En Antarctique, l'île de la Déception, fenêtre sur la vie extraterrestre

Par AFP/Figaronautisme.com

Une île volcanique au coeur des glaces et en forme de fer à cheval pourrait-elle être la réponse à l'énigme de la vie sur Mars ? Avec un passé brûlant et un présent glacial, l'île de la Déception, dans l'Antarctique, donne aux chercheurs des indices sur cette possible vie extraterrestre.

Déception ? Tromperie devrait-on plutôt dire. Car cette île de l'archipel des Shetland du sud, à 120 km au nord de la péninsule Antarctique, a surtout pour caractéristique, derrière son apparence parfaitement circulaire, d'avoir une étroite entrée maritime dissimulant une large baie protégée de la houle et des vents glacés.

La baie, baptisée Port Foster, fut découverte par des baleiniers américains au XIXe siècle. Les marins venaient s'y mettre à l'abri des tempêtes et des icebergs. D'un diamètre d'environ 15 km, son point le plus haut culmine à 539 m, et près de 60% de l'île est recouverte par les glaces.

Poissons, krill, anémones et éponges de mer subsistent dans cet écosystème unique, en contrebas d'un volcan actif depuis des milliers d'années et recouvert de neige.

Les dernières éruptions, dans les années 1970, ont anéanti les bases scientifiques installées au XXe siècle mais au fil du temps, la vie a repris.

Les chercheurs sont convaincus que ce lieu, où pingouins, phoques et otaries nagent en toute tranquillité, présente des caractéristiques similaires à celles de Mars. L'étude des micro-organismes qui y sont présents, capables de résister à des températures allant jusqu'à -28 degrés Celsius, pourrait être un indice de la possibilité d'une existence au-delà de notre atmosphère.

C'est "analogue à Mars parce que (là-bas) nous avons une planète avec (un passé) d'immense activité volcanique (...) et qu'actuellement il y a des conditions très froides", explique à l'AFP le géologue planétaire espagnol Miguel de Pablo. L'analyse des roches de l'île de la Déception complète le travail des ingénieurs, scientifiques et astronomes qui creusent et survolent déjà Mars avec des robots.

"C'est la meilleure approche possible pour comprendre Mars sans poser le pied sur cette planète située à 225 millions de kilomètres de la Terre", poursuit M. de Pablo, professeur à l'université espagnole d'Alcalá et responsable du réseau de surveillance des sols gelés de l'Antarctique.

Les vestiges rouillés d'anciennes bases scientifiques sont encore visibles sur l'île de 89,5 km2, où l'on trouve des sources chaudes. Des mousses et des lichens uniques poussent à la surface. Des milliers d'oiseaux y nichent également, selon l'Université nationale de Colombie, qui elle aussi étudie sa similitude avec Mars.

Pour Wilson Andrés Ríos, capitaine de frégate dans la marine colombienne et chercheur, les changements subis sur l'île de la Déception, comme dans tout l'Antarctique, s'expliquent par "l'évolution de l'intervention humaine".

Au début du siècle dernier, l'île a été le théâtre d'une "chasse aveugle" aux phoques et aux baleines, raconte M. Ríos, l'un des membres de la 10e expédition scientifique colombienne, qui sillonne les eaux depuis le port caribéen de Carthagène jusqu'à ce coin reculé de la planète à bord de l'ARC Simon Bolivar. En 1931, une usine de traitement d'huile de baleine installée par des Norvégiens a fermé ses portes et en 1944, l'île est devenue le siège d'une base scientifique britannique, après une expédition lancée pendant la Seconde Guerre mondiale pour occuper les territoires de l'Antarctique, baptisée Opération Tabarin. Les Chiliens y ont également installé des stations scientifiques. Après les éruptions destructrices de 1967 et 1969, l'île est déclarée "terre de paix et de recherche", l'une de ces zones spécialement protégées internationalement de l'Antarctique.

Sous le regard jaloux des chercheurs, des milliers de touristes y débarquent sur des bateaux de croisière, un phénomène "en augmentation inquiétante", selon l'historienne et maître en géographie Natalia Jaramillo, coordinatrice scientifique de l'expédition. Bien que les températures sur Mars soient beaucoup plus basses - jusqu'à -153 degrés Celsius selon la Nasa, l'agence spatiale américaine -, M. De Pablo est convaincu de la contribution de l'île à la science et à une humanité tournée vers l'espace extra-atmosphérique.

En 2023, des chercheurs de la Nasa ont conclu que Mars avait autrefois un climat avec des saisons cycliques qui était propice au développement de la vie, selon les conclusions des indices trouvés sur la planète rouge par le rover autonome Curiosity. Ils supposent également qu'une immense éruption volcanique a modifié son atmosphère et entraîné l'apparition d'océans et de rivières ensuite évaporés.

"Les conditions de l'Antarctique peuvent nous aider à comprendre si les conditions nécessaires au développement de la vie pourraient être ou avoir été présentes sur Mars", ajoute M. De Pablo.

"Nous ne sommes pas sûrs à 100% (des résultats), mais c'est un moyen de définir les choses qui ont pu se produire (sur Mars) ou d'en exclure d'autres", conclut-il.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel
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Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...