Faire de la météo les yeux bandés
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L’homme, plus ou moins inquiet, a toujours observé le ciel en se demandant ce qui allait lui tomber dessus. Des Chinois ont même ressenti très tôt le besoin d’enregistrer les observations puisque des descriptions du ciel et du vent sont datées de 1300 avant JC sous la dynastie Shang. Des registres divers et variés ont permis de faire évoluer au fil des siècles la connaissance des climats et du comportement de l’atmosphère mais il a fallu attendre le 18ème siècle pour utiliser l’observation à des fins de prévisions, comme en médecine où le diagnostic est indispensable au pronostique. C’est comme bien souvent un fait de guerre qui fût le déclencheur. La guerre de Crimée, qui se voulait moderne avec l’utilisation du chemin de fer, de bateaux à vapeur, du télégraphe et de la photographie, n’aurait peut-être pas durée 2 ans et demi si les alliés franco-anglo-turques n’avaient perdu la plus grande partie de leur flotte en étant surpris par une terrible tempête le 14 novembre 1854.
Après avoir recueilli plus de 250 observations sur l'état de l'atmosphère autour de cette date en différents points d’Europe, le directeur de l’observatoire de Paris, Urbain Le Verrier mit en évidence la trajectoire de la tempête et démontra qu'il existait un espoir de prévoir de tels phénomènes. Il n’eut alors pas trop de mal à convaincre Napoléon III de la nécessité de créer un réseau de stations pour communiquer le plus rapidement possible leurs observations. En une dizaine d’année ce réseau s’étendit à l’Europe et permit de tracer les premières cartes d’analyse. A la fin du siècle ce sont des mesures systématiques en altitude qui sont effectuées à l'aide de cerfs-volants et de ballons sondes.
Au fil des années l’observation est devenue une technique éprouvée pour décrire avec précision et rigueur la hauteur, la forme, l’épaisseur, l’opacité des nuages qui finissent par être classés dans un atlas de référence. Les précipitations sont cataloguées aussi et il ne faut pas confondre une pluie intermittente avec des averses. La brume n’est pas du brouillard, un grain n’est pas une rafale. La température, pour être homologuée, doit être mesurée à 2 m de hauteur dans un abri peint en blanc et bien aéré et le vent doit être mesuré à 10m de hauteur au-dessus d’un sol bien dégagé. Le tout doit être observé à heure fixe puis codé et transmis en un temps record.
En 2017, le météorologue n’observera plus.
Observer c’est, c’était, un métier. Un métier plaisant qui consiste à rentrer dans les subtilités de l’atmosphère en un moment et en un lieu précis, à comprendre pour mieux décrire l’état du ciel et la forme des précipitations. Un métier en train de disparaître sous prétexte que la télémesure et la télédétection font des merveilles. Pourtant aucun instrument ne pourra identifier précisément les espèces entremêlées des nuages qui se superposent au-dessus de la station d’observation. Le catalogue des nuages va tomber en désuétude.
En France seuls les 5 plus grands aéroports vont garder le « tour d’horizon » horaire. Pour les 34 autres la scrutation de la visibilité sur 360°, des différentes couches nuageuses, de tous les phénomènes météorologiques visibles, de l’état du sol, c’est fini. Cette décision, dixit le ministère, est due à « l’augmentation des charges de travail des météorologues ».
On aimerait bien savoir ce qu’ils vont faire maintenant les observateurs de la fonction publique. Peut-être s’inscrire sur les sites concurrents pour faire part de leurs observations.