Transat Jacques Vabre 2023 : Banque Populaire XI, vainqueur d'un match de haute volée

Par Figaronautisme.com

Dominateur sur près des quatre-cinquièmes du parcours, Banque Populaire XI remporte cette Route du Café, au terme d’une course de 14 jours qui n’aura pas été à sens unique ce qui témoigne du haut niveau de cette grande virée où le maxi a parcouru 9200 milles à près de 27 noeuds de moyenne.

En embuscade jusqu’à Madère, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse ont su provoquer leur chance pour s’emparer de la tête au quatrième jour et n’ont jamais douté, même lorsque leur suprématie était remise en question au passage de l’île de l’Ascension. Déterminés, heureux d’exploiter leur bateau à 100% et surtout plus rapides au portant que leurs concurrents, ils apportent à Banque Populaire sa première grande victoire en ULTIM. Retour sur une course presque parfaite.

« On l’avait dit au départ, la Transat Jacques Vabre n’était pas une course de préparation. Nous ne venions pas pour tester le bateau mais pour gagner. C’était une case à cocher dans le calendrier. Ça n’a pas été facile de l’emporter, il y a eu du match et nous avons été à fond jusqu’au bout, on n’a pas lésiné sur le bateau avec de belles moyennes jusqu’à l’arrivée ». A Fort-de-France hier soir, on retrouvait un Armel Le Cléac’h tel qu’on le connaît, heureux de constater que la détermination et l’application  venaient une nouvelle fois de payer, comme aux grandes heures de la Solitaire du Figaro et du Vendée Globe qui ont fait sa réputation…

Même si Banque Populaire XI était en déveine depuis son lancement (3ème à la Route du Café 2021, 6ème de la Route du Rhum après le bris de sa dérive), il faisait bel et bien parti des favoris logiques au départ du Havre. En embarquant à ses côtés Sébastien Josse qui a défriché le vol océanique de 2017 à 2019 lorsqu’il était skipper de Gitana 17, Armel Le Cléac’h avait placé sa confiance dans «un marin qui en plus de tous ses talents, est un mec sympa et drôle ». Le binôme était aussi au départ celui qui a le plus navigué cette année avec une double transat d’entrainement, le Fastnet et les 24 heures ULTIM qu’il remportait d’ailleurs en septembre, mettant fin à une domination sans partage de Maxi Edmond de Rosthschild depuis 2019.

Le bon dosage dès le départ

Après le départ en baie de Seine qu’Armel qualifiait hier de « dantesque », les cinq grands trimarans disparaissent vite à l’horizon ce dimanche 29 octobre, emmenant dans un panache d’écume le mystère de ce qu’est vraiment une transat sur ces incroyables machines. Le lendemain, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse sortent deuxième de la Manche et passent sous le DST d’Ouessant, laissant au duo Gabart-Laperche le soin de partir au front dans le Nord. La descente du golfe de Gascogne est moins rapide pour les futurs vainqueurs, un choix mûrement réfléchi selon Ronan Lucas, le team manager du projet : « Ils ont viré à l’intérieur pour se protéger de la mer dans le golfe. L’ambition était d’arriver à Madère avec un bateau à 100% de son potentiel, quitte à avoir un peu de retard ». Comme si la régate ne commençait vraiment qu’au way-point réclamé par le collectif ULTIM à la direction de course pour ne pas trop ouvrir le jeu sur le proche Atlantique et préserver la flotte. Une riche idée d’ailleurs puisqu’à posteriori, la catégorie des ULTIM est celle qui aura connu le moins d’avarie de cette Route du café, ce qui n’était pas écrit au départ.

Le coup de Madère

C’est à Madère donc que la course commence, celle de Banque Populaire XI en tous cas. En troisième position dans la dorsale que les ULTIM peinent à traverser, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse virent à 21 heures le mercredi soir. Vu de la terre, on pourrait craindre un moment qu’ils partent s’abriter pour réparer quelque avarie à Porto Santo… Que nenni ! Marcel Van Triest a repéré depuis longtemps l’intérêt d’aller chercher la pression à l’Ouest. Il s’en ouvre à l’équipage qui répond : « On y va, on veut le tenter ! ». « C’était délicat de sortir du jeu et de s’écarter des concurrents. Dans ces moments-là, il faut être patient, car tu perds au début sur les autres. » dit Le Cléac’h. C’est donc parti pour une série de virements  pour contourner l’île portugaise par son Nord. Douze heures plus tard, Armel et Sébastien s’emparent de la pole position et vont nettement plus vite que leurs poursuivants qui n’ont pourtant pas trop souffert des dévents de l’île.

Au fur et à mesure que les routes convergent vers le Pot au noir on comprend que la vitesse insolente au portant du tandem n’est pas seulement le fruit de son décalage Ouest. Vendredi, Banque Populaire XI abat 812 milles en 24 heures à la vitesse moyenne de 34 noeuds et se présente à l’entrée du Pot au noir au terme d’une superbe layline de 3000 milles avec 100 milles d’avance. « Avec le recul dit Marcel Van Triest le routeur de BP XI, c’est là que la course se joue. Si on était sorti du Pot au noir tous ensemble, on aurait eu 200 milles de retard à Ascension et on se serait peut-être retrouvés dans un autre système météo »

Piqués au vif

Car à la sortie de la zone de convergence, et après le contournement de l’archipel San Paulo et San Pedro, c’est au tour de SVR Lazartigue de faire montre de des qualités au près, supérieures à celles de Banque Populaire XI dans le petit alizé qui balaye l’Atlantique Sud aux latitudes tropicales. « Leur bateau est léger, ses appendices sont optimisés pour ce range de vent, pour décoller tôt, pour bien caper », constate Ronan Lucas qui ajoute « SVR avait des performances intrinsèquement supérieures sur ce tronçon et on a eu aussi un cumul de grains qui ne nous a pas aidé …» Toujours est-il que SVR Lazartigue fait l’intérieur à Banque Populaire XI et enroule en tête l’île de l’Ascension, marque la plus méridionale du parcours. Il reste 3000 milles au portant pour rallier Fort de France et on ne peut se douter alors que le coup d’éclat de SVR Lazartigue est un baroud d’honneur. Il durera huit heures seulement.

Piqué au vif mais pas déstabilisé par sa nouvelle position de chasseur, le tandem Le Cléac’h-Josse met du charbon et glisse à merveille. Comme il l’avait montré entre Madère et le Cap vert, Banque Populaire XI semble intouchable à cette allure et les marins qui le pilotent sont manifestement en confiance. « En avant-saison, nous n’avions pas cette facilité. On a clairement découvert des choses pendant la course raconte Sébastien Josse. Le bateau maintenant est fiable et on peut tirer dessus. Donc on peut tester de nouveaux trucs.  Faire des moyennes de 40 noeuds, au début, ça nous faisait un peu peur. Maintenant, on n’hésite plus »

Sébastien Josse, est à son affaire sur cette Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre. Aiguillon de la performance et des nouveaux réglages, il filme aussi régulièrement et fait découvrir un co-skipper concentré mais heureux en mer, plus jovial que la machine dont Armel traîne l’image depuis longtemps. La suite semble une formalité et empannage, après empannage, le maxi bleu et blanc creuse son avance dans la bonne humeur, jusqu’à aborder la Martinique toujours à 35 noeuds de moyenne.

Double clin d’oeil

Dans la soirée antillaise, les deux compères peuvent savourer. Leur victoire est un double clin d’oeil. En 2013, Sébastien Josse l’avait déjà emporté. C’était sur un MOD70 modifié, avec plans porteurs sur les safrans, première expérimentation de vol océanique avant le lancement du projet Gitana 17. De l’eau a depuis coulé sous les foils pour Sébastien « heureux dans son rôle, associé à un projet gagnant sans en subir toute la pression ». La Transat Jacques Vabre est aussi un symbole pour Armel Le Cléac’h puisque c’est sur la Route du Café qu’il avait fait ses premiers pas en multicoque océanique en 2005. L’expérience sur 60 pieds ORMA  s’était soldée par un chavirage, « une expérience douloureuse » qui avait fait dire à l’époque au jeune skipper « jamais plus jamais ». Graver son nom 18 ans plus tard sur la promenade des vainqueurs  du bassin Paul Vatine au Havre, a donc été une longue route pour Armel. Il rejoindra d’ailleurs sur cette frise historique de la course un autre Le Cléac’h, son frère Gaël, dont la plaque rappelle qu’il remportait l’épreuve en IMOCA aux côtés de Roland Jourdain en 2001.

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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