
Figaro Nautisme. - Comment jugez-vous ce Vendee Globe?
Jean-Yves Bernot. - Rapide. Les bateaux vont tres vite depuis le debut. Contrairement aux autres editions les leaders restent groupes, il y a les trois de tete (Francois Gabart, Armel Le Cleac'h et Jean-Pierre Dick) puis un autre trio (Bernard Stamm, Alex Thomson, Mike Golding) et derriere les anciens. Ce regroupement oblige tout le monde a pousser toujours plus. Les jeunes semblent avoir bien prepare leur coup car ils ont un petit plus que ce soit en strategie, en manipulation du bateau et des voiles.
Au niveau des conditions, est-il plus difficile que d'autres editions?
Il est different. La position tres haute des portes fait que dans l'ocean Indien, les coureurs sont alles vers 40? sud, ce qu'ils ne font jamais normalement. Passer par la rallonge la route et il n'y a generalement pas assez de vent. Les conditions y sont un peu moins fortes au niveau du vent mais sont plus demandeuses au niveau strategique. Quand on commence a flirter avec les bulles anticycloniques, il faut plus se creuser la tete que dans les 50? sud ou on est plus dans le pilotage.
Catherine Chabaud disait qu'elle trouvait les glaces anormalement au nord. Est-ce une consequence du rechauffement climatique?
Personne n'en sait rien. Les glaces sont hautes mais ceux qui ont place les portes ont surement aussi pris de la marge donc il ne faut pas faire de deductions hatives. Les cycles des glaces, nous n'avons pas assez de recul pour dire s'ils sont lies au rechauffement climatique ou non. On ne sait reperer les glaces que depuis tres peu de temps donc on n'a pas encore le recul necessaire pour analyser les icebergs de l'ocean Indien. Puisque c'est un cycle, il suffit que quelques gros icebergs quittent en nombre la banquise pour avoir des grosses glaces et quelques annees apres il y en aura moins. Toute personne serieuse et de bonne foi ne peut lier tout cela au rechauffement climatique.
Le systeme de porte des glaces fausse la course selon certains. Quel est votre avis?
A partir du moment ou tout le monde les a, ca ne fausse rien du tout. C'est typique du faux probleme, il faut passer par les portes comme dans une regate il faut passer par les bouees. Au niveau de l'egalite ca ne change absolument rien. Par contre ca change la physionomie de la course et c'est vrai que quelques-uns pourraient pretendre avoir type leurs bateaux pour des vents plus forts que ceux qu'ils vont avoir dans l'Indien et le Pacifique mais pendant la course elle-meme ca ne fausse rien du tout.
Les records de vitesse sont-ils uniquement lies a l'optimisation des bateaux?
Les bateaux sont toujours meilleurs c'est sur mais il y a aussi les equipages qu'il faut regarder. Les skippers sont de plus en plus entraines, ils ont fait des choix de voile tres pertinents et ils ont travaille tres dur. J'ai pu le constater a Port-la- Foret, le niveau des coureurs a enormement monte. La preuve, quatre des cinq premiers sont issue de Port-la-Foret (seul Alex Thomson ne s'y entraine pas). Quand on voit Francois et Armel, ils ont fait tres peu d'erreurs. Ils ont eu quelques differences d'appreciation notamment dans l'anticyclone de l'Atlantique sud ou Francois, comme Jean-Pierre, a fait un detour mais ce sont des differences faibles puisqu'on a vu a la fin que les ecarts restaient sensiblement les memes. En plus ils pilotent remarquablement bien. Les bateaux vont vite et tres longtemps.
Qui a realise la meilleure trajectoire depuis le debut selon vous?
Personne n'a realise un sans-faute. En meme temps, pour ne pas faire de faute, il faut etre mort. Ils ont tous fait des belles routes avec chacun a un moment ou a un autre des inspirations meilleures que les autres. Bien qu'il soit un peu decroche, Jean-Pierre Dick a fait des trajectoires tres propres. Il y a tres peu d'erreurs de strategie. Dans la descente de l'Atlantique, Armel a pris un risque enorme en laissant les deux autres (Gabart et Dick) contourner l'anticyclone. Sur ce coup il a ete tres joueur, il a perdu un peu mais il s'en est quand meme bien sorti. Il lui a surement fallu beaucoup de talent et beaucoup d'energie pour eviter une plus grosse hemorragie. Au contraire, son passage des portes de l'ocean Indien a ete remarquable. Chacun a ses eclats de talents.
Qui sont, selon vous, les skippers qui s'adaptent le mieux aux changements de conditions?
Ceux qui sont entraines tout simplement. Etre entraine c'est savoir s'adapter aux conditions changeantes. Et ceux qui le sont, on les voit devant. Armel est extremement adroit dans les vents changeants, il l'a montre sur le parcours Figaro. Il a beaucoup de talent pour juger rapidement des petits ecarts a faire et donc il joue sur cette force. Francois lui, est plutot dans l'analyse a plus long terme. Chacun joue sur sa personnalite mais ca reste toujours tres bien gere.