LA DIX-SEPTIÈME NUIT. Charles Caudrelier n’a pas chômé cette nuit. À l’attaque, il décoche des flèches dans l’Indien, où quatre skippers évoluent depuis ce mardi 23 janvier.
Ils sont quatre marins solitaires à naviguer dans l’océan Indien ce mercredi 24 janvier. La veille, Armel Le Cléac’h et Anthony Marchand se sont glissés à leur tour entre les murs gris de la vaste salle d’escape game qui s’étale de tout son long du cap des Aiguilles à la Tasmanie. Frissons garantis, casse-têtes assurés. Personne ne sait jamais tout à fait combien de temps il y restera enfermé. Charles Caudrelier, qui a ouvert la piste, doit avoir des cheat codes, ces petits atouts qui font gagner du temps. Le skipper de Edmond de Rothschild, qui possède plus de 1500 milles d’avance sur Thomas Coville, se démène comme un beau diable. En 24 heures, il a multiplié manœuvres et recalages pour descendre au plus bas de la zone des glaces et en remonter. La marge conséquente dont il dispose aurait pu lui autoriser un tout-droit à vitesse raisonnée. À l’inverse, Charles Caudrelier a choisi d’appliquer le plan des meilleurs routages. Sans doute y a-t-il un nouveau gros coup à jouer, qui pourrait lui conférer une avance plus sensible encore. Les conditions s’y prêtent : une nouvelle dépression arrive de l’ouest à partir de la nuit prochaine, qui va le pousser vers le cap Leeuwin puis la Tasmanie, porte d’entrée de l’océan Pacifique.
Thomas Coville est toujours perché sur le sommet de la dépression, sur une route nord qui lui épargne le gros de la houle. À 25 nœuds, le skipper de Sodebo Ultim 3 avance bon train. Ce n’est pas le grand confort, mais il fait de la route, comme Armel Le Cléac’h, sur le point de quitter les latitudes de l’Afrique du Sud. A priori plutôt bien placé dans cette zone où se rejoignent deux systèmes météo, le solitaire de Banque Populaire XI va bénéficier de vent frais dans les heures à venir, et cavaler. Hier, il racontait le programme : « C’est toujours mieux d’être en avant d’une dépression, c’est plus compliqué quand elle est passée et que la mer est croisée. Là, j’évolue toujours entre l’anticyclone et cette grosse dépression qui passe au Sud et qui devrait nous emmener jusqu’au cap Leeuwin. »
Ce matin, Actual Ultim 3 navigue dans une zone de vents faibles où la houle brasse la mer dans des proportions raisonnables. Hier soir, Anthony Marchand a placé un empannage qui lui faisait tendre les étraves vers le nord, à 8 heures ce mercredi matin encore. Sa vitesse avait réduit, à 16 nœuds, à l’heure d’écrire ces lignes. A-t-il choisi la présence de cette zone de calmes relatifs pour pousser plus loin ses investigations sur son foil meurtri et sécuriser quelques éléments ?
Bien servi par un flux de nord, Éric Péron progresse à belle allure. Le skipper gagne du terrain vers l’est et surtout vers le sud à des allures qui semblent plaire à Adagio. Le Bigoudin n’est pas passé si loin que ça de l’île de Tristan da Cunha, territoire britannique qui fait partie de l’archipel de Sainte-Hélène, l’archipel habité le plus isolé au monde. Ça vaut le coup de foncer vers le sud et d’ambitionner passer la latitude du cap de Bonne-Espérance le plus rapidement possible. 1500 milles l’en séparent encore.