Givrés ?

Par Eric Mas

Ces fameuses portes des glaces qui, dans cette nouvelle édition du Vendée Globe, imposent une route beaucoup plus nord pour s’écarter des icebergs, permettent d’éviter aussi un autre danger, le givrage.
 

Pour l’admirateur de la nature le givre est le merveilleux dépôt de cristaux de glace qui se forme lorsque l’eau en surfusion, c’est à dire encore à l’état liquide alors que de température négative, entre en contact avec un élément solide… un brin d’herbe ou même le fil d’une toile d’araignée suffit parfois.

 

Pour le terrien plus chagrin, le givrage est synonyme de grattage du pare-brise au lendemain d’une nuit d’hiver étoilée qui a laissé la voiture se refroidir par rayonnement et l’humidité se congeler subitement au contact de son pare-brise glacé.

 

Pour l’aviateur, le givrage est synonyme de problème lorsque le maintenant trop célèbre tube de Pitot ne peut plus mesurer sa vitesse, ou pire lorsque son carburateur (avion d’aéroclub) trouve le moyen (par dépression et évaporation de l’essence) de baisser la température de l’air qu’il aspire dans des proportions telles que 10°C et 80% d’humidité deviennent des conditions propices à son obstruction par la glace. Le pilote a appris que l’eau peut être en surfusion par –30°C.

 

Pour le marin, c’est une autre histoire. Un plaisancier qui goutte au plaisir d’une navigation par beau temps un petit matin de février aura appris que la belle glissade qu’il effectue sur son pont est évidemment due à la surprise que lui réserve son antidérapant recouvert d’une surface presque invisible de glace formée à la faveur du rayonnement nocturne.

Au large, même dans le grand sud, le givrage n’est pas vraiment dangereux si le skipper intervient au fur et à mesure, mais il peut dégrader sérieusement la performance, voire isoler ou bloquer les instruments de navigations (radar, antenne, anémomètre).

Par vent faible, l’air humide d’une perturbation entrant en contact des superstructures peut déposer une couche de givre, en particulier sur les structures métalliques, mais l’accumulation ne sera pas rapide.


Si le givre attaque par gros temps, le danger est tout autre. Le vent arrache des embruns à la mer et, lorsque la température de l’air est inférieure à celle du point de congélation de l’eau, la cristallisation intervient dès la rencontre avec le bateau. La congélation de l’eau dépend de sa salinité, c’est à dire pour les océans de la perte d’eau douce (évaporation) ou de son apport (fonte des glaces, pluies, fleuves). L’eau douce congèle à 0°. L’eau relativement peu salée comme celle de l’océan Antarctique, 35 grammes de sel par litre d’eau, congèle à –2°C.
 

Le givrage des embruns dépend donc de la température de l’air, de celle de la mer, de la force du vent et de l’état de la mer.
Un bateau du Vendée Globe sera soumis au givrage d’intensité dite modérée pour une température de l’air de -5° avec une température de la mer à 6° et un vent de force 6. Dans de mêmes conditions de températures, cette intensité devient forte par vent de force 8, très forte par vent de force 10. Lorsque vous saurez que ces trois seuils correspondent respectivement à des accumulations de glace de 5, 10 et 15cm en 24h et que cette glace s’amassera toujours du côté au vent… vous souhaiterez vraiment voir le skipper multiplier les virements de bord même si ce n’est pas optimal pour sa course. En particulier, il n’est pas envisageable de se mettre à la cape pour attendre que cela se passe… les anciens, qui ne pouvaient faire autrement, voyaient dans ces conditions leur gréement s’effondrer sous le poids de la glace quand ce n’était pas le chavirage total du bateau perdant son équilibre sous la surcharge d’un seul bord.

 

Je ne suis pas sûr que la direction de course ait pensé à ces terrifiantes images lorsqu’elle a donné ce nom de « portes des glaces » à ces passages obligés dans des zones plus clémentes.

 

PS : Ces photos de structures glacées ont été prises en février 2012 sur le bord du lac Léman. Eau douce, donc. Mais soyez en convaincus, l'eau de mer est capable de faire aussi bien !
 

Diaporama
L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…