Vendée Globe : pression, compression et décompression

Par Figaronautisme.com

Avec Madère dans le rétro ou dans le viseur, la flotte du Vendée Globe s’extirpe progressivement de son premier gros coup de vent, pour retomber dans des conditions un peu plus aléatoires. Une grande loterie d’Eole qu’il faut accueillir avec philosophie… ou des biscuits !

Après deux jours enfermés à triple tour dans le tambour de la machine à laver, voilà que le vent se fait moins présent et que les températures s’adoucissent à l’approche de la première île du parcours ! « Perle de l'Atlantique », « île aux fleurs » ou « Hawaï d'Europe », les surnoms concoctés par l’office de tourisme local ont beau donner sacrément envie, les solitaires du Vendée Globe redoutent pourtant d’y faire un arrêt un peu trop prolongé à leur goût… Car depuis la fin de journée, les conditions ont molli à l’approche de l’archipel, qui, en outre, perturbe le vent avec son relief important - 1 862 mètres d'altitude pour le Pico Ruivo, ça pourra vous être utile pour un prochain camembert bleu au Trivial Pursuit !

La tête de course a bien senti le coup de frein, et Yoann Richomme (Paprec Arkea), certes toujours leader au classement, a vu un temps sa petite avance fondre comme résine à la chaleur, avant de reprendre du poil de la bête. Mais ils sont désormais six à se tenir en moins de 25 milles, dans le Sud-Ouest de l’île. Une compression de la tête de flotte qui, à bord de Charal, réjouit Jérémie Beyou, désormais 3e, autant qu’elle le préoccupe : « Le début de course a effectivement été très intense : pas beaucoup de temps morts, voire pas du tout, avec un vent très instable. On a pu dormir un petit peu en début de ce bord, jusqu’à une petite centaine de milles de Madère, et après tout a commencé à se compliquer de nouveau ! Il y a tout une masse nuageuse qui bloque, donc on n’a pas beaucoup dormi. Les premiers se sont un peu arrêtés, j’espère que nous on va passer ! »

Un souhait d’autant plus vif que la suite s’annonce « hyper complexe ». « La dépression ne laisse pas beaucoup de place dessous elle, donc je ne sais pas trop par où on va passer ! Il va falloir trouver le bon compromis entre rattaquer au Sud et rester un peu éloigné de Madère », explique l'expérimenté marin breton, qui attaque son cinquième Vendée Globe.

Accepter sans trop s'accabler
En milieu de nuit, le marin britannique Sam Goodchild, en 6e position, semblait d'ailleurs avoir un peu pâti de la baisse de pression, lui qui déplorait s'être « arrêté dans un nuage de pluie pendant 25 minutes, ce qui est un peu ennuyeux ». Mais le skipper de VULNERABLE, auteur d'un début de course remarquable avec son bateau de génération 2020 au milieu des derniers-nés de la flotte, gardait la tête froide, et surtout essayait de positiver : « C'est un équilibre difficile à trouver et la nuit dernière, je me suis retrouvé à aller trois nœuds plus lentement que Charlie Dalin et je me suis contenté de cela, en me disant que ce n'était pas le moment de prendre des risques. Mais je pense que j'ai fait du bon travail en naviguant ma propre course, en essayant de fixer mon propre rythme et mes propres limites et en ne regardant pas trop les bateaux qui m'entourent... Mais en même temps, je ne veux pas me trouver d'excuses ! »

Accepter sans trop s'accabler, c'est un exercice décidément bien compliqué pour des compétiteurs toujours habitués à exiger davantage d'eux-mêmes. Sur les coups de 1 heure du matin, Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 17e) se sent ainsi obligée de prévenir la Direction de course de ne pas s'inquiéter : si elle n’avance plus, ce n’est pas à cause d’un problème technique, mais bien juste parce qu'il n'y a plus de vent ! Même constat dans la nuit noire pour Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 25e), qui prend la lune à témoin : « Qu’est ce que c’est que ce délire, il n'y a plus de vent. Il y avait 25 nœuds, et là il n’y a plus rien. Alors là, je ne comprends pas tout... »

Qui peut se targuer de tout comprendre, de toutes façons ? L'océan, tout comme l'être humain, a ses mystères avec lesquels il faut accepter de composer. C'est d'ailleurs à cela que s'emploie Damien Seguin, qui, 28e au classement sur son IMOCA Apicil, joue encore un peu les funambules pour retrouver son fil rouge et son habituelle vélocité : « Clairement, ces retrouvailles avec le Vendée Globe se passent de manière assez émotionnelle pour moi, et il faut que je trouve les moyens de m’exprimer sur mon bateau, de trouver la confiance. Je fais au mieux avec ce que j’ai pour le moment, et c’est déjà pas mal. La course, c’est pas seulement une course, c’est aussi une aventure humaine, et il faut que je rentre dans mon aventure pleinement ! ».

Nautisme Article
© Eric Bellion

Retrouver le plaisir

Et quoi de mieux pour cela que de s'accorder une petite séance de décompression au lieu de ruminer sa frustration ? C'est ainsi que Louis Burton (Bureau Vallée), 8e au classement, se concoctait une tomate à la croque-au-sel - les deux ingrédients principaux étant compris dans le titre, on vous fait grâce de la recette - ou que Clarisse Crémer (L'Occitane en Provence), après ses bien pénibles déboires de voile et sa rencontre fortuite avec une araignée velue, se vengeait sur son paquet de biscuit. Et confiait du même coup sa technique de réconfort à base de sopalin glissé sur ses poignets : « Quand t’as les manches mouillées mais que t’as pas le temps de te changer, ça marche du feu de dieu ! Si vous voulez d’autres gestes techniques de Clacla, demandez pas trop de conseils pour faire tomber une voile à la volée dans 25 nœuds, par contre pour les manches, je suis toujours là ! »

Trouver l'humour et la joie même quand ça ne va pas, voilà le remède des nuits de nos marins du Vendée Globe. Au crépuscule, c'est au son de « Say it ain’t so, Joe » de Murray Head que Benjamin Ferré (Monnoyeur - Duo for a Job), 14e au classement et premier bateau à dérives droites, nous embarquait à ses côtés pour un pas de danse réconfortant, montrant que son moral, contrairement à son cockpit, ne prenait pas l'eau. « Le problème, explique Pip Hare (Medallia) en plein effort après un changement de voile, c'est qu'on imagine toujours le bateau des autres parfaitement nickel et rangé, eux en train de siroter une tasse de thé, et on pense qu'on est les seuls à avoir un gros bazar à bord et à être épuisé. Mais la seule manière de gérer ça bien, c’est d'étouffer toutes ces pensées, et de se remettre à bosser ! ».

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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