
S’étendant sur 6 830 km2, de Bastia à Belgudè, le parc couvre un linéaire côtier de 225 km et englobe 27 communes. Sa position géographique, à la croisée des routes maritimes méditerranéennes, le place également au cœur du sanctuaire Pelagos, une aire internationale de protection des mammifères marins. C’est ici que se croisent dauphins, rorquals et tortues marines, dans un environnement où la biodiversité reste d’une rare intensité.
Herbiers de posidonie, coralligène, rhodolithes, canyons sous-marins ou micro-estuaires composent une mosaïque de milieux essentiels. Ces habitats assurent la reproduction, l’alimentation et la migration de centaines d’espèces marines. Mais cet écosystème exceptionnel est aussi un moteur économique et culturel : pêche artisanale, tourisme littoral, loisirs nautiques et transport maritime y trouvent leur place. Face aux pressions croissantes, l’enjeu est désormais de concilier usages et préservation.

Des espaces strictement protégés
Au cœur du dispositif, quatre zones maritimes bénéficient d’une protection renforcée. La réserve naturelle des îles du Cap Corse, créée en 2017, en est l’exemple le plus emblématique. Sur 66 hectares mêlant terres émergées et espaces infralittoraux, elle abrite une diversité remarquable d’oiseaux marins, de poissons et de formations géologiques. Pour préserver cet équilibre, le débarquement, la circulation ou le mouillage à moins de dix mètres des rivages y sont totalement proscrits. L’approche des îles de la Giraglia, Capense et Finocchiarola est ainsi encadrée avec rigueur, garantissant la quiétude de ces sanctuaires naturels.
À cela s’ajoutent les cantonnements de pêche de Bastia et San Fiurenzu, instaurés dès 1983. Dans ces zones, la pêche professionnelle et de loisir, ainsi que la plongée, sont interdites. Seules subsistent la pêche à pied et la pêche à la ligne depuis le rivage. Ces mesures, souvent perçues comme contraignantes, ont pourtant démontré leur efficacité pour redonner souffle aux populations halieutiques. Elles illustrent le rôle de "réservoirs" que peuvent jouer certaines aires marines protégées au bénéfice des zones environnantes.

Encadrer le mouillage pour sauver les herbiers
La pression du mouillage reste l’une des menaces majeures sur les fonds marins. Les ancres qui labourent les herbiers de posidonie détruisent en quelques minutes ce que la nature met des décennies à reconstruire. Le parc abrite 100 km2 de ces herbiers, soit l’une des plus fortes concentrations de Méditerranée. Leur protection est donc une priorité absolue.
Dès 2016, une stratégie régionale a encadré le mouillage des grandes unités, avec un arrêté préfectoral imposant aux yachts de 45 à 80 mètres de déclarer leurs intentions et de se limiter à certaines zones. Les navires de plus de 80 mètres ne peuvent quant à eux mouiller qu’à San Fiurenzu, dans une zone précise et sous l’œil du CROSS. Depuis 2019, le parc a franchi un pas supplémentaire avec sa propre stratégie locale : règlementation renforcée, innovations techniques (bouées écologiques, ancrages légers) et accompagnement financier des communes pour installer des zones adaptées.
L’arrêté préfectoral de 2019 interdit par ailleurs tout mouillage destructeur dans les zones d’herbiers protégés. L’objectif est clair : réduire drastiquement l’impact de la plaisance sur ces milieux, sans pour autant fermer la porte à l’activité.
La pêche de loisir désormais sous autorisation
Autre activité emblématique de la Méditerranée, la pêche récréative a vu ses pratiques évoluer. Depuis l’été 2024, toute personne de plus de 16 ans doit obtenir une autorisation nominative pour pêcher dans le périmètre du parc. Valable un an, ce permis s’obtient via l’application CatchMachine ou directement auprès des bureaux du parc. Il permet d’évaluer précisément la fréquentation, de mieux encadrer les prélèvements et de diffuser les règles en vigueur.
Cette règlementation s’accompagne d’un "panier familial" : 5 kg maximum par pêcheur et par jour, ou 15 kg pour un équipage de trois personnes ou plus. En cas de capture unique dépassant le quota, le pêcheur peut la conserver mais doit cesser toute activité pour la journée. Ce système, déjà adopté ailleurs en Méditerranée, vise à freiner la surexploitation tout en laissant la place à une consommation domestique raisonnable.

Une gestion collective et durable
Le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate n’agit pas seul. Sa gouvernance repose sur un conseil de gestion réunissant collectivités, pêcheurs, associations et services de l’État. Ensemble, ils construisent un équilibre fragile entre protection de la biodiversité, maintien des activités maritimes et développement touristique raisonné.
Chaque règle, qu’il s’agisse du mouillage, de la pêche ou de l’accès aux îles, répond à une logique commune : permettre aux générations futures de profiter d’un patrimoine marin exceptionnel. La règlementation n’est pas ici une contrainte mais une assurance de durabilité. Dans une Méditerranée soumise à une pression croissante, le Cap Corse fait figure de laboratoire grandeur nature, où la préservation s’invente au quotidien.
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