
L’exploration des grands fonds vient de franchir une nouvelle étape en France. Dans le cadre de l’appel à projets « Deep Seabed » du programme France 2030, Ifremer a retenu ALSEAMAR, filiale du groupe ALCEN, pour imaginer et construire un nouveau planeur autonome capable d’évoluer jusqu’à 3 500 m de profondeur. Une prouesse technologique ambitieuse qui doit ouvrir la voie à une observation continue, durable et silencieuse des abysses.
Une commande stratégique soutenue par l’État
Financé par l’Agence nationale de la recherche pour le compte de l’État, le projet s’inscrit dans l’ambition globale de France 2030 : faire de la France un leader mondial de l’innovation scientifique et industrielle. Sur les 54 milliards € prévus pour transformer les secteurs stratégiques du pays, une part est consacrée à l’exploration océanique, segment considéré comme essentiel pour mieux connaître, protéger et anticiper l’évolution des environnements marins profonds.
Ifremer pilote le programme, en partenariat avec le CNRS et le SHOM. Un groupe utilisateur scientifique définira précisément les capteurs embarqués et les instruments à développer pour maximiser la valeur des données récoltées dans les zones les plus inaccessibles de l’océan.
Le défi : descendre trois fois plus profond que les planeurs européens actuels
ALSEAMAR ne part pas de zéro : l’entreprise est aujourd’hui le seul fabricant européen de gliders capables d’atteindre environ 1 250 m. Le nouveau modèle, qui devra évoluer à 3 500 m, représente toutefois un véritable défi technique.
Pression colossale, autonomie énergétique, endurance mécanique, communication acoustique, gestion de la flottabilité... chaque composant devra être repensé. Le planeur utilisera le principe de la propulsion par changement de flottabilité, sans moteur, afin de parcourir de longues distances en silence et avec une consommation minimale d’énergie.
L’objectif est clair : offrir à la communauté scientifique une plateforme robuste, durable et capable d’observer en continu les profondeurs où aucun robot autonome traditionnel ne peut opérer longtemps.
Premiers essais en Méditerranée, déploiement majeur à Mayotte
Le projet s’articulera en deux phases opérationnelles.
1. Démonstration en Méditerranée
Le glider sera d’abord testé dans le bassin méditerranéen. Cette étape doit permettre d’améliorer l’observation des variations physiques et biogéochimiques des eaux profondes, un enjeu clé pour comprendre la circulation océanique et ses évolutions.
2. Mission d’un an au large de Mayotte
Plusieurs prototypes seront ensuite envoyés autour du volcan sous-marin Fani Maoré, dont l’activité a généré depuis 2018 une série de séismes et d’émissions volcaniques inhabituelles. Les planeurs permettront de collecter des données précieuses pour affiner la surveillance sismique et volcanologique de la région.
Ce déploiement d’un an a pour objectif d’améliorer la compréhension des risques naturels et de renforcer les outils de prévention.
Une avancée majeure pour l’océanographie française
Ce nouveau planeur profond pourrait devenir un outil décisif pour la recherche océanographique française, en offrant une capacité inédite d’observation continue dans des zones jusqu’ici difficiles d’accès.
Il contribuera aussi à renforcer la souveraineté scientifique et industrielle de la France dans un domaine où les technologies de pointe sont souvent concentrées entre quelques acteurs internationaux.
L’enjeu dépasse la seule innovation : il s’agit de mieux comprendre les dynamiques du monde profond, encore largement méconnu alors qu’il joue un rôle central dans la régulation du climat, dans la biodiversité et dans les risques géologiques.
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