
Figaro Nautisme : Comment devient-on directeur des ports d’une ville comme Saint-Raphaël ? Faut-il forcément être passionné de bateaux ?
Mathieu Bertora : On devient directeur de ports avant tout par passion du maritime et du service public. Mon parcours s’est orienté très tôt vers la gestion des infrastructures et l’aménagement du littoral. J’ai commencé en 2008 comme maître de port adjoint avant d’être nommé directeur général en 2020.
Avoir gravi tous les échelons m’offre une vision très concrète du terrain et des réalités opérationnelles. Nous vivons au contact de la mer, des marins et des professionnels du nautisme. Mais ce métier, c’est avant tout de la gestion, de l’anticipation et une remise en question permanente. Notre mission est d’assurer la sécurité, la qualité des services, l’équilibre économique et la préservation de notre environnement marin.
Pour répondre concrètement à votre question : bien entendu qu’aimer les bateaux et la navigation est un atout indéniable dans mon métier. Je suis originaire de Saint-Raphaël et j’ai commencé à pratiquer la voile dès l’école primaire, comme tous les enfants de la commune. J’ai bien sûr commencé par l’Optimist et je me souviens de certaines navigations l’hiver où je rentrais les doigts gelés [Rires !]. Mais nous naviguions et nous nous régalions à parcourir ces vastes étendues avec, de temps en temps, la chance d’observer des bancs de dauphins qui venaient jouer pas loin de nos bateaux. Sans compter les « courses » organisées avec les copains... Je reste un passionné et un pratiquant assidu !

Figaro Nautisme : En quoi consiste exactement votre mission à la tête des ports de Saint-Raphaël ?
Mathieu Bertora : Je pilote l’exploitation des cinq ports de la ville : gestion des places, lien avec le président de la Régie, le conseil d’administration, les élus, respect des équilibres financiers, sécurité des installations, qualité de service, développement économique local et transition environnementale.
Un port de plaisance est une entreprise de service public atypique, à la fois fragile car intimement liée à la Méditerranée, et puissante par l’économie qu’elle génère. La diversité et la cohésion de l’équipe sont essentielles. Nous avons bâti un véritable esprit d’équipe, capable de répondre à la saisonnalité, aux aléas climatiques ou aux urgences.
C’est un métier très transversal : ingénierie, accueil, biodiversité, budget, sécurité, relations institutionnelles... Un port, c’est finalement une petite ville tournée vers la mer, qui doit évoluer en harmonie avec son territoire.
À Saint-Raphaël, nous fonctionnons en régie municipale. Chaque euro gagné est réinvesti dans les infrastructures ou les services aux plaisanciers. Nous ne bénéficions généralement pas financement public, à l’exception d’une opération de mise en sécurité maritime qui a bénéficié d’un financement exceptionnel de l’État. Cette autonomie financière totale nous oblige à être à la fois rigoureux et créatifs.
Figaro Nautisme : Quelles sont les attentes des plaisanciers ? Et les plus insolites ?
Mathieu Bertora : Les plaisanciers recherchent avant tout un accueil de qualité : être conseillés, orientés ou accompagnés dans leurs manœuvres. Ils veulent un port sécurisé, des services modernes, un accès à l’eau, à l’électricité, au Wi-Fi, et surtout une vraie relation humaine.
Côté demandes insolites, nous en recevons beaucoup : des réservations impossibles en pleine saison, comme cette fois ou une dizaine de bateaux naviguant ensemble nous a demandé des places côte à côte... Littéralement impossible de satisfaire cette demande. Nous avons aussi accueilli des unités hors norme, et même reçu une demande d’atterrissage d’hélicoptère sur le quai pour récupérer des passagers d’un bateau ! Certains plaisanciers attendent aussi des prestations dignes d’un hôtel cinq étoiles... Cela fait partie du charme du métier [Rires !], mais c’est parfois un peu compliqué. Quand on peut donner satisfaction, on le fait, mais c’est parfois techniquement impossible.

Figaro Nautisme : À quoi ressembleront les ports dans dix ou quinze ans ?
Mathieu Bertora : Ils deviendront des plateformes écoresponsables et connectées : transition énergétique avec carburants alternatifs, hydrogène ou biocarburants, accueil des bateaux hybrides et électriques, gestion intelligente de l’eau, de l’énergie et des déchets. Les ports seront aussi plus ouverts sur la ville, avec davantage d’espaces publics et de mobilités douces, et une gestion de plus en plus digitalisée.
Mais il faudra préserver l’essentiel : la relation humaine, qui reste au cœur du plaisir de naviguer et des échanges entre passionnés. À Saint-Raphaël, le port est un lieu de vie majeur : ambiance marine, vie sur les quais, rencontres entre habitants, touristes et navigateurs... c’est l’une des signatures de la ville.
Figaro Nautisme : Quels sont les chiffres clés des ports de Saint-Raphaël ?
Mathieu Bertora : Les ports de Saint-Raphaël comptent aujourd’hui plus de 2 300 postes d’amarrage répartis sur cinq sites : Agay, Boulouris, Santa Lucia, le Vieux-Port et la zone d’ancrages écologiques (ZMEL). Nous accueillons des bateaux jusqu’à 50 m, 1 700 abonnés à l’année, 500 contrats mensuels et plus de 4 500 escales par an. Le plus grand bateau accueilli mesurait 56 m. Le plus petit appartient à un monsieur qui sort tous les jours pour aller pêcher la sèche. Son bateau doit mesurer moins de 3 m.
Environ 50 activités économiques y sont présentes : plongée, chantiers navals, restauration, location, excursions ou encore parachute ascensionnel. Des investissements pluriannuels sont en cours pour moderniser, sécuriser et rendre ces infrastructures toujours plus durables. Ce sont des équipements essentiels pour le nautisme, l’emploi et le dynamisme de la commune.

Figaro Nautisme : Votre dernière navigation ? Et la prochaine ?
Mathieu Bertora : Ma dernière navigation remonte à une sortie côtière entre Saint-Raphaël et le massif de l’Esterel. Ce décor est exceptionnel, avec ses reliefs volcaniques et ses couleurs changeantes. La prochaine n’est pas encore planifiée, mais depuis la baie de Saint-Raphaël, les possibilités sont infinies : les îles de Lérins, Porquerolles, les îles d’Or... La Méditerranée est un terrain de jeu magnifique, et nous avons la chance de l’avoir à portée d’étrave.
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