
Les marins plaisanciers ou professionnels ne sont pas seuls au monde ni sur la mer, aussi vaut-il mieux aussi, bien que ce soit davantage une question de bien-être et de bienséance que de sécurité, ne jamais manquer de savoir-vivre.
Le règlement pour prévenir les abordages en mer, interpréter les informations météos, naviguer en fonction des courants et des marées, tout cela s’apprend. On attend de l'équipage d'un bateau, et en premier lieu de celui qui le commande, qu’il ait ces connaissances, le savoir. Il faut aussi qu’il ait acquis l’expérience du navire. Les bateaux sont tous différents, même ceux qui se ressemblent.
Mais il n'y a pas que cela. Pour que la sortie en mer ou la croisière soit un plaisir, pour l’équipage, les passagers du bateau sur lequel on navigue et pour les autres que l’on croise ou que l’on côtoie, il faut aussi du savoir- vivre. Tant il reste vrai que quand il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir, considérons le savoir-vivre maritime comme le comportement que les usagers du bateau doivent avoir pour ne pas gêner les autres ou les gêner le moins possible.
Chapitre 1 - Au port
Accepter l’emplacement proposé
Quand on approche d’un port et qu’on souhaite une place à quai ou à un ponton, il faut commencer par s’annoncer aux autorités portuaires en leur donnant d’emblée les informations sur le type et les dimensions du bateau, la provenance, le nombre de personnes à bord et le temps que vous comptez rester. Vous devez vous conformer sans discuter à leurs instructions.
Si vous recevez la consigne de prendre un emplacement donné, il est de bon ton de s’en accommoder sans discuter ou même faire savoir qu’on préférerait s’installer à tel autre emplacement pour être près de vos amis ou avoir du soleil l’après-midi : ce ne sont pas des raisons suffisantes. Si vous avez une personne handicapée à bord ou des enfants en bas âge qu’il faut encore promener en poussette, c’est un peu différent… Dans ces cas, faites savoir vos desiderata dès que vous sollicitez un emplacement.
De l’amarrage
Au port comme ailleurs, il faut toujours avoir à l’esprit que l’on est pas seul. Chacun a sa façon, voire ses manies pour amarrer son bateau. Il déjà convient de prendre le moins de place possible pour en laisser aux autres. Mieux vaut passer les amarres en va-et-vient autour des taquets, et frapper les amarres en question sur le bateau. Si les taquets sont déjà occupés, on doit passer ses amarres en dessous de celles qui sont déjà à poste, sans les défaire, en sorte que votre voisin de quai ou de ponton puisse quitter son emplacement en n’ayant à gérer que son propre amarrage. Il faut lui éviter d’avoir à défaire le vôtre avant de défaire le sien.
Quand on prend son emplacement, il est fréquent que les voisins de ponton viennent donner un coup de main. Il est poli d’accepter pour ne pas montrer sa suffisance, l’air de dire « Je me débrouille bien tout seul… » On a toujours besoin des autres et l’entraide au ponton est de bon ton.

Du bruit
Votre bateau doit bouger le moins possible sur son emplacement et ne pas se frotter aux autres pour éviter les dommages, à la coque, au liston et aux pare-battage, même s’ils sont là pour amortir les chocs. Pour éviter le bruit aussi. Il faut avoir passé une nuit dans un bateau la tête près de pare-battages qui couinent au moindre mouvement pour se rappeler qu’il suffit quelquefois de reprendre un peu l’amarrage pour retrouver le silence et le sommeil. Même chose pour les drisses qui agitées par la moindre brise viennent sonner comme des cloches sur les mâts en aluminium et pire encore ceux en carbone. On n’a pas ce problème avec les mâts en bois ? Certes, on les entendait moins et on les entendra de moins en moins… Les vieilles coques disparaissent et les bateaux modernes sont hyper-bruyants. Certains voileux ont la courtoise idée de remplir les mâts en alu ou en carbone, de polystyrène dont on ne sait pas quoi faire quand on ouvre un colis. D’autres ont l’obligeance de frapper les drisses autour des mâts, pour la tranquillité de l’équipage et aussi des voisins.
Toujours à propos du bruit mais c’est en même temps une question de pollution et de bilan carbone : oubliez cet usage de ne couper le moteur que lorsque l’amarrage est terminé, ce qui peut prendre de longues minutes. Coupez le moteur quand le bateau est immobilisé. Vous fignolez l’amarrage, pointes, garde avant, garde arrière tranquillement, mais moteur coupé. C’est mieux pour votre porte-monnaie, pour les poumons et les oreilles de votre entourage. C’est mieux pour la planète quand bien même vous pensez qu’elle n’est plus à ça près… Si pour une raison quelconque vous devez remettre en marche le ou les moteurs, eh bien vous redémarrez.
Ce qui dépasse
L’ancre quand elle repose sur un davier, ne doit pas empiéter sur le ponton. Le bout-dehors non plus. Les pontons ne sont pas très larges, des enfants y courent et jouent — il est vrai qu’ils ne devraient pas — mais ce n’est pas une raison. Ce qui dépasse est non seulement dangereux, mais gêne la circulation.
Toujours concernant la circulation, mais cette fois dans le port, c’est aussi une courtoisie de ne pas relever les embases des moteurs hors-bord pour laisser le plus de place possible aux bateaux qui manœuvrent. Sans compter qu’en cas de choc, il vaut mieux que ce soit le capot moteur qui soit touché plutôt que l’hélice et l’embase… Pour ceux qui manœuvrent à proximité, l’extrémité des embases et les hélices sont très agressives pour le gel-coat et surtout les boudins des semi-rigides. Dans certains ports, il est d’ailleurs interdit de relever les moteurs.

A couple
Quand les ports sont encombrés, ou sur certains coffres d’amarrage, il est souvent nécessaire de se mettre à couple. Il faut l’accepter de bonne humeur, malgré les inconvénients de la situation. Il faut bien entendu disposer correctement les pare-battages et laisser à poste ceux du côté encore libre. Les enlever pourrait signifier que vous ne voulez personne à couple ou que si quelqu’un doit venir, qu’il fasse son affaire des protections. Quand on se met à couple, il est courtois de se présenter et d’informer les voisins de ses intentions. Ce n’est pas : « Pour le moment, on est bien là. On verra bien quand on partira » Mais plutôt : « Nous allons nous absenter deux heures. Nous revenons ensuite au bateau et nous repartirons vers 19 heures », avec autant de précision que possible et bien sûr de la ponctualité.
Quand vous devez vous mettre à couple, demandez l'autorisation au chef du bord même si ce sont les autorités portuaires qui vous ont commandé de vous installer ainsi. Quand votre bateau est à couple, si vous devez traverser les bateaux voisins, ne sautez pas. Pour passer d’un bord à l’autre, saisissez les haubans et non pas les chandeliers ou la filière qu'ils soutiennent. Sur un bateau à moteur, saisissez le bastingage ou le garde-corps. Si vous devez traverser le bateau de votre voisin, passez devant le mât ou devant la cabine. En aucun cas vous ne devez passer devant l'entrée du carré. Vous pourriez d'un regard gêner les occupants et vous en trouver vous-même gêné.
À votre bon cœur
Les voisins de ponton deviennent souvent des amis. Peut-être parce qu'ils vous ont aidé quand vous avez accosté. Ce sont des choses qui se font, des coups de main que tout le monde doit savoir donner de bon cœur. Mais votre bon cœur ne doit jamais au grand jamais vous amener à filer un pourboire à la personne qui vous a aidé, même si ce n’est pas un plaisancier mais un passant qui vous donne l’impression d’être démuni. On peut déroger s’il s’agit d’un enfant, bien que les parents lui aient sans aucun doute enseigné que les coups de main entre marins sont désintéressés.
Au mouillage
Il est toujours préférable de s’installer à un ponton ou à un coffre que de mouiller l’ancre, même si c’est gratuit. Il y a des économies qui peuvent se révéler coûteuses tant il est évident qu’un bateau à l’ancre n’est jamais en parfaite sécurité. Les marées, les courants, le vent imposent une surveillance de chaque instant au mouillage. Chaque chef de bord connait la longueur de chaine à mouiller et la capacité de l’ancre à tenir. Comme c’est la chaine qui pour une grande part empêche l’ancre de chasser, on peut être tenté d’en mettre plus qu’il n’en faut. A la faveur de la renverse et aussi en cas de changement des vents, le bateau va tourner à la périphérie d’un cercle dont le centre est l’ancre. Pas de difficulté tant qu’il n’y a pas de roche ni de haut-fond à proximité. Vous pouvez aussi avoir des voisins et vous n’avez pas connaissance de la longueur de leur mouillage. Vous devez donc veiller à ce que dans le pire des cas, si les bateaux pour une raison quelconque se dirigent l’un vers l’autre, la collision ne peut pas se produire. Informez-vous et prévenez vos voisins que vous restez vigilant. Le savoir-vivre c’est de rassurer les autres ou au moins de ne pas les inquiéter. Donc, il faut prévoir de la distance. Il vaut mieux aussi garder la veille ou ne pas s’endormir bien longtemps. On peut en profiter pour s’adonner à la contemplation. Mais pas s’y abandonner : ce n’est pas au mouillage sur une ancre aussi sûre soit elle qu’on trouve le repos. Il est vrai qu’on y trouve la paix et peut-être même le bonheur. C’est du savoir-vivre pour soi…