Trois chavirages en quelques heures. Lors de la première nuit de course sur la Transat Café L'Or, la flotte d'Ocean Fifty a été décimée. Une semaine plus tard, les équipages des bateaux, sains et saufs mais contraints à l'abandon, sont à pied d'oeuvre pour réparer leurs voiliers.
"Ces derniers jours ont été éprouvants", avoue auprès de l'AFP Erwan Le Roux, skipper de Koesio, qui a vu son multicoque chavirer au nord de Guernesey quelques heures après le départ de la plus importante course de l'année, en raison d'une violente rafale.
Hélitreuillé par les secours, le binôme qu'il forme avec la navigatrice Audrey Ogereau a rapidement reçu un message des garde-côtes: une photo montrant leur voilier retourné dans une baie, tout prêt d'une plage faite "de sable et de galets".
L'équipe de Koesio s'est immédiatement rendue sur place pour nettoyer les bouts de mât et les débris dispersés autour de l'épave avant de se livrer mardi à une manoeuvre périlleuse, déplaçant le bateau en sécurité sur la plage grâce à plusieurs pelleteuses.
Remis à l'eau, le voilier a ensuite été retourné, puis remorqué jusqu'à Saint-Malo. "C'était très complexe, mais tout le monde a été remarquable", salue Le Roux, triple vainqueur de la Café L'Or, qui attend désormais une fenêtre météo favorable pour rentrer à La Rochelle, port d'attache du navire, grâce à un "bout de mât rafistolé".
"Chasseur d'épave"
Tanguy Le Turquais, skipper de Lazare x Hellio, a également chaviré lors de la première nuit de course. Sauvé par les secours, il a passé une demi-journée à plonger sous la coque avec son équipe pour dégager le mât, les voiles et les bouts emmêlés.
"C'était un sacré bazar, j'avais l'impression d'être un chasseur d'épave", raconte-t-il à l'AFP. Flotteur et moteur réparés, le voilier est aujourd'hui prêt à rejoindre Lorient: "Les badauds nous ont aidés sur le quai, c'était même émouvant."
Mais comme les deux autres voiliers qui ont chaviré, Lazare x Hellio n'est pas assuré. "Aujourd'hui, on a un trou dans les caisses d'un million d'euros. On a une saison qui recommence dans cinq mois, il faut solliciter les sponsors, repartir en chantier. C'est une nouvelle aventure qui commence", résume ce père de famille de 36 ans.
Pour Jean-Baptiste Gellée, barreur d'Inter Invest, le scénario s'est joué en quelques minutes au large de la côte des Abers. Une bourrasque soudaine et le bateau se retourne. "On venait juste de regarder un beau ciel étoilé, on était tous les deux sur les écoutes, mais le vent est venu d'un coup", détaille à l'AFP le navigateur.
"On navigue toujours à la limite, et parfois, ça bascule", ajoute-t-il. Immédiatement remorqué par Mérida, l'ancien bateau d'Olivier de Kersauson, son Ocean Fifty a été ramené à Brest.
Résilience
Gellée a lui aussi passé toute la journée de dimanche "sous l'eau" à récupérer ce qui pouvait l'être. Mât cassé, électronique et accastillage endommagés: la facture est salée, environ 200.000 euros de réparations à prévoir.
Ramené au Croisic, le bateau est rentré en chantier. "C'est un échec sportif, on va mettre du temps à digérer. Mais humainement, ça nous a tous rapprochés. Le bateau sera encore meilleur à la sortie", promet le skipper.
Sur les dix Ocean Fifty partis du Havre, sept seulement sont encore en course samedi pour atteindre Fort-de-France. Mais pour ceux qui ont dû abandonner, le risque de chavirage fait tout simplement partie de la vie d'un marin en course au large.
"Tous les week-ends en F1, il y a des voitures qui partent dans le bac. Ce n'est pas pour ça que tout le monde rentre au hangar", avance Le Turquais. "Bien sûr qu'il faut réfléchir à ce qui s'est passé, mais le risque zéro n'existe pas", ajoute M. Gellée.
"L'année prochaine, je devais arrêter. Mais j'ai un goût d'inachevé aujourd'hui. Il y a une chose dont je suis sûr: avec Audrey (Ogereau, co-skippeuse), on s'est dit que quoi qu'il arrive, en 2027, on sera au départ de la Transat Café L'Or", promet Le Roux.
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