est évident qu’un bateau à l’ancre n’est jamais en parfaite sécurité. Les marées, les courants, le vent imposent une surveillance de chaque instant au mouillage. Chaque chef de bord connait la longueur de chaine à mouiller et la capacité de l’ancre à tenir. Comme c’est la chaine qui pour une grande part empêche l’ancre de chasser, on peut être tenté d’en mettre plus qu’il n’en faut. A la faveur de la renverse et aussi en cas de changement des vents, le bateau va tourner à la périphérie d’un cercle dont le centre est l’ancre. Pas de difficulté tant qu’il n’y a pas de roche ni de haut-fond à proximité. Vous pouvez aussi avoir des voisins et vous n’avez pas connaissance de la longueur de leur mouillage. Vous devez donc veiller à ce que dans le pire des cas, si les bateaux pour une raison quelconque se dirigent l’un vers l’autre, la collision ne peut pas se produire. Informez-vous et prévenez vos voisins que vous restez vigilant. Le savoir-vivre c’est de rassurer les autres ou au moins de ne pas les inquiéter. Donc, il faut prévoir de la distance. Il vaut mieux aussi garder la veille ou ne pas s’endormir bien longtemps. On peut en profiter pour s’adonner à la contemplation. Mais pas s’y abandonner : ce n’est pas au mouillage sur une ancre aussi sûre soit elle qu’on trouve le repos. Il est vrai qu’on y trouve la paix et peut-être même le bonheur. C’est du savoir-vivre pour soi…

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…