Marc Thiercelin : « Le Vendée Globe n'est pas une question d'âge »

Course au large
Par Mathieu, Edouard

INTERVIEW. Avec quatre Vendée Globe à son actif, Marc Thiercelin fait partie des skippers qui totalisent le plus de participations à l'Everest des Mers. Dès la victoire de Titouan Lamazou en 1990, le navigateur de 52 ans est tombé sous le charme de cette course dont il a terminé deuxième lors de sa première participation.

French skipper Marc Thiercelin sails on his yacht off Les Sables d'Olonne, on France's Atlantic coast ©La Chaîne Météo

INTERVIEW. Avec quatre Vendée Globe à son actif, Marc Thiercelin fait partie des skippers qui totalisent le plus de participations à l'Everest des Mers. Dès la victoire de Titouan Lamazou en 1990, le navigateur de 52 ans est tombé sous le charme de cette course dont il a terminé deuxième lors de sa première participation.

Figaro Nautisme. - Comment jugez-vous ce Vendée Globe?

Marc Thiercelin. - Je le trouve pas mal. Je suis surpris, je ne m'attendais pas à ce qu'il n'y en ait que deux à l'avant, je voyais plutôt un groupe plus étoffé. J'aime bien le fait que ça aille vite devant mais ce n'est pas étonnant, les bateaux modernes sont faits pour ça. Il y a actuellement plusieurs petits groupes, ce qui crée des courses dans la course. Les deux de devants sont très forts. Il y a eu un écrémage plutôt anormal au début mais depuis le Brésil, ça va mieux. Désormais, ils sont dans le Pacifique qui est la partie la plus difficile. Lors de mes premiers Vendée Globe, on entrait dans le Pacifique avec 60 jours de mer alors que là, les leaders en avaient à peine 40. Ils seront donc peut-être plus en forme, plus lucides.

Que ressentez-vous en suivant la course depuis la terre?

Je n'aime pas du tout, je dirais même que j'en souffre. D'un côté, je voulais changer de catégorie de bateaux mais d'un autre je ne voulais pas rester sur l'épisode de 2008 (démâtage au bout de 2 jours). Paradoxalement, je n'ai pas de regrets de ne pas être au départ de celui-ci mais je ne veux pas rester sur 2008... J'ai aussi le souhait de faire du multicoque. J'avais été approché dans les années 90 par Loïck Peyron mais à cette époque, je n'avais d'yeux que pour le Vendée Globe.

Envisagez-vous de participer à nouveau au Vendée Globe?

Je ne sais pas. Ce n'est pas trop tard. A une époque, j'ai eu l'ambition, légitime je pense, de vouloir gagner le Vendée Globe. J'étais plus qu'addict à cette course. Ma 4e place en 2001 m'a blessé, parce que j'espérais mieux. Après, j'ai fait deux fausses routes en 2004 avec un bateau trop vieux qui m'a criblé de dettes, et en 2008 j'ai tenté le Vendée en début de projet avec DCNS alors qu'il aurait été préférable d'attendre la fin. Quand je vois la course aujourd'hui, les skippers sont plus affûtés et il y a des budgets énormes. Par contre, je ne pense pas que ce soit une question d'âge, je suis encore en forme et je veux continuer à naviguer.

Le Vendée Globe est-il ce que vous avez vécu de plus dur?

En intensité sportive, en tactique et en sommeil, je pense que le Figaro est ce qu'il y a de plus dur. Mais au niveau de l'aventure et de la gestion de la technologie le Vendée Globe est inégalable. Quand Titouan Lamazou a passé la ligne d'arrivée en 1990, je me suis dit que c'était l'épreuve que je voulais faire.

Les portes des glaces font polémique, quel est votre avis?

J'ai été le premier en 2004 à être contre ce système mais ce n'était pas ce que certains ont voulu croire. J'ai été accusé d'être inconscient et de vouloir envoyer les skippers au suicide, c'est faux. Je suis tout à fait conscient que, peut-être du fait du réchauffement climatique, les glaces sont de plus en plus haute. Je suis aussi tout à fait d'accord que mon point de vue n'est peut-être pas le bon mais il y a selon moi deux points essentiels.

Tout d'abord, je suis contre le principe de précaution. Les portes des glaces enlèvent au marin sa responsabilité. Je suis allé dans ces zones en 1996 et j'ai eu peur. Maintenant, il n'y a plus la possibilité d'aller voir ce que c'est et ça enlève le côté de la vraie aventure alors que le Vendée Globe doit être l'aventure ultime. Enfin, c'est aussi la prime aux bateaux rapides et aux gros budgets. Bien sûr, s'il y avait de la monotypie, mes propos seraient à revoir.

Vous avez fait l'Everest des Mers avec et sans l'AIS. Que pensez-vous de ce système?

Ça c'est vraiment une invention géniale. C'est une vraie avancée majeure. Par contre, on n'en avait pas avant, et on s'en sortait quand même. Personnellement, j'étais un petit dormeur et je faisais beaucoup de rondes. Sur le Vendée Globe 2004 par exemple, j'avais passé plus des deux tiers de la course à l'extérieur de mon cockpit. C'est sûr qu'il ne faut pas que cela rende les skippers trop sereins. On ne remplace pas la vigilance humaine.

Les budgets qui explosent dans la voile, qu'est-ce que ça vous inspire?

Il y a encore quelques petits budgets mais quelqu'un comme Tanguy (de Lamotte) par exemple ne peut pas rivaliser. Les skippers veulent tous de la technologie et ça rend la victoire accessible uniquement aux gros budgets. Aujourd'hui, pour gagner le Vendée Globe, il faut aligner au minimum 4 millions d'euros. En 1998, mon bateau LaRedoute/Somewhere, tout en carbone, avait coûté 1,3 millions d'euros. En 2008, DCNS n'était pas le plus cher et il a coûté 3,8 millions. Si les prix continuent à ce rythme, il sera difficile de suivre même si on reste sur une épreuve majeure. On cherche à réduire les coûts, je n'ai pas la recette magique et la monotypie n'est pas forcément la solution.

Seriez-vous tenté, à l'image d'Alain Gautier, de vous investir dans le comité de course?

Pas du tout. J'ai d'abord envie de continuer à naviguer, parce que je sens que j'en ai encore les capacités. Ensuite, je ferai tout à fait autre chose.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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