Bilan d'une course à la météo capricieuse et atypique

Par Cyrille Duchesne

La neuvième édition du Vendée Globe a rassemblé 33 participants au départ des Sables d’Olonne le 8 novembre 2020 dont 8 femmes et 9 nationalités différentes. Le record à battre était celui d’Armel Le Cleach avec 74 jours 3h35 minutes en mer, lors de l’édition 2016-2017.

Un départ dans de bonnes conditions de vent après dissipation de la brume

Dès le départ, la météo fait parler d’elle avec une brume de mer envahissant le plan d’eau autour de la ligne de départ et nécessitant au comité de course le report du départ à 4 reprises pour des raisons de sécurité. Prévu à 13h02, le départ n’a lieu qu’à 14h20, une fois le brouillard dissipé. Les conditions de vent sont idéales avec un vent de sud-est d’une dizaine de nœuds et une mer plate.

Si le début de course est plutôt tranquille, les choses se compliquent après la sortie du golfe de Gascogne avec le passage de 3 dépressions accompagnées de fronts actifs et de vents forts qui mettent les marins à rude épreuve et ne leur permettent pas d’avoir une vitesse optimale.

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© Bernard Le Bars/ Alea
Une dépression tropicale Theta à négocier pour les leaders

Première grosse difficulté pour les skippers, une dépression tropicale à la latitude de Madère, accompagnée de violentes rafales de vent à proximité de son centre. Alex Thomson (Hugo Boss) en tête dans la nuit du 12 au 13 novembre passe au plus proche de la dépression et subit des rafales de vent à 60 nœuds dans 6 mètres de vagues. Jean Le Cam prend lui aussi des risques en passant à proximité du centre dépressionnaire. D’autres comme Charlie Dalin, Thomas Ruyant ou Kevin Escoffier sont plus prudents et contournent la dépression par l’ouest.

Un Pot au Noir peu actif pour la tête de course

La zone du Pot au Noir est l’une des difficultés météorologiques du Vendée Globe car c’est une zone de temps instable avec un risque de grains orageux puissants et de vents très variables, aussi bien en force qu’en direction. Pour les premiers concurrents, cette zone de transition entre les alizés du nord-est dans l’hémisphère nord et ceux du sud-est dans l’hémisphère sud n’a pas été compliquée. L’activité instable a été très faible et le vent s’est maintenu, si bien que la traversée de cette zone de transition a été rapide. Cela n’a pas été le cas pour certains concurrents quelques jours plus tard, avec des vents beaucoup plus irréguliers et des grains plus nombreux.

Alex Thomson a été le premier à naviguer dans les eaux de l’Atlantique Sud le 18 novembre, dix jours après le début de la course.

Un anticyclone de Sainte-Hélène mal positionné : il a fallu rallonger la route…

Si l’anticyclone des Açores est aux abonnés absents dans l’Atlantique Nord, l’anticyclone de Sainte-Hélène dans l’hémisphère Sud n’est pas dans sa position habituelle. Il est positionné beaucoup plus au sud que d’habitude et s’étale vers l’ouest si bien qu’il oblige les navigateurs à faire un grand écart par rapport à la route directe au Cap de Bonne Espérance. « J’imaginais l’Atlantique Sud comme la zone la plus rapide du tour du monde, et bien c’est raté ! Je pense que c’est un des plus gros dilemmes auquel j’ai dû faire face depuis que je navigue. » constatait Charlie Dalin qui menait la course le 24 novembre.

Naufrage de Kevin Escoffier le 30 novembre dans une mer démontée

Dans les 40ème rugissants et dans une mer démontée, Kevin Escoffier alors 3ème au classement, déclenche une balise de détresse suite à une importante voie d’eau qui l’oblige à se réfugier sur son radeau de survie. Jean Le Cam, Yannick Bestaven et Boris Hermann sont déroutés sur la zone du naufrage située à un peu plus de 500 milles du Cap de Bonne Espérance. C’est Jean Le Cam qui récupèrera Kevin Escoffier sur son bateau dans la nuit du 1er décembre.

Des dépressions explosives sur l’ouest de l’Océan Indien

La première partie de la flotte subit le passage de plusieurs dépressions explosives en ce début de mois de décembre dans l’Océan Indien. Après un mois de navigation, des vents tempétueux concernent la tête de flotte le 8 décembre, avec des rafales à plus de 55 nœuds et d’énormes vagues. Charlie Dalin et Thomas Ruyant parviennent à sortir la tête haute de ce gros coup de baston…

Regroupement au Cap Leeuwin

Au passage du Cap Leeuwin, dans le sud de l’Australie, 3h20 séparent le premier, Charlie Dalin, de Yannick Bestaven, lui-même à 9 minutes devant Thomas Ruyant. A ce stade, alors qu’il leur reste 55% du trajet à parcourir, ils affichent un retard de 6 jours par rapport au temps record d’Armel Le Cléach en 2016, preuve que cette première partie de course a été rude.

Une météo complexe dans le Pacifique

Le moins que l’on puisse dire c’est que les conditions météo n’ont pas été simples dans le Pacifique pour le groupe des leaders. Après avoir été très ralentis par la présence d’un anticyclone au sud de la Nouvelle Zélande et sur la partie sud-ouest du Pacifique, ils ont dû affronter des vents d’est contrariant leur progression vers le Cap Horn et les obligeant à tirer des bords sur leur route… Une situation peu fréquente dans les mers du sud où les vents d’ouest dominent. Cette situation complexe pour le trio de tête a permis à quelques poursuivants de recoller au classement…

Forte dépression pour le passage du Cap Horn début janvier

Lors des dernières centaines de milles à parcourir dans le Pacifique, le duo de tête Bestaven et Dalin parvient à s’échapper à l’avant d’un front froid très actif. Ils doivent néanmoins affronter l’habituelle accélération du vent au large du Cap Horn, avec une mer démontée et des creux de 6 à 9 mètres ! Yannick Bestaven parvient à franchir le Cap Horn le 2 janvier à 14h42, avec quelques heures d’avance sur son rival Charlie Dalin.

Des bulles anticycloniques à négocier dans l’Atlantique Sud

Dans la remontée de l’Atlantique Sud, un anticyclone positionné au nord des îles Falkland vient jouer les troubles fêtes puisqu’il se situe sur la trajectoire des premiers navigateurs. Alors que Yannick Bestaven semble avoir réussi le break en contournant l’anticyclone par l’est, il perd ses 400 milles d’avance sur Dalin en se faisant engluer dans une bulle sans vent au large des côtes brésiliennes… Au matin du 12 janvier, c’est un nouveau départ de course avec une nouvelle bataille sans merci entre les 5 premiers concurrents au coude à coude : Dalin, Seguin, Bestaven, Ruyant et Burton.

Incertitudes dans l’Atlantique Nord

Après avoir franchi le Pot au Noir, Charlie Dalin prend l’avantage dans les alizés dans une route plus à l’est que son concurrent direct Louis Burton qui choisit une route plus à l’ouest pour essayer d’aller chercher le meilleur passage pour retrouver le régime de sud-ouest perturbé plus au nord… Le suspense reste entier à quelques heures de l’arrivée, d’autant que les poursuivants ne sont pas loin et pour certains, bénéficient de bonifications pour avoir porté secours à Kevin Escoffier.

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Arrivée de Yannick Bestaven© Jean-Louis Carli/Alea

A quatre jours de l’arrivée, ils sont 7 marins à pouvoir espérer une place sur le podium tellement le classement est serré. L’option ouest de Louis Burton ne s’avère finalement pas payante car Charlie Dalin sur une route plus directe parvient à conserver sa place de leader malgré quelques nœuds de vent en moins.

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Arrivée de Charlie Dalin© Vincent Curutchet/ Alea

Charlie Dalin le premier aux Sables mais Yannick Bestaven vainqueur

Après un sprint final dans le golfe de Gascogne, Charlie Dalin franchit la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne, le 27 janvier à 20h35 après 80 jours 6 heures et 15 minutes de course !

S’en suivront les arrivées de Louis Burton puis Yannick Bestaven le jeudi 28 janvier à 4h19. Bien que celui-ci soit arrivé 7h43mn après Charlie Dalin, il prend la place de vainqueur au classement général, ayant bénéficié d’une gratification de 10h15 accordée par le jury pour son implication dans le sauvetage de Kevin Escoffier.

A noter qu’il a fallu attendre le 5 mars pour voir arriver le finlandais Ari Huusela, 25ème et dernier à franchir la ligne d’arrivée.

Ce que l’on peut retenir de cette 9ème édition du Vendée Globe, c’est que la météo très atypique n’a jamais permis aux voiliers de progresser à très grande vitesse comme ils peuvent le faire dans des systèmes météo plus classiques. Les dépressions actives ont été nombreuses dès le début de la course avec une dépression tropicale en guise d’anticyclone des Açores… Dans l’Atlantique Sud, l’anticyclone de Sainte-Hélène était très au sud par rapport à sa position habituelle. Les marins ont dû faire un long détour pour trouver la route des mers du sud… un retard important dès le passage du Cap de Bonne Espérance qui n’a jamais pu être rattrapé… Au final, les premiers ont mis près d’une semaine de plus pour établir leur tour du monde par rapport à la dernière édition. On retiendra aussi que les bateaux à foils dernière génération n’ont pu vraiment se démarquer des voiliers à dérives droites. Moins de 24 heures séparent les premiers bateaux à foils du premier voilier à dérives droites.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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