Bernot : « Pour ne pas faire de faute, il faut être mort »

Course au large
Par Mathieu, Edouard

INTERVIEW. Navigateur mais aussi routeur des plus grands coureurs au large, Jean-Yves Bernot suit attentivement ce Vendée Globe. Sévissant notamment à Port-la-Forêt, il apprécie de voir que quatre des cinq premiers s'y entraînent.

©La Chaîne Météo
INTERVIEW. Navigateur mais aussi routeur des plus grands coureurs au large, Jean-Yves Bernot suit attentivement ce Vendée Globe. Sévissant notamment à Port-la-Forêt, il apprécie de voir que quatre des cinq premiers s'y entraînent.

Figaro Nautisme. - Comment jugez-vous ce Vendée Globe?

Jean-Yves Bernot. - Rapide. Les bateaux vont très vite depuis le début. Contrairement aux autres éditions les leaders restent groupés, il y a les trois de tête (François Gabart, Armel Le Cléac'h et Jean-Pierre Dick) puis un autre trio (Bernard Stamm, Alex Thomson, Mike Golding) et derrière les anciens. Ce regroupement oblige tout le monde à pousser toujours plus. Les jeunes semblent avoir bien préparé leur coup car ils ont un petit plus que ce soit en stratégie, en manipulation du bateau et des voiles.

Au niveau des conditions, est-il plus difficile que d'autres éditions?

Il est différent. La position très haute des portes fait que dans l'océan Indien, les coureurs sont allés vers 40° sud, ce qu'ils ne font jamais normalement. Passer par là rallonge la route et il n'y a généralement pas assez de vent. Les conditions y sont un peu moins fortes au niveau du vent mais sont plus demandeuses au niveau stratégique. Quand on commence à flirter avec les bulles anticycloniques, il faut plus se creuser la tête que dans les 50° sud où on est plus dans le pilotage.

Catherine Chabaud disait qu'elle trouvait les glaces anormalement au nord. Est-ce une conséquence du réchauffement climatique?

Personne n'en sait rien. Les glaces sont hautes mais ceux qui ont placé les portes ont sûrement aussi pris de la marge donc il ne faut pas faire de déductions hâtives. Les cycles des glaces, nous n'avons pas assez de recul pour dire s'ils sont liés au réchauffement climatique ou non. On ne sait repérer les glaces que depuis très peu de temps donc on n'a pas encore le recul nécessaire pour analyser les icebergs de l'océan Indien. Puisque c'est un cycle, il suffit que quelques gros icebergs quittent en nombre la banquise pour avoir des grosses glaces et quelques années après il y en aura moins. Toute personne sérieuse et de bonne foi ne peut lier tout cela au réchauffement climatique.

Le système de porte des glaces fausse la course selon certains. Quel est votre avis?

A partir du moment où tout le monde les a, ça ne fausse rien du tout. C'est typique du faux problème, il faut passer par les portes comme dans une régate il faut passer par les bouées. Au niveau de l'égalité ça ne change absolument rien. Par contre ça change la physionomie de la course et c'est vrai que quelques-uns pourraient prétendre avoir typé leurs bateaux pour des vents plus forts que ceux qu'ils vont avoir dans l'Indien et le Pacifique mais pendant la course elle-même ça ne fausse rien du tout.

Les records de vitesse sont-ils uniquement liés à l'optimisation des bateaux?

Les bateaux sont toujours meilleurs c'est sûr mais il y a aussi les équipages qu'il faut regarder. Les skippers sont de plus en plus entraînés, ils ont fait des choix de voile très pertinents et ils ont travaillé très dur. J'ai pu le constater à Port-la- Forêt, le niveau des coureurs a énormément monté. La preuve, quatre des cinq premiers sont issue de Port-la-Forêt (seul Alex Thomson ne s'y entraîne pas). Quand on voit François et Armel, ils ont fait très peu d'erreurs. Ils ont eu quelques différences d'appréciation notamment dans l'anticyclone de l'Atlantique sud où François, comme Jean-Pierre, a fait un détour mais ce sont des différences faibles puisqu'on a vu à la fin que les écarts restaient sensiblement les mêmes. En plus ils pilotent remarquablement bien. Les bateaux vont vite et très longtemps.

Qui a réalisé la meilleure trajectoire depuis le début selon vous?

Personne n'a réalisé un sans-faute. En même temps, pour ne pas faire de faute, il faut être mort. Ils ont tous fait des belles routes avec chacun à un moment ou à un autre des inspirations meilleures que les autres. Bien qu'il soit un peu décroché, Jean-Pierre Dick a fait des trajectoires très propres. Il y a très peu d'erreurs de stratégie. Dans la descente de l'Atlantique, Armel a pris un risque énorme en laissant les deux autres (Gabart et Dick) contourner l'anticyclone. Sur ce coup il a été très joueur, il a perdu un peu mais il s'en est quand même bien sorti. Il lui a sûrement fallu beaucoup de talent et beaucoup d'énergie pour éviter une plus grosse hémorragie. Au contraire, son passage des portes de l'océan Indien a été remarquable. Chacun a ses éclats de talents.

Qui sont, selon vous, les skippers qui s'adaptent le mieux aux changements de conditions?

Ceux qui sont entraînés tout simplement. Être entraîné c'est savoir s'adapter aux conditions changeantes. Et ceux qui le sont, on les voit devant. Armel est extrêmement adroit dans les vents changeants, il l'a montré sur le parcours Figaro. Il a beaucoup de talent pour juger rapidement des petits écarts à faire et donc il joue sur cette force. François lui, est plutôt dans l'analyse à plus long terme. Chacun joue sur sa personnalité mais ça reste toujours très bien géré.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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