Ancrage et posidonies : les règles varient selon les rivages méditerranéens

Règlementation
Par Le Figaro Nautisme

Jeter l’ancre en Méditerranée a tout du geste réflexe quand une crique abritée se présente, mais sous la chaîne gît un patrimoine fragile : les herbiers de Posidonia oceanica. Véritables « forêts sous-marines », ces prairies stabilisent les sédiments, oxygènent l’eau, abritent une faune riche et limitent l’érosion. Leur croissance lente les rend pourtant très vulnérables aux ancres et aux chaînes qui labourent le fond. Résultat : le cadre légal s’est densifié, avec des règles qui varient selon les pays et, souvent, selon les régions. Le plaisancier averti doit donc connaître ces différences avant de mouiller.

Jeter l’ancre en Méditerranée a tout du geste réflexe quand une crique abritée se présente, mais sous la chaîne gît un patrimoine fragile : les herbiers de Posidonia oceanica. Véritables « forêts sous-marines », ces prairies stabilisent les sédiments, oxygènent l’eau, abritent une faune riche et limitent l’érosion. Leur croissance lente les rend pourtant très vulnérables aux ancres et aux chaînes qui labourent le fond. Résultat : le cadre légal s’est densifié, avec des règles qui varient selon les pays et, souvent, selon les régions. Le plaisancier averti doit donc connaître ces différences avant de mouiller.
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Un cadre européen, des principes partagés

À l’échelle européenne, la protection des herbiers repose sur des bases solides. La Directive Habitats (92/43/CEE) reconnaît la Posidonia oceanica comme un habitat prioritaire, obligeant les États membres à en assurer la conservation. La plante figure également dans plusieurs conventions internationales, dont la Convention de Barcelone et celle de Berne, qui imposent de limiter les atteintes liées à l’ancrage.
Plusieurs chartes régionales, comme l’accord RAMOGE, réunissant la France, Monaco et l’Italie, encouragent des pratiques de mouillage plus respectueuses : utilisation de bouées écologiques, ancrage sur fonds sableux ou dispositifs d’amarrage fixes.
Malgré ce socle commun, la réglementation concrète varie ensuite d’un pays à l’autre : seuils de taille des navires, cartes d’interdiction, sanctions, voire interdictions saisonnières.

France : une réglementation stricte et surveillée

La France est sans doute le pays méditerranéen le plus avancé en matière de protection des herbiers. Depuis 1988, un arrêté ministériel interdit leur destruction, leur arrachage ou leur détérioration. Mais c’est surtout à partir de 2019 que la réglementation a pris un virage concret, avec la multiplication des arrêtés préfectoraux maritimes.
Ces textes interdisent désormais le mouillage dans les prairies de posidonies pour les navires au-delà d’un certain gabarit, généralement 24 mètres, parfois 20 selon les zones. Ces arrêtés sont complétés par des délimitations locales précises qui identifient les zones autorisées d’ancrage, les mouillages réglementés ou les périodes d’interdiction saisonnière.
Le dispositif fonctionne : une étude récente menée à partir de données AIS et de l’application DONIA montre une nette réduction des ancrages illégaux. Les contrôles sont réguliers, les sanctions réelles. En France, les grandes unités doivent donc désormais se rabattre sur les champs de bouées ou les zones autorisées, sous peine d’amende.

Espagne : des règles strictes, mais déclinées par région

En Espagne, la réglementation est nationale dans ses principes, mais locale dans son application. Aux Baléares, le Décret 25/2018 interdit purement et simplement l’ancrage sur les prairies de posidonie. Les plaisanciers doivent utiliser les « campos de boyas », ces champs de bouées écologiques gérés par les autorités régionales. Le décret prévoit aussi la cartographie et la mise à disposition publique de ces zones, accessibles via des plateformes en ligne.
En Catalogne et dans d’autres régions, les sites classés Natura 2000 imposent des restrictions comparables. Dans la Communauté valencienne, le Décret 64/2022 interdit également le fondeo sur les herbiers, sauf avec des dispositifs à faible impact. Et la réglementation ne reste pas théorique : la Guardia Civil maritime n’hésite pas à verbaliser. En 2025, plusieurs bateaux ont ainsi été sanctionnés dans la baie de Xábia pour mouillage illégal sur des prairies de posidonie.
En Espagne, la règle générale est claire : pas d’ancrage sur posidonie, sauf s’il existe un champ de bouées autorisé. Seule difficulté pour les navigateurs : la signalisation et les cartes varient selon les communautés autonomes.

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Italie : un cadre en progression, mais inégalement appliqué

En Italie, la réglementation sur les herbiers repose surtout sur la présence de zones marines protégées (AMP). Dans ces aires, l’ancrage sur les prairies est interdit ou strictement limité à des zones équipées de bouées. Cependant, l’application de ces règles reste inégale : toutes les collectivités locales n’ont pas les mêmes moyens de contrôle.
Des études ont montré que même les petites embarcations peuvent provoquer des dégâts considérables selon le type d’ancre ou la manière de relever la chaîne. En conséquence, certaines AMP italiennes ont mis en place des programmes de sensibilisation et des mouillages à faible impact, mais la cartographie des interdictions demeure fragmentée.
Dans les faits, les plaisanciers italiens sont encouragés à se renseigner avant de mouiller, notamment via les gestionnaires de réserves ou les capitaineries. Dans les zones non protégées, l’ancrage reste souvent toléré, mais dans les parcs et réserves marines, la vigilance est de mise.

Les autres côtes méditerranéennes : Grèce, Croatie, Turquie

En Grèce, la réglementation n’est pas centralisée, mais certaines îles et parcs marins imposent leurs propres zones de mouillage surveillées, souvent équipées de bouées écologiques. En Croatie, les parcs nationaux et les aires marines protégées disposent de zones dédiées au mouillage, les ancrages sur herbiers étant interdits. En Turquie, les réserves marines et certaines zones protégées appliquent aussi des restrictions, mais les contrôles restent moins systématiques qu’au sein de l’Union européenne.
Dans l’ensemble, tous ces pays reconnaissent l’importance écologique de la Posidonia oceanica, mais les moyens de surveillance et d’application diffèrent largement.

Les bons réflexes du plaisancier

Face à cette diversité de règles, quelques principes universels s’imposent. Avant toute chose, vérifier la cartographie : les cartes officielles et applications comme DONIA ou Navily identifient souvent les herbiers. Si des champs de bouées écologiques existent, mieux vaut y recourir ; ils évitent le frottement destructeur de la chaîne sur le fond.
Lorsque le mouillage libre est autorisé, il convient de privilégier les fonds sableux et de relever l’ancre verticalement pour ne pas arracher la végétation. Les plaisanciers sont aussi invités à limiter la longueur de chaîne et les mouvements de giration du bateau. Les mouillages écologiques, ancres à faible impact et systèmes innovants de fixation au fond se développent rapidement.
Enfin, dans les zones réglementées, la durée du mouillage ou la distance à la côte peuvent être limitées : mieux vaut toujours consulter les autorités locales ou les gestionnaires de parcs avant de jeter l’ancre.

Naviguer responsablement, un réflexe désormais indispensable

La protection des herbiers de posidonie n’est plus une affaire de principe, mais une réalité juridique et écologique. Dans chaque pays méditerranéen, les règles évoluent rapidement, portées par la volonté de préserver ce patrimoine sous-marin.
En France, les interdictions sont claires et surveillées ; en Espagne, elles se déclinent localement ; en Italie, elles se renforcent progressivement. Partout, les plaisanciers doivent s’informer avant d’ancrer. Respecter les zones de mouillage, utiliser les bouées installées et éviter les prairies vivantes ne sont plus des gestes optionnels : ce sont des preuves de bon sens marin.
Préserver la posidonie, c’est protéger la vie méditerranéenne, mais aussi garantir aux générations futures la beauté intacte des eaux où l’on aime naviguer.

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.