La voile de retour dans le transport, une alternative crédible ?

Voiliers

Plusieurs chantiers et opérateurs de transport maritime, qu’il s’agisse de fret ou de passagers, présentent des solutions décarbonées avec, comme alternative, le choix de la voile comme mode propulsif des navires. Une solution réellement crédible ?

Canopée, 121 m de long, emmène les pièces d’Ariane 6 d’Europe vers la Guyane. Grâce à ses ailes, le cargo a réduit sa consommation de fuel de 25 à 50% ©Ayro/Uni Prod
Plusieurs chantiers et opérateurs de transport maritime, qu’il s’agisse de fret ou de passagers, présentent des solutions décarbonées avec, comme alternative, le choix de la voile comme mode propulsif des navires. Une solution réellement crédible ?


Le coût du transport : une réalité économique réelle et… douloureuse !
Il suffit de regarder un porte-conteneur, un pétrolier ou un paquebot pour comprendre que ces navires consomment énormément d’énergie pour leurs déplacements. Le ministère de l’écologie français estime que le carburant représente entre 10 et 15% du coût total du transport maritime de marchandise. Le prix HSFO, le fuel lourd essentiellement utilisé dans le transport maritime, est très volatile. Il tourne actuellement autour des 476 dollars US la tonne, en baisse de 38% par rapport à mai 2022… Qu’en sera-t-il demain ? Difficile de le prédire et donc compliqué pour les acteurs du fret maritime de s’organiser. D’où la question de trouver des alternatives crédibles…

Quelles sont les alternatives au fuel dans le transport maritime ?
GNL ? Biogaz ? Hydrogène ? Les armateurs cherchent des solutions pour faire des économies et répondre à une demande croissante des consommateurs pour être moins polluants. Le fuel lourd soufré à 3,5% est déjà interdit depuis 2020.
Le GNL est le gaz naturel liquéfié. En gros, il s’agit du gaz que vous utilisez chez vous mais refroidi à -160°C. Il se présente donc sous forme liquide et condensée. L’avantage du gaz réside dans une combustion réduisant de 25% les émissions de CO2 et un rejet bien moindre des particules fines, d’oxyde de soufre et d’azote. Mais le coût d’un navire fonctionnant au GNL est beaucoup plus élevé et le manque d’infrastructures (moins de 235 zones de soutages seront équipées dans le monde fin 2025) n’aide pas au développement de ce carburant. Il devrait tout de même y avoir jusqu’à 4000 navires GNL en 2030 (sur 94 000 navires de transport de tous types).
Le biogaz, lui, est issu de la fermentation des déchets agricoles, alimentaires et des stations d’épuration. La solution est viable, fonctionne mais la quantité produite bien trop faible pour répondre à la demande du transport maritime.
Quant à l’hydrogène, si la solution est, elle aussi, séduisante d’un point de vue écologique et énergétique, elle bute, sur le problème de la production bien trop faible et énergivore à ce jour pour imaginer remplacer le fuel…

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Les porte-conteneurs sont aujourd’hui gigantesques (les plus grands mesurent… 400 m de long). Difficile d’imaginer des solutions pour déplacer de tels monstres sans énergie fossile ! © CMA CGM

Quelles sont solutions pour un transport maritime décarboné et efficace ?
Si certains dérivés du pétrole sont moins polluants que le fuel lourd, ils ne peuvent, à terme, être une alternative crédible à un transport complétement décarboné. Mais ils sont une solution intéressante en mix énergétique.
De plus en plus d’acteurs du transport se penchent aussi sérieusement sur le vent comme source d’énergie pour propulser – au moins en partie – leurs navires. Cerfs-volants, voiles, voiles rigides ou gonflables, éoliennes… les techniques qui marchent dans la croisière ou dans la course au large se développent dans la marine marchande.

Retour vers le futur : le transport à la voile, ça fonctionne ?
Les exemples ne manquent pas : Sailcoop propose de vous emmener en Corse ou aux Glénan sur un voilier. En trois ans, la jeune entreprise a transporté 10 000 passagers sur ses deux lignes régulières. Un transport à la voile – quand le vent est de la partie – qui a permis d’obtenir pour ces voyages, un taux de décarbonation de 80%.

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© En 2027, le cargo Grain de Sail 3 emmènera 200 conteneurs propulsé par ses 4000 m2 de voiles. Le futur du transport à la voile ?


Grain de Sail 2 est un monocoque en aluminium de 52 m qui a une capacité de chargement de 350 tonnes. Le cargo à voile mis à l’eau début 2024 doit réaliser entre 2 et 3 boucles atlantiques chaque année. Mené par un équipage de deux marins, il porte 1500 m2 de voiles. Le prochain projet de l’entreprise est le Grain de Sail 3, un véritable porte-conteneurs de 110 m de long, propulsé par 4000 m2 de voiles et capable d’emmener 200 conteneurs soit 3000 tonnes de charge. La mise à l’eau est prévue en 2027. L’objectif est de réduire l’empreinte carbone de 90%.
L’avantage de ces « petits » bateaux comme Grain de Sail 2, mais aussi TOWT et quelques autres est de pouvoir charger et décharger dans des infrastructures plus petites que celles nécessaires aux gros porte-conteneurs. Résultat : de l’entrepôt de départ à celui d’arrivée, il est possible de gagner jusqu’à une dizaine de jours. Et dans le transport, le temps… c’est de l’argent !

Autre exemple du transport à la voile qui a vraiment fait ses preuves, Canopée. Le cargo a été conçu par VPLP (cabinet d’architecture navale multiple vainqueur de la Route du Rhum, du Vendée Globe ou encore de l’America’s Cup…) pour transporter les éléments d’Ariane 6 de l’Europe vers la Guyane, site de lancement de la fusée. Le cargo mesure 121 m de long et est propulsé par 4 ailes de 363 m2. Le principe est de réaliser 11 rotations atlantiques par an à la même vitesse opérationnelle qu’un cargo classique, mais en réduisant la consommation – grâce au vent – d’au moins 15%. Après un an d’exploitation, la réalité dépasse la fiction, puisque Canopée réduit sa consommation moyenne de 1,3 tonne de fuel par jour ! Selon les conditions, la consommation sur une transatlantique baisse de 25 à 50%. D’après les calculs réalisés par les promoteurs de Canopée, l’économie réalisée sur le fuel permet de payer le surcoût de la construction (ailes, mâts, système informatique) en environ 5 ans. Et les simulations sur un porte-conteneurs de la classe Panamax (260 m de long – 4500 conteneurs équivalent 20 pieds – 56 000 tonnes de chargement) démontreraient une économie de 20% de fuel sur une transatlantique, permettant, là encore, une rentabilité en 5 ans.

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Les cerfs-volants géants ou ailes de kite, avec une surface pouvant aller jusqu’à 1600 m2, sont une solution permettant de baisser la consommation de fuel de 20% ! © Beyond the Sea


Le cerf-volant est une alternative tout aussi crédible. Développé par l’Allemand Skysails, le projet Seawing (racheté par un armateur japonais) ou encore le concept Beyond the Sea fondé par le navigateur Yves Parlier, ces systèmes utilisent une aile géante qui va tracter le cargo ou autre porte-conteneurs en étant totalement automatisée. L’utilisation de ces cerfs-volants géants pourraient permettre de réduire la consommation de 20% avec l’avantage d’être beaucoup moins couteux et de ne pas prendre de place sur le pont par rapport à un gréement complet.
Alors, la voile est-elle en train de redevenir une solution crédible dans le transport maritime ? Le vent permet, en tout cas, de réduire de manière très significative la consommation de fuel. Un premier pas, utile, en attendant de trouver une solution… miracle !

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…