
Alors que la 34e America’s Cup se profile à l’horizon, Bruno Troublé, organisateur de la Louis Vuitton Cup a livré au Figaro Nautisme son regard sur la légendaire compétition.
Louis Vuitton s’apprête à célébrer ses 30 ans d’association avec l’America’s Cup…
C’est la plus longue association de l’histoire d’une marque commerciale avec un événement international. C’est un partenariat formidable, d’autant plus que la société Louis Vuitton est née trois ans après l’America’s Cup. On a découvert également que Cornelius Vanderbilt, qui a participé à l’America’s Cup, était un client de Louis Vuitton. On a retrouvé une malle chez lui, commandée en 1893.
Quel regard portez-vous sur cette 34e édition de l’America’s Cup ?
Je suis déçu qu’il n’y ait que trois bateaux sur la Louis Vuitton Cup. Il manque des bateaux « exotiques » qui ne venaient pas pour gagner mais pour participer. En 2007, il était possible d’y participer avec un budget de 5-6 M€, alors que cette fois, les budgets oscillent entre 50 et plus de 100 M€ pour les plus gros. L’America’s Cup est devenue inaccessible aux petits teams. C’est dommage qu’il n’y ait pas d’équipes française, espagnole ou asiatique. Les retombées médiatiques seront moins importantes au niveau mondial. Heureusement que depuis quelques mois, certains marins très connus tels que Loïck Peyron, Ben Ainslie ou Iker Martinez ont intégré de grandes équipes. Cela engendra une couverture très correcte en France, en Angleterre et en Espagne. Côté sportif, la compétition s’annonce spectaculaire. Artemis a pris le parti de naviguer sans foils. Personne ne sait encore ce qui sera le plus efficace.
Que pensez-vous des AC 72, dangereux ou spectaculaires ?
Les AC 72 sont des bateaux déments qui marquent un virage très important dans l’histoire de l’America’s Cup. Aujourd’hui, l’événement bénéficie d’une couverture médiatique séduisante, plus importante que lorsqu’elle se courrait en monocoque. C’est grâce à l’apparition de ce genre de bateau que la voile est un sport qui marche en télévision. Par contre, c’est un changement qui n’a pas été facile à digérer pour les équipes. Je pense que la 35e édition sera beaucoup mieux, avec des bateaux plus petits et moins chers. D’un point de vue sportif, ce sont des bateaux très tangents qui peuvent devenir dangereux au dessus de 25 nœuds. Il aurait fallu faire des ailes plus petites, surtout que le plan d’eau de San Francisco n’est pas des plus faciles. Cela sera sûrement spectaculaire, et peut être dangereux, on verra.
Et de l’absence d’un team français sur la 34e édition ?
C’est dommage que la France ne soit pas présente. Il y a eu un bateau français sur l’America’s Cup de 1970 à 2007. Surtout que le multicoque est un bateau très français. L’avantage technologique sera moins évident si la 35e édition se courre toujours en multicoque car les autres équipes progressent vite.
Loick et Bruno Peyron, mais également Franck Cammas ont annoncé leur volonté d’être présents sur la 35e édition. Pensez-vous qu’il y ait de la place pour deux défis français ?
Je ne pense pas sauf si l’America’s Cup se courre à bord d’AC 45. Et je pense qu’il faut que les bateaux soient plus grands que ça. Mais pourquoi pas si la crise se tasse et qu’ils arrivent tous à trouver le budget nécessaire.
Comment s’annonce selon vous la 35e édition ?
Il est trop tôt pour en parler. Tout dépendra de qui gagnera la 34e. Les Italiens et les Neo-Zélandais penchent pour un retour au monocoque, alors qu’Oracle et Artemis veulent continuer en multicoque. Il faudrait réduire les budgets à 7-8 M€ par an pour qu’il y ait plus de concurrents. Ce qui est sûr, c’est que si les Neo-Zélandais gagnent, ils restaureront la règle du combat pacifique entre les nations, qui a fait la gloire de l’America’s Cup. Quand les Américains sont venus challenger la toute puissante Angleterre en 1851 et qu’ils ont gagné la Coupe, ça a fait émerger les Etats-Unis en tant que nation. L’histoire s’est répétée en 1983 quand l’Australie a mis fin à plus d’un siècle de domination américaine. Aujourd’hui, on a perdu cet esprit de nation. Il faudrait relancer cela, et que les bateaux qui portent le pavillon d’un pays aient au moins 70% de leur équipage du pays en question.