Charlie Dalin parle du grand sud

"C’est une belle nuit de navigation avec la mer qui s’est assagie. On a un ciel étoilé avec la lune, c’est une très belle nuit ! J’étais encore sur la fin du dévent des Malouines, mais là je viens de retrouver du vent, je fais des pointes à 24 nœuds. La petite période avec un peu moins de vent m’a permis de bien récupérer, de faire de belles siestes. C’est cool, je suis en forme ! L’anticyclone, c’est compliqué. J’ai retourné le problème dans tous les sens et je pense qu’il va me passer dessus à un moment donné. Ce n’est pas évident. Je fais des simulations de route pour trouver une solution. J’espère avoir en avoir une, on verra dans 24-48h. C’est un anticyclone qui se déplace, ce n’est pas comme un anticyclone de l’hémisphère nord. Il bouge et la stratégie n’est pas évidente. Je vais faire au mieux, en tous cas je suis motivé, remonté, prêt à me battre sur cette remontée de l’Atlantique. Il reste 6 500 milles, je vais tout donner jusqu’à l’arrivée."
Un anticyclone mouvant
"L’intérêt de la trajectoire de Thomas, c’est qu’il ne devrait pas être gêné par l’anticyclone, en revanche il aura beaucoup de près. Le truc, c’est que les trajectoires sont dictées par nos positions à l’instant T. Une option peut marcher pour l’un et ne peut pas exister pour l’autre. Les systèmes sont mouvants. Les options s’ouvrent et se referment différemment pour les uns et les autres. On se retrouve dans une zone où la stratégie et le placement sont importants, sauf que les prévisions changent énormément. La situation est très complexe et les fichiers ne sont pas ultra performants."
Il faut 8 degrés dehors, 10 dans le bateau, ce sont les dernières nuits où il fait frais. Ça va commencer à se réchauffer rapidement. Hier, j’ai eu jusqu’à 14 degrés dans le bateau. Les tenues vont s’alléger au fur et à mesure. C’est agréable après avoir vécu 40 jours au sud des 40e.
Le grand Sud : un monde d'eau à l'infini
"Le grand Sud, c’est un endroit particulier. C’est hostile, il y a toujours de la mer, du vent, plus de vent que ce qu’on pense. Le vent est lourd, puissant parce qu’il est froid. C’était une super expérience : le décalage horaire permanent, les dépressions qui s’enchaînent, c’est un mixte de sentiments d’être au milieu de nulle part, loin de toute civilisation. J’ai parlé à un bateau de pêche au début de l’indien, c’est le seul que j’ai croisé de tout le Sud.
Pendant 30 jours, je n’ai vu aucun signe de vie humaine. On oublie la vie d’avant, comme on oublie la vie avant la pandémie. Moi, j’ai oublié la vie avant les mers du Sud. Les autres bateaux n’existaient plus, les terres n’existaient plus. Tu es dans un monde d’eau à l’infini. C’est unique au monde de se retrouver dans un endroit où les personnes les plus proches sont les astronautes. Le contraste est fort avec ces derniers jours où j’ai eu le gardien de phare du Horn, j’ai vu un avion de la British Navy qui m’a survolé, et là, le trafic maritime réapparaît. Cela fait penser au film Waterworld.
j’ai l’impression de revenir d’un monde d’eau où les terres sont des fantasmes. Je reviens d’une autre planète. J’ai vécu des choses que j’aurais vécu nulle part ailleurs, forcément ça aura une influence sur moi."
Charlie Dalin, Apivia