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En décembre, la Fédération des Industries Nautiques a lancé sa campagne « L’équipe nautique recrute » pour répondre aux importants besoins de main d’œuvre du secteur. « Après la crise sanitaire, nous avons connu un fort regain d’activité, explique Céline Virot responsable emploi et formation de la FIN. 1000 postes étaient à pourvoir chaque année, ils sont 1500 aujourd’hui et on n’arrive pas à les combler ». Le secteur industriel est le principal pourvoyeur d’emplois de la filière. « Les carnets de commandes sont pleins chez la totalité des constructeurs rochelais », confirme Sébastien Rafaneau, le directeur de l’agence Pôle emploi locale. La grande majorité des postes recherchés sont ceux d’opérateurs en matériaux composites (ou stratifieurs) pour construire les coques de bateaux. « Un métier qui souffre d’une mauvaise image, mais il a beaucoup évolué », assure le directeur. Le secteur est aussi en quête de menuisiers d’agencement, d’accastilleurs (pour monter les éléments à bord), de mécaniciens moteur, de techniciens de maintenance. Face à la pénurie, Pôle emploi a créé une agence mobile. Un camion estampillé « Le nautisme forme et recrute près de chez vous » circule dans les quartiers et les villages. « Chacun peut trouver son compte. Nous présentons des cursus courts en entreprise et des formations de 8 à 12 mois de niveau CAP ». A La Rochelle, cinq organismes accompagnent les adultes attirés par l’industrie nautique. Le Greta est l’un d’eux. « Nous proposons par exemple, du 6 mars au 13 octobre, un CAP menuisier nautique avec le constructeur Fountaine-Pajot qui envisage de recruter 360 CDI », indique Etienne Patte, le responsable. Et pour mieux répondre aux attentes des salariés, le Greta travaille aussi sur des passerelles entre les métiers, ou comment passer de stratifieur à menuisier naval.
Besoin de définir qui l’on est
Éric Mabo, délégué général adjoint de la FIN, estime en outre qu'« il faut travailler l’attractivité de la filière, des métiers et des entreprises ». Ces difficultés de recrutement « nous renvoient à la notion de bassin d’emplois mais aussi à celle du sens du travail pour les ouvriers, car nous n’avons pas de mal à recruter des cadres ». Il s’agit pour commencer de répondre à une certaine confusion. « On a besoin de bien définir ce que l’on est ». La FIN œuvre avec des prescripteurs comme Pôle emploi pour « porter la bonne parole auprès des candidats. Car le nautisme peut prendre des connotations très différentes pour les gens. Est-on une filière de la mer par exemple ? Pas sûr… Les métiers dont on est le plus proche sont ceux de l’automobile ou du bâtiment ».
Dès mars-avril, la FIN va cibler sa campagnes de communication vers les collégiens qui voudraient s’orienter vers l’enseignement professionnel pour leur dire « il est possible de travailler dans le nautisme ». Les demandeurs d’emplois adultes seront pointés en septembre. « Ce serait une erreur de limiter nos problématiques d’attractivité à la dimension formation. La connaissance des métiers ou la mobilité sont nos sujets prioritaires ».
Car en effet, la filière n’est pas démunie en matière de formations. Elle bénéficie d’un panel de diplômes de tous niveaux. Outre les CAP, cursus d’ingénieurs, licences pros et autres BTS, certains empruntent des parcours singuliers car les voies qui mènent au nautisme sont diverses.
Les constructeurs de bateaux en bois
Depuis 1984, les Ateliers de l’Enfer à Douarnenez forment aux techniques de construction traditionnelles autour de trois pôles : charpente de marine, voilerie et sellerie (coussinage, rangements…). Chaque année, une quarantaine de diplômés (CAP et CQP) quittent les ateliers pour intégrer les chantiers navals, voire le secteur du bâtiment. « Ici la mise en pratique est au cœur du projet. Nous construisons deux bateaux par an, explique Thibault Legall, le directeur. Nous mettons en œuvre un vrai travail d’artisan ». La formation est prise en charge par la région, les candidats sont sélectionnés sur dossier. Une expérience en régate est appréciée.
RM Yacht, à La Rochelle construit des bateaux en contreplaqué-époxy. « Nos méthodes sont semi-industrielles et nous utilisons des outils d’aujourd’hui », indique Victor Barriquand, chef de projet. Ce passionné de bateau a d’abord travaillé dans le milieu du design d’objets avant d’intégrer la filière nautique. À l’âge de 26 ans, le virus de la mer le rattrape. « J’avais envie de travailler dans les bateaux, en faire, être présent dans ce milieu. » Après avoir suivi le DPEA architecture navale en un an à Nantes, il est recruté par le bureau d’études de RM Yacht. « Mon travail s’apparente à celui d’ingénieur R&D. Je fais toute la conception de la quille au haut du mat. Il s’agit de concrétiser les lignes dessinées par les architectes. »
De la physique à la course au large
À l’instar de Victor, Grégoire Aubert a découvert la voile dans l’enfance. Son parcours professionnel l’a d’abord mené sur les bancs d’un enseignement général « J’ai commencé par une licence de physique et après une remise en question, j’ai voulu me rapprocher de la mer ». Afin de « raccrocher les wagons », il envisage alors de travailler sur les bateaux en tant qu’ingénieur en électronique. Pour cela Grégoire s’est inscrit en master systèmes embarqués / systèmes intégrés à Lorient. « Les systèmes embarqués sont par exemple les capteurs qui apportent des données de la puissance exercée sur la voile, l’angle des foils, la hauteur de la dérive... ». Grégoire complète sa formation de deux ans en alternance auprès du staff d’Erwan Leroux, vainqueur de la dernière Route du Rhum dans sa catégorie. « Je visais une écurie de course pour apprendre vite et beaucoup. Mon graal serait ensuite d’intégrer des bateaux scientifiques comme la goélette Tara basée à Lorient. »