Navigations d’hiver au large : la bonne stratégie pour naviguer en sécurité

Equipements

Les ports sont déserts, les pontons silencieux et les mouillages ont retrouvé leur aspect sauvage. Si pour la majorité des plaisanciers, l’hiver rime avec hivernage et travaux d’entretien, une poignée d’irréductibles continue de naviguer. Traverser la Manche pour aller chercher un pub anglais ou descendre le Golfe de Gascogne en hiver est une expérience nautique d’une intensité rare. Mais attention, la mer en cette saison ne pardonne pas l’improvisation. Entre fenêtres météo microscopiques et gestion de l’hypothermie, comment préparer une navigation hors-saison sans se mettre en danger ?

Les ports sont déserts, les pontons silencieux et les mouillages ont retrouvé leur aspect sauvage. Si pour la majorité des plaisanciers, l’hiver rime avec hivernage et travaux d’entretien, une poignée d’irréductibles continue de naviguer. Traverser la Manche pour aller chercher un pub anglais ou descendre le Golfe de Gascogne en hiver est une expérience nautique d’une intensité rare. Mais attention, la mer en cette saison ne pardonne pas l’improvisation. Entre fenêtres météo microscopiques et gestion de l’hypothermie, comment préparer une navigation hors-saison sans se mettre en danger ?

Il règne sur l’eau, en plein mois de janvier, une atmosphère particulière. Une lumière rasante, métallique, sublime, qui tranche avec la grisaille terrestre. Mais cette beauté brute a un prix : celui d’une rigueur absolue. Naviguer en hiver, c’est accepter de changer de paradigme. On ne navigue plus pour le farniente, on navigue pour la manœuvre, pour le défi technique et pour la satisfaction d’avoir mené son bateau à bon port dans des conditions exigeantes. Comme le rappellent souvent les marins professionnels, l’hiver est la meilleure école de voile qui soit, car elle oblige à l’anticipation. Ici, pas question de "voir sur place".

La tyrannie de la fenêtre météo

En été, on part souvent quand on est prêt. En hiver, c’est la météo qui décide, et elle seule. La première règle d’une traversée en décembre est la flexibilité du planning. Les systèmes dépressionnaires en Atlantique Nord et en Manche sont plus creux, plus rapides et s’enchaînent avec une fréquence parfois déconcertante. Il est vital de consulter les bulletins météo comme ceux de Météo Consult plusieurs fois par jour, bien en amont du départ. Ce que l’on cherche, c’est l’accalmie entre deux coups de vent, ce fameux "creux" isobarique qui offre 24 ou 36 heures de vent maniable. Mais attention, ces fenêtres sont traîtresses : elles peuvent se refermer plus vite que prévu. Le navigateur en hiver doit savoir renoncer. Rester au port, parce que le fichier GRIB annonce un forcissement à force 8 en fin de parcours, n’est pas un échec. C’est une preuve de sens marin. De plus, la température de l’air modifie la densité de ce dernier : à force de vent égale, un air froid à 5°C est plus "lourd" et exerce une pression plus forte sur les voiles qu’un air chaud à 25°C ! Le bateau gîte plus, les efforts sur le gréement sont accrus. Il faut donc réduire la toile plus tôt...

L’énergie : le nerf de la guerre froide

Si l’autonomie est primordiale quand on part en croisière, elle devient une question de sécurité immédiate en hiver. Pourquoi ? Parce que la consommation électrique explose. Contrairement à une navigation estivale, vous allez accumuler les consommateurs : le chauffage (indispensable pour sécher l’intérieur et le moral de l’équipage), l’éclairage (il fait nuit à 17h00), le radar (souvent nécessaire à cause de la brume ou des grains) et l’électronique de bord. Et cela sans compter le très gourmant pilote automatique si indispensable en hiver. Or, c’est précisément le moment où vos batteries sont les moins performantes : le froid diminue la capacité chimique des accumulateurs. De plus, les panneaux solaires, si efficaces aux Antilles, ne produisent quasiment rien sous un ciel gris de janvier à 50° de latitude Nord. Il faut donc s’assurer d’avoir un moyen de recharge fiable : alternateur d’arbre, hydrogénération ou groupe électrogène. Et le tout en très bon état de fonctionnement. Partir avec des batteries faiblardes en hiver, c’est risquer le black-out total au milieu de la nuit, sans pilote automatique ni instruments.

La sécurité : une discipline de fer

L’été, on peut parfois être un peu laxiste sur le port du gilet. L’hiver, c’est non négociable. Le choc thermique en cas de chute à la mer dans une eau à 8 ou 10 degrés tétanise les muscles en quelques minutes, rendant la nage impossible même pour un excellent nageur. Comme on l'enseigne pour les enfants, le gilet de sauvetage doit être porté impérativement dès que l'on sort dans le cockpit. Pour une traversée hivernale, l’équipement individuel doit être complet : gilet autogonflant avec balise AIS personnelle intégrée, et longe de harnais capelée (attachée) en permanence, même par temps calme. La nuit tombe vite, et retrouver un homme à la mer dans l’obscurité et le froid est une opération aux chances de succès limitées. C’est pourquoi de nombreux chefs de bord imposent la règle du "personne ne sort du cockpit la nuit" sauf nécessité absolue et réveil d’un tiers.

Le carburant du marin : manger chaud et gras

On oublie souvent que le froid rend « bête » ! L’hypothermie légère, insidieuse, ralentit les réflexes, altère le jugement et provoque de la somnolence. Pour lutter contre ce fléau, l’équipement vestimentaire est clé (la fameuse règle des trois couches : technique, polaire, ciré respirant), mais l’alimentation l’est tout autant. Préparer une traversée d’hiver, c’est aussi faire l’avitaillement en conséquence. Oubliez les salades composées ; le corps a besoin de calories pour produire de la chaleur. Les plats en sauce, les soupes, les boissons chaudes stockées dans des thermos préparés avant de prendre le quart sont des éléments de sécurité active. Eric, convoyeur professionnel habitué des navigations hivernales, explique qu'il ne part jamais sans des plats lyophilisés de secours et une bouilloire facile d'accès. Selon lui, un repas chaud peut remonter le moral d'un équipage épuisé en quelques minutes, transformant une situation tendue en un moment de partage chaleureux. Cuisiner à la gîte quand il fait 5 degrés dans le bateau n’est pas une partie de plaisir : préparez donc des plats à l’avance, sous vide, qu’il suffira de réchauffer au bain-marie. C’est bien plus facile et tellement efficace pour redonner le moral à un équipage frigorifié.

Voir et être vu

La navigation de décembre ou janvier, c’est une navigation majoritairement nocturne. Sur une traversée de 24 heures, vous passerez près de 15 heures dans le noir. La veille visuelle est plus difficile, brouillée par les embruns ou la pluie. L’utilisation de l’AIS (Automatic Identification System) est quasi obligatoire pour repérer les cargos et les pêcheurs, très actifs en cette saison. Mais ne vous reposez pas uniquement sur l’électronique. Vos feux de navigation doivent être impeccables. Vérifiez les ampoules, les connexions souvent oxydées par l’humidité hivernale. Être vu est aussi important que voir.

Le plaisir unique de l'arrivée

Si le tableau peut sembler sombre, pourquoi s'infliger cela ? Pour l'arrivée. Entrer dans un port au petit matin, après avoir géré une nuit de brise soutenue, offre une satisfaction que la navigation estivale ne procure pas. L'accueil dans les capitaineries est souvent plus chaleureux, la solidarité entre les rares bateaux présents est réelle. On se sent vivant, marin, membre d'une communauté qui respecte la mer pour ce qu'elle est : une puissance indomptable.

Alors, si votre bateau est prêt, bien isolé et révisé, n'ayez pas peur de l'hiver.

Préparez votre route, couvrez-vous bien, et larguez les amarres. Vous découvrirez que la mer, l'hiver, appartient à ceux qui osent la regarder en face.

Et avant de partir en mer, ayez les bons réflexes en consultant la météo sur METEO CONSULT Marine et en téléchargeant l'application mobile gratuite Bloc Marine.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.