
Au printemps, entre fraie des poissons, retour des plaisanciers et renforcement des contrôles, il ne suffit plus de savoir où pêcher. Il faut surtout savoir ce que la réglementation permet, et ce que la mer, elle, peut encore offrir.
Les calanques : un espace réglementé, pas un espace libre
Depuis 2012, les calanques de Marseille sont un Parc national - une singularité en Méditerranée occidentale. Avec 43 500 hectares de mer protégée, le Parc encadre strictement les usages, et la pêche de loisir n’y échappe pas.
Ce que beaucoup ignorent encore, c’est que dès le premier lancer de ligne, le plaisancier est considéré comme usager soumis à déclaration. Depuis 2021, l’enregistrement préalable est obligatoire sur le site du Parc national ou via l’application mobile dédiée.
Jean-Luc, lui, a appris à faire avec. « Avant, on partait, on pêchait, on revenait. Maintenant faut prévenir, peser, et parfois relâcher. Mais c’est pas plus mal. »
Le mois de mai est un moment charnière. D’un côté, la météo plus clémente attire les premiers navigateurs. De l’autre, de nombreuses espèces entrent en phase de reproduction : dorades, sars, rascasses ou labres se rapprochent des côtes pour frayer. Cette période est cruciale pour le renouvellement des populations, et les règles s’en ressentent.

Dans l’ensemble du Parc :
o La pêche sous-marine est interdite dans toute la zone coeur.
o Les zones de non-prélèvement (ZNP) - comme Riou, l'île Plane ou le Mugel - sont fermées à toute forme de pêche, loisir comme professionnelle.
o Seules les lignes à main ou cannes sont autorisées. Les casiers, nasses, ou lignes de fond lourdes sont prohibés pour les plaisanciers.
o Trois hameçons maximum par ligne ; deux lignes par personne autorisées à bord.
o Limite de capture : 5 kg par jour et par pêcheur, tous poissons et céphalopodes confondus (hors espèces soumises à quota spécial comme le thon rouge).
Et surtout, les tailles minimales sont souvent plus élevées que les standards nationaux. En voici quelques exemples spécifiques au Parc :
Dorade royale : 23 cm
Sar : 22 cm
Pagre : 25 cm
Poulpe : 500 g minimum / 2 par jour
Jean-Luc, comme beaucoup d’habitués, garde un mètre ruban à portée de main. « On relâche. On revient demain. »
Des pratiques sous surveillance
À mesure que les beaux jours s’installent, les calanques attirent tous types d’usagers : kayakistes, apnéistes, baigneurs, plongeurs... et pêcheurs. Ce cocktail d’activités fragilise un écosystème déjà sous pression. Le Parc national et l’OFB renforcent donc les contrôles dès le mois de mai.
En 2024, plus de 450 inspections ont été menées en mer entre Marseille et Cassis. Résultat : une centaine de verbalisations pour pêche dans des ZNP, prises non conformes, ou matériel interdit.
Certaines erreurs viennent d’une méconnaissance sincère. D’autres d’une négligence volontaire. Les sanctions sont réelles : jusqu’à 1 500 € d’amende, et la saisie du matériel. Mieux vaut donc connaître sa zone et son droit avant de jeter l’ancre... ou la ligne.
« Le pire, c’est les ancres mal posées », lâche Jean-Luc, en montrant du doigt une zone d’herbier de posidonie déchiqueté. « Tu tires là-dedans, tu bousilles vingt ans de pousse. »
La posidonie - plante marine protégée, essentielle à la reproduction des poissons et au piégeage du carbone - est présente dans presque toutes les calanques. Depuis un arrêté préfectoral de 2021, l’ancrage y est interdit dans les zones couvertes. Le Parc met progressivement en place des bouées écologiques dans certaines criques (Port-Pin, Figuerolles), mais elles ne couvrent qu’une petite partie du territoire.
Le meilleur geste reste la prévention : consulter les cartes (Navionics, Donia, SHOM), éviter les zones d’herbiers, ou préférer des zones sableuses bien identifiées.

Un équilibre fragile, à défendre
La pêche dans les calanques n’est pas une pratique à interdire, mais à transformer. C’est l’approche que défend le Parc national : plutôt que d’exclure, accompagner les usagers vers une pratique compatible avec la régénération du milieu. En 2025, de nouvelles initiatives verront le jour :
o Une application mobile unifiée, pour repérer en temps réel les ZNP, zones à éviter, et enregistrer ses prises.
o Une campagne de formation en ligne obligatoire envisagée pour 2026 pour tous les plaisanciers déclarés.
o Un programme d’observateurs volontaires à bord des bateaux pour aider au suivi des captures.
La ligne de Jean-Luc tire légèrement. Un sar, de belle taille. Il le mesure, l’observe, et le remet à l’eau. « Pas besoin de le manger pour l’avoir respecté », sourit-il.
Ce geste, anodin en apparence, est peut-être le plus essentiel aujourd’hui. Dans les calanques, pêcher n’est pas un droit illimité, mais un engagement à comprendre et à respecter la mer. Et au mois de mai, plus que jamais, la ligne est fine entre loisir et nuisance. Encore faut-il choisir de la tendre du bon côté.
Et avant de partir en mer, ayez les bons réflexes en consultant la météo sur METEO CONSULT Marine et en téléchargeant l'application mobile gratuite Bloc Marine.