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Ce n’est pas sans raison que la société Naudet a obtenu, en 2016, le label Entreprise du patrimoine vivant, en effet, elle reste en France la dernière à construire des baromètres. Ce savoir-faire remonte à 1860, année de création de la société et de l’obtention d’un brevet d’invention. A l’exception des coffrets en bois pour les barographes et du polissage du laiton, toutes les pièces de l’emboutissage du métal à la réalisation finale, sont fabriquées dans leurs ateliers. Naudet a été repris en 2014 par François Bouan dans le but de préserver et transmettre un savoir-faire unique ; les outils de production des premières années d'activité sont toujours en service mais l'entreprise a déménagé récemment dans des locaux plus fonctionnels.
Comment ça marche ?
C’est en 1643, suite à des études préliminaires effectuées par Galilée (décédé en 1642), que Torricelli avait constaté que les pompes aspirantes ne pouvaient pas élever l'eau de plus d’une dizaine de mètres. Deux solutions s’offraient à lui : utiliser une colonne d’eau (minimum 10 mètres de haut), ce qui n'était pas pratique, ou alors prendre un liquide d’une densité supérieure. Le mercure (densité 13,6) fut retenu, ce qui permit de réduire d’autant la colonne. Son expérience a consisté à remplir un tube de mercure, d’en boucher une extrémité avec le doigt et de plonger l’autre extrémité dans un récipient rempli de mercure. La colonne ne se vide que partiellement, il reste environ 760 mm de hauteur de mercure. Il en a déduit que c’est la pression de l’air qui régule la hauteur de mercure dans le tube. Le principe du baromètre à mercure était né. Cette découverte fut ensuite exploitée par Descartes qui constata que la hauteur de mercure diminuait avec l’altitude à cause de la pression de l’air. A partir de là, le système fut amélioré pour rendre la mesure plus pratique (échelle graduée, baromètre à cadran, à siphon, etc.). C’était, à cette époque, un instrument de laboratoire. Cependant aussi précis soit-il, un baromètre à mercure est difficilement transportable et encore moins sur une embarcation mobile (avion, bateau, etc.). D’autres inventions virent le jour comme le baromètre à gaz : le gaz se comprime ou se détend en fonction de la pression. Mais, l’invention de Lucien Vidie (1844) est la plus significative. Il a démontré que la pression atmosphérique exercée sur une enceinte métallique close dont on a fait un vide partiel se déforme en fonction de la pression. Il restait simplement à traduire cette variation par une aiguille face à un cadran gradué (baromètre) ou sur un tambour (barographe). Le baromètre anéroïde tel que le fabrique Naudet était né. Il est moins précis de quelques % que le baromètre à mercure, mais il a trois atouts : compact, robuste et transportable.
La naissance d’un baromètre et d’un barographe vue par Naudet
Pour fabriquer un baromètre, Naudet réalise en premier la partie mécanique. Tout part d’une plaque de laiton qui est découpée, emboutie, façonnée pour obtenir le boitier brut. Le polissage est effectué chez un sous-traitant français. Au retour, le boitier est verni à chaud pour garantir une meilleure protection contre la corrosion et donner ce bel aspect brillant. La capsule anéroïde, le cœur du baromètre, est réalisée et soudée manuellement puis assemblée avec les différentes pièces du mouvement (30 à 50). L’étalonnage par rapport à une colonne de mercure sera la dernière étape de fabrication.
Chaque appareil est réalisé manuellement. Une grande partie de l’outillage utilisé date de l’époque de la création de l’entreprise, d’autres ont plus de 70 ans. Le seul outillage moderne est une machine à découpe Laser qui permet de réaliser les cadrans, standards ou personnalisés. Reste le savoir-faire. Il a été transmis à des personnes qui ont plusieurs dizaines d'années dans la société. C’est le cas de Thierry Belzeau qui a 51 ans et qui y a fait toute sa carrière. Aux dires du directeur François Bouan, le plus difficile est de recruter. Mais il est optimiste ! La preuve : Morgane, une jeune diplômée de l’école d’horlogerie qui occupe les différents postes de travail pour se former. A ce jour, la société Naudet fabrique des baromètres, des barographes, des hygromètres, des thermomètres et des montres. On retrouve ces produits chez les accastilleurs, dans les magasins d’optique, les horlogeries, etc. mais également en vente en ligne (www.naudet.com).
Le barographe une extrapolation du baromètre
Un barographe, souvent appelé baromètre enregistreur, est constitué d’un empilement horizontal de capsules dont la déformation est transmise via un bras muni d’un crayon sur un papier enroulé sur un tambour tournant équipé d’un mécanisme d’horlogerie (mécanique ou électrique).
La seule touche asiatique
Sur un hygromètre, pour mesurer l’humidité, on utilise un cheveu qui se rétracte lorsqu’il est sec et s’allonge (1 à 2%) lorsqu’il est humide. Pour cela, le cheveu utilisé est asiatique car plus résistant que la moyenne. La société a un stock de cheveux pour tenir plusieurs dizaines d'années.
L’avenir du baromètre vu par Naudet
"A ce jour, la qualité, le sérieux, la réputation de la fabrication permet aux baromètres NAUDET d’être référencés par la marine nationale et plusieurs autres marines étrangères ou d’être revendus comme articles de grand luxe. Chaque fois qu’une lecture de pression atmosphérique précise est demandée (Laboratoires, sous-marins, navires….) les appareils professionnels Naudet sont présents. Mais, pour vivre et croitre, il faut aussi se diversifier. Pour ce faire, nous proposons des produits grand format pour les lieux publics (présenté au dernier Nautic), des hygromètres pour cave à vin et cigares et étudions d’autres opportunités incorporant l’électronique. Mais le baromètre classique et le barographe resteront encore longtemps les préférés des passionnés de météo et des marins que ce soit à bord ou chez eux : c’est un bel objet, utile et vivant, il a une histoire !
Nous tenons à conserver et transmettre le savoir-faire tout en étant conscient qu’un instrument de précision qui dure dans le temps a un prix. Notre croissance de ces deux dernières années tente à prouver que le challenge de relancer cette production française réputée peut être gagné."
Reste l'interprétation des données du barographe, là, c’est un autre sujet, nous y reviendrons très prochainement.