Charles Caudrelier : « pour l'instant, j'ai une bonne étoile »

Par Figaronautisme.com

L’INTERVIEW DU MARDI (4). Prendre le temps, quelques minutes, même en étant lancé dans un sprint infernal. Chaque mardi, un skipper s’attache à répondre à nos questions, à revenir sur les défis du moment et à évoquer l’intensité de la course. Aujourd’hui, échange avec le leader incontesté, Charles Caudrelier. Vous pouvez retrouver son portrait dans le dossier spécial ARKEA ULTIM CHALLENGE : ARKEA ULTIM CHALLENGE - Charles Caudrelier : talentueux, bosseur et battant.

L’avance du skipper du Maxi Edmond de Rothschild s’est considérablement creusée, il s’est offert le record au Cap Leeuwin, le record de l’océan Indien… Pourtant, ces faits-là ne l’intéressent pas. Il sait que son avance peut fondre à la moindre avarie, il sait que la météo, si favorable, peut subitement l’être beaucoup moins. Charles laisse entrevoir une autre facette, davantage esthète des trajectoires et de la vitesse que compétiteur acharné. Il livre avec sincérité sa part de champion à lui, là-bas sur l’océan, tout en s’employant à réaliser quelque chose de grand.

On a l’impression que ces derniers temps, tous les voyants sont au vert !

"Oui, il y a beaucoup de voyants au vert mais il y a toujours un warning au-dessus de ma tête. Je sais que ce qui est arrivé à Tom (Laperche) peut m’arriver, que je peux casser une pièce, subir une avarie. Les bateaux sont fatigués par un demi-tour du monde. On n’est jamais allé aussi loin ! Mais je me sens en forme, j’ai de bons enchaînements, l’énergie du premier, la chance de ne pas être stressé par le classement... C’est une situation idéale mais c’est un sport mécanique, il y aura toujours des aspects qui ne se maîtrisent pas."

« Je suis sur le frein tout le temps »

Le fait de pouvoir se ménager, c’est un luxe ?

"En tout cas je ne suis pas sur une tentative de record parce que je suis sur le frein tout le temps ! Quand je dépasse les 40 nœuds, je me fais engueuler par mes routeurs ! Je pourrais aller 4 nœuds plus vite mais c’est un tour du monde, c’est long. Il faut veiller au phénomène de cavitation sous l’eau qui peut provoquer des microfissures sur les appendices. Or, plus on va vite, plus l’effort est monstrueux… Il ne faut pas prendre de risque et savoir ménager la bête."

Tu as battu plusieurs records, est-ce que ce sont des données qui t’intéressent ?

"Non, je ne regarde même pas les temps. Je ne veux pas rentrer dans ce jeu-là, c’est dangereux. Après, je n’aurai pas une traversée du Pacifique aussi bonne que celle de François et sa remontée de l’Atlantique avait été vraiment canon ! Mais il ne faut pas se tromper d’objectif : ce serait idiot de tirer sur le bateau et de casser. Je ne me bats pas contre le chronomètre, même si ça fait parler et même si ça pourrait me faire un peu plaisir."

« Moi aussi j’ai eu une emmerde par jour »

Quelle est la tendance des prochains jours ?

"Là, j’ai 24 heures encore tranquille avec une mer plate avant de retrouver de la mer plus formée pendant 12 à 24 heures. Peut-être que je vais faire du Nord pour l’éviter. Ensuite, la fin du Pacifique est un peu compliquée avec un système à contourner et je ne sais pas encore où passer. L’arrivée au cap Horn devrait être pas mal même si ça peut vite être violent. Tant que je ne suis pas au nord des îles Falkland, c’est difficile d’être sûr de ce qui va m’arriver."

À t’écouter, tu sembles plutôt en forme…

"Oui je le suis ! Même quand Tom me poussait en début de course, j’avais réussi à trouver le bon équilibre entre sommeil et performance. Là, je suis davantage dans la gestion, c’est relaxant et parfois un peu ennuyeux. Mais ça me sourit, j’ai une bonne étoile pour l’instant ! Après, on l’a provoqué cette chance. On savait qu’il fallait batailler pour arriver dans l’Indien en premier parce que ça pouvait « partir par l’avant ». L’équipe a aussi réalisé un très bon travail parce que je n’ai jamais eu besoin de ralentir pour réparer. J’ai bricolé un peu et moi aussi, j’ai eu une emmerde par jour. Ce sont des détails mais à 35 nœuds, ce n’est pas facile à résoudre !"

« Ce qui me plaît, c’est de dérouler ma copie »

Et quand tu t’ennuies, tu fais quoi ?

"Ça fait 3 à 4 jours que je dors plutôt pas mal, je nettoie mon bateau. J’ai essayé de regarder des films, j’ai commencé à lire un peu sur ma tablette mais j’ai un peu de mal… Quand je me détends, j’ai des scrupules. En plus, ma couchette est légèrement inclinée et ça fausse mes sensations, j’ai l’impression tout le temps de gîter, j’ai du mal à sentir mon bateau… Et puis j’ai eu mes petites galères : j’ai un capteur de dérive qui ne fonctionne plus et je dois la régler aux sensations. Ce sont des trucs un peu agaçant mais ça ne m’empêche pas d’avancer !"

Est-ce que tu vis des moments de plaisir ?

"Je ne suis pas quelqu’un de très contemplatif. Parfois, il y a quelques belles lumières mais globalement il fait gris, il y a du brouillard, de l’humidité, de la buée et je ne sors pas vraiment dehors…  Ce qui me plaît, c’est plus de dérouler ma copie, d’optimiser ma trajectoire, de choisir les bonnes voiles. J’apprécie aussi beaucoup anticiper, avoir un coup d’avance. Ce qui m’anime, c’est davantage la manière que le résultat. Je prends vraiment plaisir à mener mon bateau. Je sais d’où je viens, l’envie que j’avais de faire cet exercice-là, d’en avoir eu peur aussi, de le faire pour moi aussi. Et que le bateau soit bien géré et d’en être là, à plus de la moitié du parcours, c’est très satisfaisant."

Source : ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST 

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...