Gombessa 6 et le mystère des anneaux coralligènes
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L'expédition utilise une technique d’accès au monde sous-marin inventée il y a deux ans lors de l’expédition Gombessa 5 « Planète Méditerranée » : la plongée à saturation en recycleur électronique qui permet d’effectuer tous les paliers de décompression d’une seule traite à la fin de la mission !
L’inconvénient ? Il faut respirer un mélange gazeux composé de 95 % d’hélium et 5 % d’oxygène et vivre à quatre dans une station bathyale, une sorte de caisson pressurisé de 5 m², sans possibilité autre que la plongée sous-marine d’en sortir.
En collaboration avec 41 scientifiques français et étrangers, quatre plongeurs ont tenté de percer le mystère de l’origine des anneaux coralligènes, leur âge, leur dynamique de changement, connaitre la faune et flore associées et enfin évaluer les menaces qui pèsent sur ces écosystèmes uniques découverts en 2011.
Des images inédites d’animaux inconnus ou jamais vus vivants dans leur milieu naturel ont été réalisées par Laurent Ballesta. Actuellement, trois spécimens d’animaux non identifiés sont analysés par des experts : un nudibranche du genre Tritonia, une simnie et un pantapode. Un poisson décrit en 2016 a été photographié...il pourrait s’agir de la première image de cette espèce vivante dans son milieu naturel.
Une carte des fonds marins complétée
La bathymétrie fine (regroupe les sciences et technologies de mesure ou d'estimation de la profondeur et vise à connaître le relief de l'océan profond ou côtier) a été relevée sur 6 815 ha afin de compléter les cartes existantes de 2011 et 2014. L’analyse de ces cartes couplée aux images des plongeurs et du robot sous-marin permet de mieux connaitre les fonds et identifier le type de noyau rencontré en fonction de la bathymétrie. Lors des plongées, un alignement sur 3 km de grandes grottes sous-marines hautes de 20 m a été découvert par les plongeurs à proximité des anneaux coralligènes, il s’agit d’un littoral fossile. Ce site est d’un intérêt unique pour la faune cavernicole des grottes méditerranéennes.
Origine et histoire des anneaux coralligènes
Trois noyaux ont été « carottés » en leur centre pour réaliser des analyses géochimiques de leur structure interne et connaitre leur composition, âge, vitesse de formation et peut-être élucider leur origine. Des restes biologiques (coquilles de bivalves) ont été découverts et sont en cours d’identification.
Inventorier la biodiversité associée aux anneaux coralligènes
Un inventaire des espèces associées aux anneaux est en cours de réalisation à partir des images réalisées par les plongeurs, des modèles 3D, des quadrats photographiques standardisés (estimation de l’abondance et du recouvrement pour les espèces fixées), de prélèvements d’individus pour identification (des nudibranches du genre Tritonia, des simnies, un pantopode et des algues – voir « photos inédites ») et de sédiment (voir les paragraphes ci-après sur les micro-organismes et les gorgones). De l’eau a également été prélevée sur trois sites pour y inventorier à partir de traces ADN les espèces de poissons osseux et cartilagineux (technique de l’ADN environnemental).
Suivi de l’état de santé des quatre plongeurs
Les plongeurs eux-mêmes étaient un sujet d’étude puisque leur état de santé (fatigue, physiologie et psychologie) était surveillé pour mieux comprendre l’impact de la saturation en héliox sur l’organisme. Les données fournissent des indications claires sur l'évolution de la fatigue après chaque plongée et son accumulation sur l'ensemble de la saturation. Une baisse constante de la température centrale chez chaque plongeur indique la construction d'une dette thermique malgré l’amélioration des équipements. Enfin, les résultats mettent en avant un nouveau moyen facile de mesurer l'inflammation des tissus, et donc le stress oxydatif associé à la plongée à saturation.
Le développement d’un outil sous-marin de localisation et de communication
Les plongeurs étaient équipés de prototypes leur permettant de visualiser leur position dans le paysage sous-marin, communiquer avec la surface sous forme de message simple de type SMS. Ce même système permettait à l’équipe de surface de communiquer et de localiser en temps réel la position des plongeurs sous l’eau.