Invasion de physalies : ces méduses toxiques qui forcent la fermeture des plages françaises

Des plages fermées face à l’afflux de blessés
Avec leurs reflets bleu-violet et leur silhouette évoquant un chausson aux pommes translucide, les physalies ont terni ces dernières semaines la carte postale des vacances sur le littoral basco-landais. De Bidart à Biscarrosse, plusieurs plages ont dû être fermées, parfois plusieurs heures, comme mardi sur celle de l’Uhabia. Les secours, débordés par l’afflux de blessés, n’avaient d’autre choix que de hisser le drapeau rouge. « Quand on a cinq ou six blessés en même temps, on ne peut plus surveiller l’eau », explique Peyo Peyreblanque, chef de poste à Bidart.
Les témoignages se multiplient : surfeurs, nageurs et même maîtres-nageurs se sont fait piquer. « On a vu un surfeur se faire piquer juste devant nous, même le maître-nageur s’y est frotté », raconte Flora, en vacances à Saint-Jean-de-Luz. Si certains gardent leur sang-froid - « Ça fait mal, mais that’s life ! », lance Jason, un touriste australien - les blessures sont impressionnantes : de véritables traces de coups de fouet, parfois accompagnées de tétanie musculaire.
Une créature redoutable, bien que mal connue
La physalie n’est pas une méduse, mais une colonie de polypes marins spécialisée dans diverses fonctions : flottaison, nutrition, reproduction... Son flotteur gélatineux peut atteindre 30 cm, et ses tentacules, invisibles depuis la surface, s’étirent parfois jusqu’à 20 mètres. Ces filaments libèrent une toxine très urticante, capable de provoquer douleurs intenses, éruptions cutanées, voire dans certains cas une détresse respiratoire.
Selon le Dr Magali Oliva-Labadie, cheffe du centre antipoison du CHU de Bordeaux, 8 à 10 % des piqûres entraînent des complications sérieuses. « Sept patients sur dix décrivent une douleur extrêmement forte, parfois pire qu’une colique néphrétique », précise-t-elle. Ces dernières semaines, quatre à cinq cas graves ont été recensés sur le littoral aquitain.
Que faire en cas de piqûre de physalie ?
o Ne pas rincer à l’eau douce : cela activerait encore plus les cellules urticantes.
o Utiliser de l’eau de mer pour nettoyer la zone touchée.
o Ne pas frotter : cela pourrait aggraver la lésion.
o Retirer les tentacules restants avec une pince ou une carte rigide (jamais à mains nues).
o Consulter un médecin en cas de douleur persistante, d’éruption cutanée ou de malaise.
En cas de réaction allergique (gonflement, gêne respiratoire, choc), appelez immédiatement les secours (15 ou 112).
Une présence favorisée par les vents et les courants
La prolifération des physalies sur les plages françaises s’explique principalement par la combinaison de vents marins et de courants chauds venus du sud, qui les poussent vers les côtes. Leur arrivée n’est pas inédite - des épisodes similaires avaient été observés en 2022 ou en 2018 - mais leur concentration cette année impressionne les spécialistes. Les conditions météorologiques de la fin juillet ont facilité leur échouage massif, rendant certains secteurs littoraux particulièrement dangereux.
Les sauveteurs, qui redoublent de vigilance, n’ont pas hésité à hisser le drapeau rouge sur les plages concernées. La baignade est strictement interdite jusqu’à nouvel ordre. En cas de contact, les secours recommandent de ne pas rincer à l’eau douce, qui aggraverait la douleur, mais à l’eau de mer, et de consulter rapidement un médecin si les symptômes persistent.
D’où viennent-elles, et vont-elles rester ?
Les physalies vivent habituellement dans les eaux tropicales des Caraïbes et du golfe du Mexique. Poussées par les vents et les courants chauds du Gulf Stream, elles s’échouent parfois sur nos côtes. L’épisode actuel concerne tout le sud du golfe de Gascogne, des Asturies au nord des Landes. « Ce n’est pas exceptionnel », nuance Elvire Antajan, chercheuse à l’Ifremer. « Ce sont les vents de fin juin à mi-juillet qui les ont rabattues. »
Le réchauffement climatique est-il en cause ? Trop tôt pour l’affirmer, selon la chercheuse : « Il faudrait davantage d’analyses sur la récurrence des vents et leur lien éventuel avec le climat. » L’apparition de nombreuses physalies juvéniles cette année interroge aussi les scientifiques, leur cycle de reproduction restant encore mal compris.
Bonne nouvelle toutefois : un changement de vent pourrait à nouveau les éloigner du littoral dans les prochains jours.
Spectaculaires mais redoutables, les physalies rappellent que la mer peut réserver quelques surprises, même en plein été. Alors que les vacanciers se pressent sur les plages, la vigilance reste de mise face à ce visiteur venu du large. Un phénomène aussi fascinant que piquant.