Bernard Prézelin a passé sa vie dans les assurances. Mais il se présente dans la tenue 34 de la Marine nationale: pantalon et pull bleu marine. Aux épaules, cinq galons, car l'homme est capitaine de vaisseau dans la réserve. Depuis 1988, il est aussi l'auteur de l'annuaire naval de référence : Flottes de combat.
"Je suis passionné par les bateaux de guerre. L'assurance, ce n'était pas par vocation, mais par nécessité alimentaire", précise-t-il d'emblée.
Il y a trois ans, à 60 ans, Bernard Prézelin quitte son cabinet d'assurance de Loire-Atlantique pour se consacrer entièrement à sa passion. Sa retraite est amputée d'un tiers faute d'avoir atteint l'âge légal du taux plein, mais qu'à cela ne tienne: "l'argent n'est pas une valeur essentielle pour moi, bien au contraire, je suis là pour servir et non pour me servir", assure le commandant Prézelin, sourire aux lèvres.
Flottes de combat, ce sont 1.500 pages sur les Marines de quelque 180 pays, depuis les grandes puissances jusqu'aux Etats insulaires du Pacifique, en passant par des pays comme l'Autriche ou la Bolivie qui ont des forces fluviales ou lacustres. "C'est anecdotique, mais sans ces pays l'ouvrage ne serait pas complet", se justifie l'homme. Au total, près de 10.000 bâtiments ou petites unités sont recensés.
Chaque navire y est décrit dans les détails: nom, numéro de coque, date de construction, taille, tirant d'eau, vitesse de déplacement, systèmes d'armement... Photos et schémas légendés, pour les navires les plus importants, complètent la présentation.
Il s'agit d'un travail titanesque remis à jour tous les deux ans. "Les gens pensent que je suis à la tête d'une équipe de dix personnes", s'amuse le passionné, qui dit ne pas réussir à "décrocher" pendant les rares vacances qu'il s'accorde, au grand dam de son épouse. "Je ne peux pas arrêter car il faut constamment remettre les informations à jour". "C'est un vrai sacerdoce", juge un ami.
A force de recenser les bâtiments de guerre du monde entier, le commandant Prézelin est devenu un expert très courtisé. "Je suis sollicité par les autorités de la Marine", dit-il, refusant d'en dire davantage par égard pour ses supérieurs.
"Flottes de combat est un ouvrage de référence, incontournable pour la Marine et qui est présent sur tous nos bâtiments", assure le vice-amiral d'escadre Jean-Pierre Labonne, préfet maritime de l'Atlantique.
"C'est quelqu'un qu'on appelle souvent quand on a besoin d'un renseignement, il a une expertise absolument essentielle et unique", renchérit Jean-Michel Roche, chef mécanicien à bord de la frégate anti-sous marine La Motte-Piquet. "Un des premiers réflexes quand on est en mer et qu'on rencontre un bateau, c'est de sortir le Flottes de combat".