
Une mer partagée, pas sans limites
L’image d’une mer libre où l’on pourrait filer à toute allure, ancrer au gré des envies ou pêcher sans contrainte appartient au passé. Depuis plusieurs années, les autorités ont renforcé la réglementation pour concilier usages nautiques et protection du vivant. Sur le papier, cela commence par une règle simple : la vitesse est limitée à 5 nœuds dans la bande des 300 mètres, partout, même sans balisage. Cette limitation s’applique aussi dans un rayon de 100 mètres autour d’un pavillon de plongée, qu’il soit rouge barré de blanc ou Alpha (blanc et bleu), signalant une présence humaine sous l’eau.
Un cadre essentiel pour éviter les accidents, mais aussi pour préserver une bande littorale déjà soumise à une forte pression.

Jet-skis et VNM : tolérance zéro en dehors des chenaux
Les scooters des mers, jet-skis et autres VNM (véhicules nautiques à moteur) sont devenus incontournables l’été. Mais leur usage est l’un des plus surveillés. Interdits dans la bande des 300 mètres sauf sur une trajectoire perpendiculaire à la côte et à condition d’emprunter un chenal prévu, ces engins ne peuvent naviguer que de jour, et doivent respecter des règles précises.
À bord, la combinaison néoprène (minimum 2 mm d’épaisseur) est obligatoire pour tous les passagers. Le conducteur, lui, doit être équipé d’un coupe-circuit relié au moteur, un dispositif de sécurité qui coupe l’alimentation en cas de chute. Quant aux engins tractés (comme les bouées), ils doivent être visibles grâce à une flamme fluorescente. L’époque de la navigation freestyle est bel et bien révolue.
Mouillage : des herbiers en sursis
Chaque été, des centaines d’ancres labourent le fond marin. Problème : ce fond est souvent couvert d’herbiers de posidonie ou de cymodocée, de véritables forêts sous-marines abritant une vie foisonnante. Ces plantes, protégées par la loi depuis 1988, ne supportent ni le raclement des ancres ni les chaînes qui traînent.
Le mouillage est donc interdit sur ces habitats dès lors que l’impact est avéré. Et pour les navires de 24 mètres et plus, certaines zones sont complètement fermées, comme à Paulilles, Terrimbo, ou autour de la digue de Banyuls-sur-Mer. La règle est stricte, mais logique : plus le bateau est gros, plus l’impact est lourd.

L’épave du Bananier, sanctuarisée
À quelques encablures de la côte, l’épave de l’Alice Robert, plus connue sous le nom de « Bananier », repose dans un écrin marin ultra-sensible. Chargé d’histoire - il transportait des bananes avant d’être coulé pendant la Seconde Guerre mondiale - ce vestige attire les plongeurs... mais son accès est désormais interdit dans un rayon de 200 mètres autour de deux points GPS précis. Ni navigation, ni plongée, ni mouillage, ni pêche : tout est proscrit, sauf pour les structures de plongée professionnelles dérogataires. Une mesure de préservation rare, mais nécessaire face à l’engouement croissant pour ce site.
ZMEL : bouées obligatoires et vigilance de rigueur
Pour canaliser la fréquentation sans interdire, des ZMEL (zones de mouillage et d’équipements légers) ont été mises en place. Dans ces périmètres délimités, le mouillage est uniquement autorisé sur bouées. Pas question d’ancrer librement. La vitesse est limitée à 3 nœuds, l’amarrage plafonné à 4 heures, et la présence d’une personne en capacité de manœuvrer est obligatoire à bord.
Les bouées ne sont pas toutes identiques : les rouges sont réservées aux clubs de plongée, les blanches aux plaisanciers, et les bleues aux navires de transport de passagers. Une gestion fine, pour éviter la saturation tout en laissant place à une plaisance maîtrisée.

Pêche de loisir : un droit sous conditions
Autre pratique encadrée : la pêche de loisir, qui fait désormais l’objet d’une réglementation stricte dans le Parc naturel marin du golfe du Lion. Depuis février 2024, une autorisation gratuite est obligatoire, à demander via l’application CatchMachine. Elle est nominative, valable jusqu’au 31 décembre, et doit pouvoir être présentée à tout moment.
Les prises sont limitées à 10 par personne et par jour, 30 par bateau. Certaines espèces comme le mérou, le corb ou le labre vert sont totalement interdites à la pêche, quand d’autres comme le poulpe ou le denti bénéficient d’une période de repos biologique. Et pour éviter les abus, les poissons capturés doivent être identifiables : dès 15 cm, la nageoire caudale doit être sectionnée.
Espèces protégées : le vivant sous surveillance
Derrière la réglementation se cache une réalité écologique. Le golfe du Lion abrite des espèces rares : la grande nacre, la patelle géante, la datte de mer, ou encore la cigale de mer font partie des protégées. Même morte, une nacre ne peut être transportée ou vendue. La loi est claire : détruire, capturer, perturber ou déplacer l’une de ces espèces est un délit.
Les mammifères marins - dauphins, marsouins, baleines - sont également protégés. Il est interdit de s’en approcher à moins de 100 mètres dans les aires marines protégées. Quant aux tortues marines, leurs œufs et leurs nids sont inviolables.
Naviguer dans le golfe du Lion, ce n’est pas seulement garder un œil sur la météo. C’est aussi connaître le milieu que l’on traverse, adapter ses pratiques et respecter une réglementation pensée pour durer. Sous l’eau, les herbiers captent le carbone. Au large, les mammifères marins rappellent que la Méditerranée n’est pas un terrain de jeu anodin. Pour continuer à naviguer dans ces eaux d’exception, il faut apprendre à cohabiter avec le vivant.
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