Transat Café L'Or : le grand final des Ocean Fifty
Ils ont déboulé comme des boulets de canon dans la baie de Fort-de-France et c’est pourtant bien depuis le Fort Saint-Louis qu’une salve fut tirée pour saluer la victoire inattendue de Viabilis Océans.
Le braquage du siècle
"Pour moi, c'est la plus belle des courses", résume parfaitement Baptiste Hulin (Viabilis Océans) à peine accosté au ponton d’honneur. "Tu as l'intensité du solitaire et tu le partages en permanence avec quelqu'un à tes côtés." Une fois le trophée remis par la marraine de la course, l’astronaute Claudie Haigneré, et les noix de coco savoureusement sirotées, les deux comparses peinent à réaliser ce qu’ils viennent d’accomplir. "Il va falloir du temps pour redescendre et pour comprendre", confie Baptiste Hulin pour qui la Route du café est un rêve de gosse. "C'est vraiment la plus belle des transats et je suis content d'y ajouter mon nom." Il y a encore quelques heures, le duo n’imaginait pas grimper sur la première marche du podium. "Quand Baptiste m'annonce qu'on va croiser en tête, ça me fait plaisir parce que cette course était intense du début à la fin", avoue Thomas Rouxel. "On s'est vraiment donné du mal, on a vraiment eu l'impression d'avoir très bien navigué, ça fait plaisir de sentir que c'est la récompense de tout le boulot qu'on a fait."
Deuxièmes avec tous les honneurs
17 min après Viabilis Océans, Pierre Quiroga et Gaston Morvan franchissent à leur tour la ligne d’arrivée. Eux qui étaient encore en tête de la flotte quelques heures auparavant brandissent fièrement leurs fumigènes jaune et bleu, aux couleurs du bateau, même si la fin de course n’est pas exactement celle escomptée. Priorité aux proches, Pierre saute du bateau pour tomber dans les bras de sa mère avant de revenir sur cette fin épique. "Le sportif est forcément frustré d'avoir échoué à si peu de la première place", concède Pierre Quiroga. "Cette victoire était à portée de main ce matin encore", mais vu la jeunesse du projet, "signer aujourd'hui une deuxième place, c'est parfait." Même sourire à sa droite chez son co-skipper Gaston Morvan, "quand on est arrivé au Diamant, on n'avait pas trop le moral. Le fait de voir le Rocher, de retrouver les bateaux suiveurs et de goûter la joie de la Martinique et de l'arrivée, on a un peu oublié." Un tandem qui a brillé tout au long de la TRANSAT CAFÉ L’OR. "Le secret pour tenir une régate sur l’Atlantique", confesse Pierre, "c’est d’avoir un duo sans faille, un duo dans lequel tu as confiance à 100%."
La cerise sur le podium
10 min après Wewise, le Rire Médecin - Lamotte vient compléter le podium. Heureux d’avoir conjuré le sort. "Notre projet depuis le départ, c'était d'arriver de l'autre côté" annonce Luke Berry, "on voulait reprendre confiance en nous". Une confiance qui est revenue pas à pas, en se prenant au jeu de la régate avec les copains. "Plus ça allait, plus on se disait : on veut faire un top cinq", poursuit Luke. "Et quand on a chipé la troisième place aux autres, on s'est dit, en fait, on ne veut pas la perdre, cette place." 48 heures sans dormir pour un résultat au-delà des espérances havraises. "Une régate au contact, je crois que c'est le terme", plaisante Antoine Joubert. "Cette course a vraiment un super goût de revanche. Pour nous, l'objectif c'était de finir cette course et la cerise sur le gâteau, on est sur le podium."
Une fierté de classe
Quatrième à franchir la ligne, Solidaires en Peloton, emmené par Thibaut Vauchel-Camus et Damien Seguin termine au pied du podium, à seulement 44 minutes des vainqueurs. "La morale de cette course, apparemment, c'est qu'il faut être outsider pour la gagner !", préfère en rire Thibaut. Une pointe d’ironie, mais surtout une grande fierté pour le coprésident de la classe. "Je suis très content de ce podium qui vient gommer la dureté et la violence de ce début de course avec les trois chavirages", commente le skipper. "Notre classe, elle démontre quoi ? Qu'il ne faut pas avoir des bateaux dernier cri pour être à l'arrivée et pour gagner. Je pense que c'est une très belle valeur ajoutée." Damien Seguin, le sourire jusqu’aux oreilles, semble avoir déjà oublié son classement, trop heureux du spectacle offert sur l’eau. "On vous a réservé une belle fête aujourd'hui avec tous les bateaux dans un mouchoir de poche. Ça a été une belle bataille sur l'Atlantique, ces dernières heures aussi, avec les copains. S'ils sont devant nous, c'est qu'ils le méritent aussi."
En mode revanche
Alors que la nuit est tombée sur Fort-de-France, un ultime mât de multicoque vient de passer le Rocher du Diamant. Edenred 5 en termine avec cette transat "la plus haletante de toutes les classes" comme le souligne très bien Basile Bourgnon. Le duo qui a mené la flotte de bout en bout de l’Atlantique s’est vu dépasser par les concurrents dans les derniers jours après une sérieuse avarie. "Pour avoir passé les trois dernières années en Figaro, j'ai eu l'impression de revivre ça sur cette transat", explique Basile, "chercher le tout petit détail, ne rien laisser dans la manœuvre. On a été très exigeants avec nous-mêmes." Un constat partagé par Emmanuel Le Roch : "on n'a pas eu beaucoup de temps. On n'a pas écouté de musique l'un ou l'autre. J'ai dû écouter trois podcasts quand il n'y avait pas de vent le long des Canaries, et encore, pas en entier. On est tellement concentrés, on n'a vraiment fait que regarder le bateau." Malgré, ou à cause de leur cinquième place, les deux marins sont déjà prêts à repartir et à en découdre. "J'ai une soif de revanche énorme", conclut Basile. "Je n’aimerais pas être mes concurrents l'année prochaine parce que je vais arriver avec la rage au ventre."



