
Ce dimanche, au départ des Sables-d’Olonne, une trentaine des quarante bateaux engagés dans la 10e édition du Vendée Globe seront équipés du LibertyKite®, voile de traction qui peut être d'un grand secours en cas de démâtage. À l’origine de cette innovation développée par la société Beyond the Sea, Yves Parlier, l’un des héros de la quatrième édition du Vendée Globe, épreuve à laquelle il a participé à trois reprises. Au-delà de la dimension sportive, les kites d’Yves Parlier, destinés aux navires de toutes les tailles, pourraient révolutionner le transport maritime en réduisant de 20% la consommation de carburant.
« Le ‘’moteur’’ le plus simple et du monde. » Ainsi se définit le LibertyKite®, solution innovante de traction par kite de tous les bateaux. Innovante mais aussi non polluante avec le vent pour seul « carburant ». Mis au point par la société Beyond the Sea créée par Yves Parlier et basée sur le bassin d’Arcachon, le LibertyKite® est le résultat de 10 années de recherche et développement menées par l’équipe du navigateur, accompagnée d’universitaires et d’écoles d’ingénieur. « Cette aile a été initialement pensée pour assurer la sécurité des marins, qu’ils naviguent à voile ou à moteur, explique le navigateur, également ingénieur en matériau composite. C’est très simple. Ça tient dans un sac de 2,4 kg. C’est comme la peau d’un quartier d’orange avec deux cordages qui la relient au bateau. Et ça déplace sans problème un bateau du Vendée Globe de 18 m, avec une aile de 20m². On peut équiper tous les types de bateau. Sur l’Arkea Ultime Challenge, cinq des six Ultim étaient équipés d'une aile de 40m². Si un bateau démâte, le LibertyKite® va lui permettre d’être signalé car le kite est orange et donc très visible mais il va aussi pouvoir refaire route en avançant entre 3 et 5 nœuds selon la force du vent, du vent arrière jusqu’au vent de travers. Le bateau peut ainsi rejoindre un continent en autonomie totale. »
« Remettre des voiles sur des bateaux à moteur » Au-delà des voiliers de course au large, les bateaux à moteur pourraient tirer un grand bénéfice du LibertyKite®, notamment en cas de panne. Le système peut en effet leur permettre de se rapprocher de la terre. Il peut aussi contribuer, par exemple, à permettre à un bateau à moteur, qui n'en aurait pas l'autonomie, de traverser l’Atlantique, ou bien de découvrir le plaisir de naviguer avec le vent, avec le seul bruit de l'eau sur la coque. « Dans mon passé de coureur au large, je me suis beaucoup investi dans la conception et la fabrication de mes bateaux, raconte Yves Parlier. J’ai arrêté la compétition en 2007 pour me lancer dans un projet environnemental. Beyond the Sea est né pour aider les marins à moins utiliser les énergies fossiles et à moins polluer. Aujourd’hui, 98% des navires sont à moteur, et ça me paraissait dingue que le vent ne soit pas davantage utilisé. J’ai cherché des solutions et j'ai trouvé que le kite était la meilleure idée. »
Le kite pour préserver la fragilité de l’environnement
Après sa riche carrière de navigateur, Yves Parlier a souhaité pleinement s’investir dans cette dimension environnementale. « Quand on est seul dans une course comme le Vendée Globe, on ressent toute la fragilité de notre environnement, confie-t-il. Sur notre voilier, on regarde tout ce que l’on consomme. À l’inverse, sur la Terre où nous sommes huit milliards, on consomme à outrance nos réserves et on pollue l’atmosphère. C’est pour cela que je me suis lancé dans ce projet un peu fou d’essayer de remettre des voiles sur des bateaux à moteur. » Aujourd’hui plébiscité par de nombreux marins dans sa version « légère », le LibertyKite® voit bien plus grand. « Il existe pour l’instant avec des voiles jusqu’à 80 m2. Il peut tracter des bateaux jusqu’à 40 m de long. Mais on peut imaginer des LibertyKite® jusqu’à 1600 m2 pour tracter des navires beaucoup plus gros qui n’ont souvent qu’un seul moteur qui parfois tombe en panne. Ils sont tellement énormes qu’on ne sait pas trop les remorquer. Le kite peut être une solution. »
Une idée née dans le Pacifique, lors du Vendée Globe 2000-2001Lundi 4 novembre, ils étaient 2,6 millions de téléspectateurs branchés sur France 2 à regarder le téléfilm « Seul », interprété par Samuel Le Bihan et inspiré de l’histoire d’Yves Parlier (toujours disponible en replay). Une expérience hors norme à l’image de celles souvent offertes par l’univers de la course au large. Lors de l’édition 2000 du Vendée Globe, au large des îles Kerguelen, une violente tempête brise le mât d'Aquitaine Innovation, skippé par Yves Parlier, alors dans le groupe de tête. Pas question pour le navigateur d’abandonner. Pas question de recevoir une aide extérieure, synonyme de disqualification. Avec les moyens du bord, il parvient à rejoindre l'île Stewart au sud de la Nouvelle-Zélande et à reconstruire un mât de fortune. Dix jours après l’avarie, il reprend la course. Affaibli, contraint de s’alimenter en partie d’algues, Yves Parlier termine la course à la 13e position, après 126 jours, 23 heures et 36 minutes en mer. « J’avais déjà embarqué un kite dans mon premier tour du monde, mais c’était davantage un kite de signalement, témoigne le skipper. Quand j’ai démâté dans le Vendée Globe 2000-2001, si j’avais eu mon système, j’aurais pu booster mon gréement de fortune et continuer la course plus facilement que de devoir réparer mon mât en Nouvelle-Zélande,
Le SeaKite® pour décarboner le transport maritime mondial
En parallèle du système LibertyKite®, la société Beyond the Sea a développé le SeaKite à destination des multiples univers de la navigation commerciale (pêche, recherche, tankers, vraquiers, porte-conteneurs et paquebots). Le SeaKite® est un système complet automatisé de traction par kite permettant d’économiser de 20 à 30% de carburant en moyenne et de réduire ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Il est constitué d’un kite (de 25 à 1 600 m2), d’un mât de lancement, d’une platine de renvoi, de capteurs, d’une KiteBox (treuils et pilote automatique) et d’une interface de pilotage. Il offre autonomie, sécurité et économie de carburant. Aujourd’hui solution d’appoint, le kite, au fil du développement de grandes ailes, pourrait devenir le système de traction principale, et faire du moteur une source de propulsion complémentaire. « Toutes ces expériences avec les marins sur le Vendée Globe et le LiberytKite® nous aident à progresser dans le but ultime de décarboner tous les navires à moteur, explique Yves Parlier. Nous avons dans notre programme R&D (Recherche et Développement), le développement d’un système automatique, le Seakite®. Il est testé sur notre catamaran baptisé Le Seakite®, mais est aussi embarqué en co-développement sur des bateaux de pêche de plus de 60 m de long, un remorqueur de haute mer ou encore un tanker de 99 m. Quand le vent est là et bien orienté, notre aile qui a une force incroyable doit procurer un impact significatif pour les navires avec une réduction de la manette des gaz. Tous les navires à moteur représentent plus de 5% des émissions de gaz à effet de serre sur la planète. Cela rend un service colossal dans le transport des marchandises et des passagers mais il faut absolument réduire cette empreinte. »