Le niveau de la mer monte dangereusement

Le niveau de la mer monte dangereusement dit le GIEC, Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Le paysage change le long du littoral et chacun voit midi à sa porte.
Enfants, nous passions nos vacances au bord de cette baie de Morsalines installée sur la côte est du Cotentin. Nos jeux se déroulaient sur l’eau à marée haute, sur la grève à marée basse et notre souvenir de la limite haute de la pleine mer lors des mortes-eaux est assez précis. Une morte-eau se traduit toujours par une pleine mer dans l'après-midi, mais aujourd’hui elle monte plus haut, en tout cas, étant donnée la faible pente de notre baie, elle avance plus loin. Notre espace de jeu s’est restreint. Je m’y fais puisque mes jeux de basse mer n’exigent plus la même surface. Mais nos enfants auraient eu le droit d’en profiter et il y a de quoi s’interroger.
Et certains riverains se font l’écho du GIEC : le niveau de la mer monte dangereusement, c’est la faute au réchauffement climatique, c’est donc la faute à l’augmentation du taux de Co2 et donc à l'humanité.
Cette hausse du niveau moyen est évaluée à partir des mesures des satellites et des marégraphes. Et si la communauté scientifique se dispute pour une quantification précise au cours des dernières décennies (échelle temps en concordance avec celle de mes souvenirs d’enfant) on peut convenir qu’elle est de l’ordre de 1 à 3mm/an dont la moitié est imputée à une variation naturelle, l’autre à la négligence de l’homme qui contribue au réchauffement de l'atmosphère et des océans.
Pour se faire une idée, postulons que l’élévation est de l’ordre de 6 cm en 30 ans. Cela n’est pas assez pour que la morte-eau vienne maintenant grimper sur la plage alors qu’autrefois elle se résignait à ne pas envahir toute la grève. Et puisque l’on veut que l’homme soit responsable, peut-être même coupable, je pense qu’il faut chercher plus prosaïquement du côté des perturbations locales et, dans notre baie bien aimée, probablement au remplacement des moulières à bouchots par des parcs à huitres en perpétuelle extension.
Chez nous, on ne peut pas confirmer que le niveau de la mer monte, mais constater que celui de la terre descend. Souvent l'aménagement du littoral modifie les habitudes des courants de marée et le sable, lui aussi, se met à voyager. Il peut alors quitter la plage pour se poser ailleurs, à quelques encablures.
Et tout cela me fait penser à cette sentence philosophique de Jules Lagneau : “L’espace est le cadre de ma puissance, le temps est celui de mon impuissance”.
Bien sûr je ne prétends pas me lancer dans une cogitation sur la conquête de l’espace, même d'une étendue terrestre, et l’irréversibilité du temps. Pourtant je me laisse interpeller par ce rappel. On ne peut pas empêcher le temps de se dérouler, mais pour qu’il ne nous réserve pas trop de surprises nous devons endiguer nos velléités de puissance. En tout cas, notre puissance à gérer l'espace est toute relative, puisque nous n'en maitrisons pas les conséquences, même dans un domaine aussi restreint que notre baie.
On ose parler de « conquête » de l’espace, jamais de celle du temps.
Pour le temps chronologique ?
Et pour le temps météorologique ???