L’impact du tourisme sur les zones côtières : la plaisance face au mur écologique

Par Le Figaro Nautisme

Le littoral attire. Par son économie, par ses paysages, par cette frontière mouvante entre terre et mer qui fascine depuis toujours. Chaque été, ce sont 360 millions de nuitées qui s’y concentrent, soit un quart de l’activité touristique française. Derrière cette vitalité, les tensions s’accumulent : recul du trait de côte, saturation des ports de plaisance, dégradation des écosystèmes marins. La mer donne, mais commence à reprendre.

6 millions d’habitants, 7,5 millions de lits : le paradoxe littoral
Avec seulement 4 % de la surface nationale, les communes littorales françaises hébergent 6 millions d’habitants à l’année. Pourtant, elles concentrent une capacité d’accueil de 7,5 millions de lits touristiques, entre hôtels, campings, résidences secondaires et locations.
Cette pression foncière génère des tensions urbanistiques, mais aussi une artificialisation massive des sols : routes, parkings, constructions en front de mer viennent grignoter les espaces naturels nécessaires à l’équilibre sédimentaire. C’est le point de départ d’une érosion galopante.

Un quart du littoral en recul : ports et plages sous la menace
En métropole, 20 à 25 % du trait de côte recule, soit 1 720 km sur 5 500 km. En Normandie, certaines plages perdent jusqu’à 5 mètres par an. D’ici 2100, selon le Cerema, ce sont 450 000 logements et 53 100 locaux d’activité qui seront directement menacés par la progression de la mer. Cela représente 86 milliards d’euros de logements et 7 500 milliards d'euros de locaux d’activité.
Les ports de plaisance sont en première ligne. Beaucoup ont été bâtis sur des zones vulnérables, parfois remblayées, parfois sur des vasières. À chaque tempête, les infrastructures doivent être renforcées, réparées, parfois repensées. Le recul du littoral, combiné à l’élévation du niveau de la mer, menace à terme la viabilité de plusieurs marinas, notamment sur les façades Atlantiques et Méditerranéennes.

La plaisance, entre moteur économique et facteur de pression
Le monde du nautisme vit de cette attraction. La plaisance représente une part essentielle de l’économie maritime française : selon le Cluster Maritime, la filière génère près de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec des retombées directes sur l’hébergement, la restauration, et l’entretien des bateaux.
Mais cette activité n’est pas neutre. Chaque été, les ports affichent complet. Les plaisanciers débordent vers les petits ports de pêche, ou se rabattent sur des mouillages côtiers saturés, aggravant la dégradation des herbiers de posidonies (qui stockent jusqu’à 10 fois plus de carbone qu’une forêt terrestre). Les flux de navigation, la pollution sonore sous-marine, les rejets d’eaux grises, même lorsqu’ils sont réglementés, contribuent à fragiliser les écosystèmes marins.

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Des ports sous pression : saturation et gestion des flux
La gestion des escales devient un défi majeur. À La Rochelle, les 5 000 places des différents ports ne suffisent plus en haute saison. À Bonifacio, les listes d’attente s’allongent dès le printemps. Ce phénomène pousse certains ports à revoir leur organisation : réservation numérique, optimisation dynamique des places disponibles, création de mouillages écologiques sous contrôle.
Mais il faudra aller plus loin. La transition passe par :
o La limitation de la capacité d’accueil sur certains sites sensibles.
o L’installation systématique de bouées écologiques pour préserver les fonds marins.
o Le développement de ports zéro-rejet, capables de collecter toutes les eaux usées des bateaux.
o L’intégration des ports dans des plans de renaturation du littoral, avec des infrastructures plus sobres.

Des exemples concrets : quand les ports s’adaptent
Certains territoires prennent les devants. À Porquerolles, la mise en place de quotas d’accès et de mouillages fixes a permis de réduire significativement l’impact des visiteurs sur les herbiers. À Marseille, les Calanques limitent le nombre de navires dans les criques les plus fragiles. À Port-Camargue, des solutions d’accueil pour navires électriques et des collecteurs d’eaux usées en libre-service ont été déployés.
Plusieurs marinas développent aussi des projets pilotes : installations photovoltaïques, bornes de recharge pour semi-rigides électriques, circuits courts pour l’avitaillement des plaisanciers. Mais la généralisation de ces initiatives dépendra de financements et de la capacité à faire accepter des restrictions d’accès, souvent impopulaires.

La mutation est inévitable. Dans un contexte d’érosion galopante, de saturation estivale et d’exigences environnementales accrues, le nautisme devra se réinventer. L’enjeu ne sera plus d’accueillir toujours plus de bateaux, mais d’assurer une cohabitation durable entre l’homme et la mer.
Il faudra imaginer des ports plus petits mais mieux équipés, favoriser les navigations plus sobres, et repenser le rythme des escales. De la densité à la fluidité : c’est cette bascule qui permettra de continuer à profiter du littoral, sans l’épuiser.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...