Le Jardinier de Corail – Chapitre 1 : La Rencontre, Haapiti village

Lui c’est Mathieu, Mathieu Kerneur, breton de la baie de Paimpol. Le rocher exotique c’est Moorea, Polynésie française. La rencontre a lieu au bar du « QG », on aurait tout aussi bien pu être au bar du « Minium » à Camaret. Mais là c’était à Haapiti village, au nord-ouest de Moorea.Nous logions chez Gilles, rassurez-vous il n’est pas breton il est polynésien. La demeure était un fare sur le lagon face au motu Taina. Indescriptible carte postale. Nous venions, au « QG », réserver une table pour le soir. Et puis vous savez comment c’est : entre gens qui naviguent on a vite fait de se renifler !« Jardinier de corail ?! », jamais entendu parler, et vous ? Mathieu nous donne alors quelques explications discrètement voilées par la légendaire pudeur de ceux des côtes d’Armor. Pour faire causer un breton faut être flic ou médecin, quant à obtenir sa confiance…il faut la mériter. Bref, je n’y comprends pas grand-chose à cette histoire de corail. On échange quand même nos contacts, car Mathieu s’intéresse aux orques, et les orques on avait connu et on avait écrit sur le sujet .
« Ah ! vous êtes invités demain chez Jean ? Un sacré bonhomme. Tu lui donneras le bonjour de Mathieu Corail ». Jean c’est Jean Pellissier, une figure du Pacifique. Du Chili à la Nouvelle Calédonie en passant par les Marquises. Chimiste, océanologue, aventurier, plongeur scaphandrier, entrepreneur de travaux sous-marins, expert maritime. Jean avait embarqué à bord de Tahiti Nui II et III : sept mois à la dérive sur le radeau de l’équipée d’Eric de Bisschop en 1958, de Tahiti au Chili et aux iles Cook.Jean nous reçoit avec Brigitte sa femme dans leur domaine. Autre carte postale : la propriété borde l’ouvert de la baie de Cook à l’Est. Leur fare est une immense bibliothèque dont les murs s’ornent de souvenirs qui ont un point commun : la navigation. Se remarquent des reliquats de l’épave du Pourquoi pas ? , le bateau de Charcot sur lequel Jean a plongé, et tant d’autres objets de marine qui envahissent aussi la varangue et le jardin . A pleine mer, à midi, tous les jours, Jean se met à l’eau depuis sa pelouse et nage jusqu’à la barrière de corail, un aller et retour aquatique de plus d’une heure. Nous sommes en décembre 2023, le 18 janvier prochain Jean fêtera ses 90 ans…effectivement : « un sacré bonhomme » !
« Jean, nous avons rencontré Mathieu Corail qui te salue »« Oui, je connais Mathieu. Mais tu sais, notre voisin de gauche est Coral Gardeners ».« Coral Gardeners ? »« Ils font, à plus grande échelle, le même métier que Mathieu, eux aussi ils réparent le corail »« Ils réparent le corail ? »« Oui ils réparent le corail cassé et le font repousser »« Mais qui sont leurs clients ? »« Les hôtels surtout ». En fait les hôtels, c’est le domaine de Mathieu, Coral Gardeners vise un public différent.
Nous partions le lendemain, je n’avais pas le temps d’approfondir le sujet. Mathieu, Coral Gardeners, tout cela m’intriguait, je n’y connaissais rien, et j’avais bien envie de savoir.Il y avait vraiment matière à écrire un article. En plus avec deux évangélistes sur le lutrin : Jean et Mathieu ! Et c’est donc comme ça que toute l’affaire a débuté.
Décembre 2024, nous voici de retour en Polynésie. Je contacte Mathieu, nous prenons rendez-vous pour début janvier 2025 à notre retour d’une magnifique croisière polynésienne. Comme nous logeons en ce début d’année à Moorea chez Jean et Brigitte, Jean invite Mathieu à nous rencontrer chez lui, sur la baie de Cook.
Le jardinier de corail, le corail, un article original, oui, d’accord, bien sûr j’avais hâte de découvrir cet univers. Mais je butais sur une chose. Je ne voulais pas écrire un article de sciences naturelles ou de biologie marine, trop facile, trop scientifique, trop convenuC’est aussi sur les gens que je voulais écrire. Et bien voilà, je crois que j’ai commencé !
A suivre…
Pour ne pas rester sur votre faim :Le Snack Tamahau, d’Haapiti village, propose une cuisine d’inspiration chinoise, généreuse et de qualité.
Moorea ( lézard jaune littéralement), est à 45 minutes de ferry dans l’ouest de Papeete. L’île a une forme de cœur dont la partie supérieure, orientée Est/Ouest est échancrée en son milieu par deux profondes baies quasi jumelles, la baie d’Opunohu à l’ouest et la baie de Cook à l’est, séparées par un massif montagneux le Mont Rotui. L’essentiel de l’activité de l’île se concentre sur cette côte nord
Cook n’a jamais mouillé dans la baie qui porte son nom. Il a mouillé a Opunohu (le ventre du poisson pierre littéralement). Baie sacrée où habitait la pieuvre Tumu rai Fenua envoyée par les dieux pour apporter harmonie et amour. Les polynésiens ont refusé de débaptiser cette baie pour le nom de l’illustre navigateur, c’était tapu (tabou, interdit). C’est donc la voisine, la baie de Paopao qui a pris le nom de Cook. Il y a toujours un peu de merveilleux et de magie en Polynésie.