
En friture, servis en cornet ou à l’assiette, ces petits poissons de nos côtes se dégustent en toute saison, mais surtout dès les beaux jours venus, quand les terrasses se remplissent et que les arômes d’huile chaude embaument l’air salin. À la croisée de la tradition populaire et de la cuisine de vacances, la friture d’éperlans s’impose comme un classique indémodable.
Un poisson modeste à la grande histoire
L’éperlan (ou smelt, pour les anglo-saxons) vit en bancs dans les eaux froides des littoraux de Manche, de l’Atlantique et du nord de la Méditerranée. Long d’une quinzaine de centimètres en moyenne, il se pêche principalement au printemps, lorsque les poissons remontent les estuaires pour frayer. Jadis, on le capturait au filet ou à la nasse, parfois même à la main. Autrefois surnommé "poisson des pauvres", l’éperlan a longtemps été le plat du quotidien des gens de mer : peu coûteux, facile à conserver, et parfait pour une friture rapide et nourrissante.
Aujourd’hui encore, cette friture reste associée à une cuisine sans prétention, mais pleine de caractère : un plat de bistrot, de brasserie, de guinguette ou de pique-nique. Et surtout, une madeleine pour les habitués des bords de mer.
La recette ? Aussi simple que gourmande
Pas besoin de s’encombrer : un bon éperlan n’a besoin que de farine, d’un peu de sel, et d’une huile bien chaude. Une fois nettoyés et égouttés, les poissons sont roulés dans la farine, puis jetés en petite quantité dans l’huile bouillante. Quelques minutes suffisent : dès qu’ils sont bien dorés, croustillants et que la peau commence à cloquer, ils sont prêts. Égouttés rapidement sur du papier absorbant, ils se dégustent encore chauds, avec une pincée de fleur de sel, un filet de citron, voire une touche de piment d’Espelette pour les plus audacieux.
Friture à partager, plaisir à picorer
Le charme de la friture d’éperlans, c’est aussi sa convivialité. Elle se mange avec les doigts, sans chichi, directement dans le plat ou à même la planche. C’est un plat qui appelle la discussion, le verre qui suit, la nappe qui se tache. On en croque un, puis dix, puis vingt. En apéritif copieux, en plat principal avec une salade verte ou des pommes grenailles, ou même en pique-nique face à la mer : c’est le genre de préparation qui plaît à toutes les générations.
Certains restaurants y ajoutent leur touche : farine de pois chiche, épices douces, sauce tartare maison, herbes fraîches... mais la majorité reste fidèle à la version la plus brute, la plus directe, celle qui fait parler le produit sans l’enrober.
On retrouve la friture d’éperlans sur tout le littoral français, mais chaque région y imprime sa culture. Sur les quais de Boulogne-sur-Mer ou de Dieppe, on les mange nature, accompagnés d’un verre de blanc sec. Dans les halles de La Rochelle, on les trouve frits minute, servis en cornet avec une mayonnaise maison. À Sète, certains les préparent avec un soupçon d’ail et de persil, comme des petites fritures de rougets. Et dans le Sud-Ouest, ils s’invitent même dans des assiettes plus gastronomiques, accompagnés d’un aïoli ou d’un beurre citronné.
La recette maison : simple, rapide, efficace
Ingrédients :
o 500 g d’éperlans bien frais
o 100 g de farine
o Fleur de sel
o Huile neutre pour friture
o Citron jaune
Préparation :
Nettoyez les poissons (certains les gardent entiers, d'autres les éviscèrent). Rincez-les, puis épongez-les bien. Roulez-les dans la farine assaisonnée de sel, en les secouant légèrement pour retirer l’excès. Faites chauffer l’huile (180 °C), puis plongez les éperlans par petites quantités. Faites-les dorer 2 à 3 minutes, jusqu’à ce qu’ils soient bien croustillants. Égouttez, servez chaud, avec du citron.
La friture d’éperlans n’est pas un plat sophistiqué, ni une invention de chef. C’est un plat du peuple, un mets de pêcheur, qui a gardé toute son authenticité. Elle évoque les cabanes en bois, les tables en plastique au bord de l’eau, les mains grasses et les verres levés. Mais aussi la mer, la saison, le geste ancestral d’une cuisine qui va à l’essentiel. Et dans ce genre de simplicité, il y a parfois plus de bonheur que dans toutes les assiettes étoilées réunies.