
Un accord fondateur qui a changé la donne en Méditerranée
Lorsqu’il est signé à Rome le 25 novembre 1999, l’Accord Pelagos marque un tournant dans l’histoire de la conservation marine. Rares sont les initiatives capables de réunir durablement trois États autour d’un même espace maritime. Entré en vigueur en 2002, l’accord vise précisément à harmoniser les politiques françaises, italiennes et monégasques pour protéger les mammifères marins des perturbations anthropiques : pollution, bruit sous-marin, captures accidentelles, dérangement, trafic maritime et autres pressions croissantes.
En 2001, le sanctuaire rejoint la liste des ASPIM, ce qui renforce son statut international. Contrairement à une réserve strictement réglementée, Pelagos est un territoire coopératif, reposant sur un maillage de législations nationales, de parcs marins, de sites Natura 2000 et d’aires spécialement protégées déjà en place dans les trois pays.
Pourquoi cette zone est-elle si exceptionnelle ? Une richesse biologique rarement égalée
Les cétacés y sont présents depuis des siècles, bien avant l’avènement du tourisme côtier ou du transport maritime moderne. Le prince Albert Ier de Monaco en témoignait déjà à la fin du XIXe siècle : depuis son palais comme depuis ses navires océanographiques, il observait un foisonnement de dauphins et de baleines, preuve de l’extraordinaire vitalité de ces eaux.
Les études menées ces dernières années révèlent pourquoi : la zone Pelagos est l’un des espaces les plus productifs de Méditerranée, un écosystème pélagique où circulation marine, remontées d’eau froide et abondance de plancton nourrissent une biodiversité d’une rare densité. Cette importance écologique a été reconnue par :
o la Convention des Nations unies sur la biodiversité, qui a identifié deux ZIEB (zone d'importance écologique et biologique) couvrant entièrement Pelagos,
o l’UICN (association pour la protection de la biodiversité), qui y a désigné deux IMMA (zones importantes pour les mammifères marins) majeures, notamment dans la mer Ligurienne et autour du canyon de Gênes.
Ce territoire n’est pourtant pas un refuge isolé : il se trouve au cœur d’une mer densément fréquentée. Trafic commercial, croisières, plaisance, activités de loisirs... Dans certains secteurs, les interactions avec l’humain se comptent par centaines chaque jour.

Une gouvernance transfrontalière pour un espace sous pression
Dans un environnement aussi contrasté, la protection ne peut reposer sur un seul pays. Pelagos fonctionne comme une plateforme de coordination, permettant de mettre autour de la table gouvernements, institutions scientifiques, ONG, opérateurs maritimes, représentants du secteur privé, collectivités et citoyens.
Le rôle du secrétariat permanent est central : animer la coopération, concilier les intérêts divergents, stimuler l’engagement des usagers de la mer et garantir que les décisions soient cohérentes entre les trois rives du sanctuaire. C’est ce pilotage collectif qui donne à Pelagos une place à part dans les politiques marines européennes.
Un territoire immense et contrasté, des côtes du Lion aux crêtes sardes
Le Sanctuaire Pelagos couvre 87 500 km2, plateaux continentaux, canyons sous-marins et zones pélagiques inclus. Il relie :
o une partie du golfe du Lion,
o toute la mer Ligurienne,
o le nord de la mer Tyrrhénienne,
o la mer de Sardaigne jusqu’aux abords du détroit de Bonifacio.
Il englobe la Corse, le nord de la Sardaigne, et des dizaines d’îles mineures, avec 241 communes côtières concernées. Une mosaïque géographique et humaine où l’activité maritime varie énormément selon les saisons, particulièrement dans les secteurs touristiques provençaux, ligures et sardes.
Des espèces fascinantes, héritage de 65 millions d’années d’évolution
La Méditerranée est un véritable laboratoire d’évolution : les ancêtres des baleines et dauphins, issus des Mesonychidae de l’Éocène, y évoluent depuis des millions d’années. Aujourd’hui, on distingue deux grands groupes :
Les mysticètes
Les baleines à fanons, dont le rorqual commun, géant de 24 mètres, qui fréquente chaque année les eaux du sanctuaire pour se nourrir de krill.
Les odontocètes
Cétacés à dents, parmi lesquels :
o les dauphins bleu et blanc,
o les dauphins de Risso,
o les grands dauphins,
o les globicéphales noirs,
o les cachalots,
o la discrète baleine à bec de Cuvier.
Présents en permanence ou de passage saisonnier, ces animaux sont révélateurs de la santé de l’écosystème.
Observer sans perturber : un code de conduite indispensable
Le succès du sanctuaire dépend en grande partie du respect des règles d’approche. Pelagos rappelle des principes simples, mais essentiels :
o rester à plus de 5 milles des côtes avant de commencer une observation,
o maintenir une trajectoire parallèle aux animaux,
o limiter sa vitesse à 5 nœuds,
o éviter tout changement brusque de direction,
o ne jamais dépasser 30 minutes d’observation,
o ne tolérer qu’un seul bateau dans la zone,
o interrompre la séance si les animaux montrent des signes d’agitation,
o redoubler d’attention en présence de jeunes,
o ne jamais toucher, nourrir ou tenter de nager avec les cétacés.
Ces règles permettent de réduire le stress, prévenir les collisions et limiter la modification des comportements naturels.

Pelagos, un modèle méditerranéen appelé à se renforcer
Le Sanctuaire Pelagos se trouve aujourd’hui à un tournant. Alors que le changement climatique perturbe les cycles alimentaires, que le trafic maritime augmente et que la pollution sonore progresse, sa mission devient plus stratégique que jamais. Le travail de recherche, de coordination et de médiation mené depuis plus de 20 ans démontre toutefois qu’une gouvernance internationale peut réellement infléchir les tendances.
Pelagos n’est pas seulement une zone protégée : c’est un laboratoire méditerranéen où science, politique et acteurs de terrain testent de nouvelles façons de vivre avec les géants de la mer.
Espace fragile mais vital, le Sanctuaire Pelagos incarne l’idée qu’une mer très fréquentée peut encore abriter une biodiversité exceptionnelle si les nations choisissent la coopération. Cet immense corridor pélagique est devenu un symbole en Méditerranée : celui d’une volonté commune de préserver les rorquals, cachalots et dauphins qui y trouvent encore refuge. Un modèle exigeant, en constante évolution, mais essentiel pour protéger les derniers grands nomades de la mer.
Et avant de partir en mer, ayez les bons réflexes en consultant la météo sur METEO CONSULT Marine et en téléchargeant l'application mobile gratuite Bloc Marine.
vous recommande