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Le 14 février 1944, l'escadrille devait bombarder la gare de triage de Vérone, en Italie. En approche sur l'objectif, elle essuya le feu nourri des chasseurs allemands ; le B17 du sous-lieutenant Franck G. Chaplick fut lourdement touché : deux moteurs en flammes, un troisième endommagé, et surtout trois équipiers tués, son pilote n'eut d'autres choix que de dérouter vers la Corse, puis, dans l'impossibilité d'atterrir sur la piste de Calvi, d'amerrir face à sa citadelle. Dans son rapport, il explique : «... je posais le B17 sur les flots, très proche et face à la citadelle de Calvi. L'avion ne se cassa pas durant l'opération, et flotta quelques minutes, ce qui nous permit de l'évacuer, hormis les trois mitrailleurs tués durant l'attaque et dont les corps coulèrent avec l'épave… ».
Les versions divergent sur les circonstances de leur sauvetage, toujours est-il que les dépouilles de Robert F. Householder, l'opérateur radio, et de George J. Murphy, le mitrailleur sabord gauche, ont été récupérées, et les deux soldats ont pu être inhumés chez eux, dans les États du Colorado et du Delaware. Pas Tony Duca, le mitrailleur arrière. Malgré les multiples missions de recherche menées par la marine américaine, son corps reste introuvable. Le soldat était à son poste lorsque le bombardier coula, coincé dans la queue de l'appareil…
Cette partie, absente de la zone du crash n'a jamais été localiser. La dernière entreprise s'est déroulée à l'automne 2012, le bâtiment américain l'USS Grapple avait sondé la baie de Calvi et ses alentours durant plusieurs semaines, l'ambassadeur des États-Unis Charles H. Rivkin était présent, il avait inauguré la plaque commémorative apposée sur les remparts de la citadelle en l'honneur des trois disparus…
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Une forteresse sous la mer
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En descendant sur lui, la vision panoramique du bombardier en impose, avec ses deux longues ailes, quasiment intactes, supportant les quatre gros moteurs à hélices. On imagine l'appareil : 32 m d'envergure, 22 m de long, près de 30 tonnes à plein, 13 mitrailleuses, entre deux et trois tonnes de bombes, il embarquait aussi dix membres d'équipage… Le B17 garde fière allure, même coupé de sa queue, le fuselage arrière éventré, et privé de son nez. Le poste de pilotage est également à ciel ouvert, mais les sièges sont toujours accrochés et une partie des commandes en place. Des quatre moteurs, un seul conserve ses trois pales (elles sont en partie manquantes sur les autres). L'avion est aujourd'hui un refuge pour les poissons. Sans qu'elle soit abondante, on y rencontre la petite faune habituelle de la Méditerranée : les serrans-écriture, les apogons colorés et les castagnoles, les groupes de sars, des petits labres. Quelques chapons et murènes sont en résidence. Parfois, des langoustes squattent aussi les lieux. Avec le temps, les éponges encroûtantes ont colonisé et joliment coloré la tôle, accueillant toute une faune fixée de spirographes ou de serpules. Depuis 70 ans, une nouvelle vie a commencé ici.