SNSM Goury : une station pas comme les autres
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Tout au bout de sa pointe Nord-Ouest, « Là-bas, dans l’Cotentin » comme le chante Alain Souchon, le Cap de la Hague qui voit passer 20% du trafic maritime mondial, est une marque de passage connue de tous les marins. Avec des courants qui peuvent dépasser les 10 nœuds, c’est aussi un endroit réputé dangereux, et ce depuis que les hommes vont en mer. Ce n’est pas anodin si le bras de mer entre la côte et les îles anglo-normandes est appelé « Passage de la Déroute ». Dans cette véritable fabrique à courants, la mer se lève abrupte, écumante, au moindre souffle de vent. Or ce cap est comme le bras au milieu d’une soufflerie qui serait la Manche, alors il souffle souvent très fort dans les parages. Pour aider les navires à s’en sortir plus souvent qu’à faire naufrage, on a d’abord, en 1837, construit un phare de 47m de haut. Son faisceau alerte les marins du danger à plus de 20 milles nautiques à la ronde. Puis, très vite, en 1863, on y a ajouté un sémaphore, pour communiquer par signaux optiques, puis radio, avec les bateaux défiant Neptune en son territoire. Enfin, en 1878, la commune de Goury accueille son premier canot de sauvetage. Encore à rames, ils sont sortis de l’eau par un attelage de chevaux. L’abri actuel a été construit en 1928 quand la mécanique a remplacé les rames. Tout en gardant l’originalité de sa forme octogonale et de ses deux sorties, il a été adapté en 1986 aux dimensions (17,60m) du canot tous temps actuellement en service.
Malgré ses 25 tonnes, il pivote sur son chariot à l’intérieur de l’abri. Il peut ainsi emprunter soit la rampe de lancement du port à marée haute, soit celle menant directement en pleine mer lorsque la marée est basse. C’est par cette porte qu’est rentré dimanche dernier le « Mona Rigolet ». Après avoir accompagné le prologue de la Drheam Cup à Cherbourg le samedi, son équipage revenait de Jersey, où les échanges avec leurs homologues de la RNLI qui œuvrent sur la même zone, sont permanents. Les touristes se pressaient nombreux pour voir le chariot dévaler la pente jusqu’à l’eau. La vedette usait alors de ses deux moteurs de 400 chevaux, qui la propulsent habituellement à 20 nœuds, pour s’y hisser, l’étrave bien dans l’axe de la perche lui servant de repère. Deux coups de corne de brume signifient à la station qu’ils peuvent actionner le treuil. La lente remontée peut commencer, mais le travail de son équipage, qui varie de 4 à 8 personnes selon les missions, n’est pas terminé pour autant. Il faut penser à abaisser les antennes VHF, ainsi que support de radome radar, ils ne passent pas dans l’embrasure de la porte. Un dernier arrêt avant d’entrer permet de chasser le sel d’un rapide jet d’eau douce. Le canot est désormais à l’abri sous la très belle charpente octogonale en bois, prêt pour sa prochaine mission. Il suffira de 10 minutes pour rassembler hommes et femmes bénévoles qui n’habitent pas à plus de 10 minutes de la station, et en seulement 5 minutes il sera à l’eau.
Victor Jost et son équipier sur le Class40 Masai Solo Sailor ont pu en faire l’expérience le 12 juillet dernier. Faisant route vers Cherbourg pour prendre le départ de la Drheam Cup, leur voilier de 12 mètres a connu une avarie moteur. En l’absence totale de vent et malgré un raisonnable coefficient de marée de 80, ils n’arrivaient pas à étaler le courant et ont dû se résoudre à faire appel à la SNSM et être remorqués jusqu’à Cherbourg. Partis plein Nord dimanche vers la marque mouillée au large de Weymouth, les deux marins n’auront pas l’occasion de saluer leurs sauveteurs, mais gageons qu’ils sauront se montrer solidaires et convaincre leurs condisciples de l’être également. Car le canot tout temps de Goury sera remplacé l’an prochain, après plus de trente années de loyaux services. Un investissement très important, de l’ordre de 1.2 Millions d’euros, pour une association loi 1901. Grâce aux bénévoles, le budget de fonctionnement de la station de Goury est extrêmement faible, de l’ordre de 50 000 Euros annuels. Financée à 82% par des dons privés, la SNSM compte sur les plaisanciers pour la soutenir, la navigation de plaisance représentant 70% de ses interventions. Depuis le mois de mars, le Mona Rigolet est sorti 13 fois déjà, pour porter secours à autant de navires et 31 personnes. Active depuis bientôt 150 ans, la station SNSM de Goury a effectué près de 1000 sorties et sauvé d’un péril grave plus de 350 personnes. Sa présence est toujours aussi indispensable.