Le Phare du bout du monde – Dédoublement de célébrité

Sur l’île des Etats, dans le Nord Est du terrible Cap Horn, par 54 degrés Sud, la météo est rarement clémente, la mer le plus souvent inhospitalière. Pour à la fois marquer son territoire et apporter un peu d’assurance aux marins s’aventurant dans cette partie du globe, l’Argentine inaugure le phare initialement en 1884. Mais il ne résiste pas longtemps aux conditions hivernales extrêmes régnant entre 50èmes hurlants et 60èmes « aphones » comme les surnommait Olivier de Kersauson, jamais avare d’un bon mot. Baptisé San Juan del Savamento, car il ne manqua pas d’accueillir parfois des naufragés, le phare du Bout du Monde est reconstruit à proximité.
En 1901, il inspire Jules Verne, qui en tire un livre publié neuf mois après sa mort, soit fin 1905. « Terre de feu, terre d’enfer… » écrit le romancier dans le récit sombre et angoissant du combat entre gardiens du phare et pirates. Soixante dix ans plus tard, sort le film éponyme tiré du livre, réalisé par Kevin Billington avec Kirk Douglas et un certain Yul Brynner. « Yul », c’est justement le surnom que ses copains rochelais ont donné à André Bronner. Dans les années 90, fasciné par cette histoire, l’aventurier part sur ses traces sur l’île des États. Il se perd une première fois sur cette île déserte, manque d’y laisser sa peau, survit, revient, apprivoise une côte tourmentée par le vent, les vagues, le courant, et finit par trouver les ruines du phare mythique.
Construit sur un promontoire à 70 mètres au-dessus de la mer, le phare en bois est à l’origine octogonal, et son feu alimenté à l’huile de colza, porte à une quinzaine de milles nautiques. Appuyé par un groupe de Rochelais bien connu des Ministes (concurrents de la Mini Transat) Yul se met en tête de reconstruire ce phare devenu mythique. Sans se lancer dans une réplique à l’identique, mais il veut en retrouver l’esprit, et surtout rallumer un faisceau lumineux dans une région si rude avec les marins. L’Association du Phare du Bout du Monde naît fin 1995 et deux ans plus tard, soit en janvier 1998, une dizaine d’hommes entament les travaux de reconstruction. Quinze tonnes de matériel doivent être acheminées depuis la ville la plus proche, Ushuaïa, dans des conditions parfois dantesques. Le chantier s’étalera sur trois ans, car en hiver, la météo trop sévère impose l’arrêt des travaux. Les charpentiers établissent malgré l’adversité une jolie tour octogonale en bois, peinte en blanc, avec une toiture en zinc, surmontée. Mais le 26 février 1998, le phare brille de nouveau. Depuis 1999, il est classé « Monumento Historico Nacional » par l’Argentine.
Mais l’aventure ne s’arrête pas là, puisque naît dans l’esprit de l’équipe rochelaise, l’idée de construire à un phare identique à la pointe des Minimes. Même architecture, même caractéristiques lumineuses, il vient créer un lien culturel fort entre la terre argentine et la capitale de la Charente Maritime. C’est aussi un bel hommage à tous les marins qui ont quitté ce port pour partir à la découverte du monde. Erigé à l’aube du millénaire, il a aujourd’hui 22 ans. Propriété de la ville de La Rochelle mais géré par le Port de Plaisance, il est devenu un symbole du Pertuis Rochelais. Il fait la fierté des marins, attire les touristes et régulièrement les médias. Aux côtés d’aussi illustres ancêtres que le phare de l’ile Vierge, de la Jument ou encore Cordouan,notre rédaction, mais également nos confrères du magazine Géo, l’ont ainsi sélectionné parmi les dix plus beaux phares de France. Il faut dire qu’avec son bardage en red cedar et sa girouette posée sur le globe qui ferme son toit, il ne ressemble à aucun autre.