Les grands explorateurs de la Méditerranée : ceux qui ont dessiné le monde avant l’heure

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Bien avant les grandes traversées vers les Amériques, la Méditerranée a vu naître les premiers navigateurs, savants et cartographes de l’histoire. De Tyr à Massalia, de Rhodes à Alexandrie, ces hommes ont sillonné la mer intérieure, mesuré ses contours et bâti les premières cartes d’un monde qui, sans eux, serait resté sans repères. Après avoir évoqué les pirates en Méditerranée, place à ceux qui l’ont parcourue de long en large et en ont dessiné les premières cartes.

Bien avant les grandes traversées vers les Amériques, la Méditerranée a vu naître les premiers navigateurs, savants et cartographes de l’histoire. De Tyr à Massalia, de Rhodes à Alexandrie, ces hommes ont sillonné la mer intérieure, mesuré ses contours et bâti les premières cartes d’un monde qui, sans eux, serait resté sans repères. Après avoir évoqué les pirates en Méditerranée, place à ceux qui l’ont parcourue de long en large et en ont dessiné les premières cartes.
Photo illustration representant un navire minoen
Photo illustration representant un navire minoen© AdobeStock

Aux origines : les marins du commerce et de la curiosité
Bien avant qu’on parle d’exploration au sens moderne, la Méditerranée est déjà un vaste terrain d’échanges et de découvertes. Dès le IIe millénaire avant J.-C., les Minoens de Crète maîtrisent la navigation et commercent jusqu’en Égypte et en Asie Mineure. Leurs embarcations, larges et rapides, transportent vin, huile et céramique dans tout le bassin égéen. Ils sont les premiers à créer un réseau maritime organisé, fondé sur la connaissance des vents, des courants et des étoiles.
Viennent ensuite les Phéniciens, les véritables pionniers de la mer. Originaires de l’actuel Liban, ils repoussent les limites connues du bassin méditerranéen pour établir des comptoirs en Afrique du Nord, en Sicile, à Malte, puis jusqu’en Espagne. Leurs cités, Tyr, Sidon, Carthage, deviennent des plaques tournantes du commerce antique. Ils savent lire la mer comme d’autres lisent la terre : en observant la position du soleil, la couleur de l’eau, le vol des oiseaux. Leur savoir-faire nautique et leur esprit d’expansion permettent aux premiers peuples d’établir une véritable géographie des rivages.
C’est à eux que l’on doit les premières grandes routes maritimes reliant l’Orient et l’Occident, et sans doute les premières cartes rudimentaires : des repères tracés sur des tablettes, servant à reconnaître les caps et les abris.

Carte selon Ptoleme
Carte selon Ptoleme© Wikimedia

Les Grecs : fondateurs de la géographie méditerranéenne
Entre le VIIIe et le VIe siècle avant J.-C., les Grecs archaïques prolongent l’œuvre phénicienne. Motivés par le commerce, la curiosité et parfois la nécessité d’émigrer, ils essaiment sur tout le pourtour méditerranéen : de la mer Noire à l’Espagne, ils fondent des cités comme Cyrène, Tarente ou Massalia (future Marseille). Ces colonies ne sont pas de simples avant-postes : elles deviennent des relais d’observation, des points fixes pour cartographier un monde maritime en expansion.
C’est à cette époque qu’apparaissent les premiers « périples », ces récits de navigation détaillant les routes, les distances et les dangers. Le Périple d’Hannon ou celui de Scylax de Caryande témoignent d’une connaissance grandissante de la mer. Les Grecs ne se contentent plus de naviguer : ils consignent, comparent, mesurent.
Et certains vont encore plus loin. Pythéas de Massalia, au IVe siècle avant J.-C., quitte la Méditerranée pour explorer les mers du Nord. Il décrit la Bretagne, observe les marées et parle d’un pays lointain nommé Thulé, que beaucoup situent aujourd’hui vers l’Islande ou la Norvège. Un exploit resté longtemps incompris, mais qui démontre déjà la soif d’horizon née sur les quais méditerranéens.

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Des savants qui tracent le monde
Avec la période hellénistique vient une autre forme d’exploration : celle de l’esprit. À Alexandrie, au cœur de l’empire des Ptolémées, les savants grecs font de la Méditerranée un immense laboratoire géographique.
Ératosthène, au IIIe siècle avant J.-C., calcule avec une précision stupéfiante la circonférence de la Terre grâce à la mesure des ombres entre Syène et Alexandrie. Hipparque, un siècle plus tard, invente le principe des coordonnées géographiques, divisant la carte en latitudes et longitudes. Puis Marin de Tyr reprend ces calculs pour construire la première carte mathématique du monde connu, avec la Méditerranée comme centre.
Enfin, Ptolémée, au IIe siècle de notre ère, compile tous ces travaux dans sa Géographie, ouvrage majeur qui influencera les savants arabes et européens pendant plus de 1 500 ans. Dans ses cartes, la Méditerranée n’est plus une mer traversée : c’est un système cohérent, mesuré, pensé, où chaque port, chaque île, chaque détroit trouve sa place.

Les Romains et l’âge des routes
Lorsque Rome s’impose sur tout le bassin, la Méditerranée devient le Mare Nostrum, « notre mer ». Les Romains n’ont pas besoin d’explorer : ils administrent, construisent, relient. Leur génie logistique transforme la connaissance des côtes. Grâce à leurs routes, ports et phares, la mer devient un espace maîtrisé où l’on peut circuler avec une régularité jamais atteinte.
Les ingénieurs romains élaborent des cartes détaillées, comme la Table de Peutinger, où figurent villes, distances et itinéraires. Si leur représentation du monde reste symbolique, elle témoigne d’une compréhension globale du bassin méditerranéen : pour la première fois, on peut imaginer le monde sous forme de réseau.

Mappemonde selon Al'Idrisi
Mappemonde selon Al'Idrisi© Wikimedia

Du Moyen Âge aux portulans : une mer redessinée
Après la chute de Rome, le savoir géographique antique se fragmente. Mais les Arabes, eux, le préservent et l’enrichissent. Des géographes comme Al-Idrissi, au XIIe siècle, redessinent la Méditerranée avec une précision remarquable dans son Livre de Roger, commandé par le roi de Sicile. Cette carte orientée vers le sud représente les côtes, les routes et les îles connues avec un niveau de détail inédit pour l’époque.
Au XIIIe siècle, de nouveaux outils apparaissent : les portulans. Ces cartes nautiques, conçues pour les marins, représentent la Méditerranée avec une exactitude étonnante, bien supérieure aux cartes terrestres contemporaines. La Carta Pisana, datée de la fin du XIIIe siècle, montre déjà un littoral précis, quadrillé de lignes de vents et de directions. Elle marque le début d’une cartographie scientifique, fondée sur l’expérience directe des navigateurs.
Peu à peu, la mer devient familière. Ses contours se fixent, ses distances se standardisent. L’Europe méditerranéenne est désormais connue, décrite, mesurée : un monde clos mais parfaitement compris.

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Pourquoi on en parle si peu ?
Si les grands explorateurs méditerranéens ne figurent pas dans les manuels d’histoire, c’est parce qu’ils n’ont pas « découvert » de continents inconnus. Leur aventure se déroule dans un espace déjà habité, déjà nommé. Pourtant, ils ont bâti les fondations de la géographie mondiale. Sans les Grecs, les Phéniciens, les Égyptiens et les savants d’Alexandrie, ni Colomb, ni Magellan, ni Cook n’auraient disposé de repères, ni même du concept de carte.
Ces navigateurs ont transformé la Méditerranée en un véritable laboratoire du savoir maritime : une mer à la fois familière et mystérieuse, où l’on apprenait à lire le monde.

Héritage d’une mer fondatrice
La Méditerranée n’a pas été un lieu d’exploration spectaculaire ; elle a été le creuset de toutes les explorations possibles. C’est là que l’homme a appris à observer le ciel pour se diriger, à mesurer la Terre pour la comprendre, à représenter l’espace pour le partager.
Des Phéniciens à Ptolémée, des Minoens à Al-Idrissi, chaque civilisation a ajouté une pierre à l’édifice. Ensemble, ils ont transformé une mer en carte, et une carte en vision du monde.
La Méditerranée n’a jamais été un simple passage : elle a été le premier grand livre ouvert de l’humanité.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.