Les plus grands lacs salés du monde

Mer Caspienne : le faux océan devenu enjeu mondial
On l’appelle "mer", mais la mer Caspienne est bel et bien le plus grand lac salé de la planète. Avec 371 000 km2, elle écrase tous les autres en taille. Bordée par cinq pays - Russie, Kazakhstan, Turkménistan, Iran et Azerbaïdjan -, elle est au coeur d’un équilibre précaire entre ressources halieutiques, exploitation pétrogazière, tensions diplomatiques et préservation de la biodiversité.
Sa salinité, relativement faible (autour de 12 g/l), permet une vie aquatique riche, en particulier les esturgeons dont est issu le célèbre caviar, désormais protégé. Mais derrière les images de plages et de plateformes pétrolières, le niveau de l’eau baisse lentement, notamment à l’est, en raison de l’évaporation accélérée et des barrages en amont des affluents.
Le climat, à la fois méditerranéen et continental, génère de forts contrastes sur ses rives. Le delta de la Volga, au nord, abrite des zones humides essentielles pour les oiseaux migrateurs. Mais ces équilibres sont menacés par la salinisation progressive, la pollution industrielle, et une gouvernance régionale encore incertaine.
Mer d’Aral : la mer qui s’est évaporée
Impossible d’évoquer les lacs salés sans parler de la mer d’Aral, tristement célèbre pour être le plus grand assèchement artificiel du XXe siècle. Dans les années 1960, elle couvrait plus de 66 000 km2. En 2025, seuls deux bassins subsistent : l’un au nord, au Kazakhstan, et l’autre, morcelé, au sud, en Ouzbékistan.
Le détournement massif des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, pour irriguer les champs de coton de l’Union soviétique, a provoqué l’évaporation du lac, laissant place à un désert toxique. Poussières salées, résidus de pesticides, augmentation des maladies respiratoires, disparition des espèces aquatiques : le tableau est apocalyptique.
Seule lueur d’espoir : le barrage de Kok-Aral, construit en 2005, a permis de stabiliser le niveau du Petit Aral, qui commence à retrouver une certaine biodiversité. La pêche artisanale y a timidement repris. Au sud, en revanche, les anciens ports comme Muynak ne sont plus que des cimetières de bateaux.
Great Salt Lake : le miroir de l’Ouest américain
Dans l’Utah, aux États-Unis, le Great Salt Lake est un marqueur environnemental crucial. Ce vaste lac salé, situé à 1 280 mètres d’altitude, voit sa surface varier fortement selon les années, entre 4 000 et 8 500 km2 dans le passé... mais depuis 2022, il tourne autour de 2 500 km2.
La baisse dramatique de son niveau est due à la combinaison d’une sécheresse chronique, du réchauffement climatique et de l’extraction massive d’eau pour l’agriculture et l’urbanisation. Le sel y cristallise en plages rosées ou blanches, et les eaux deviennent parfois si concentrées qu’aucune forme de vie ne subsiste, sauf l’artémie, petit crustacé résistant.
Le lac est essentiel pour des millions d’oiseaux migrateurs (avocettes, phalaropes, flamants...), qui s’y reposent et se nourrissent. Or, l’assèchement libère des fonds chargés d’arsenic, provoquant une pollution de l’air sur la vallée de Salt Lake City. Des lois ont été votées pour réduire la consommation d’eau, mais les résultats se font attendre. Le Grand Lac Salé est devenu le symbole d’un Ouest américain en crise d’eau.
Lac Balkhach : le Kazakhstan aux deux visages
Dans les plaines arides du Kazakhstan, le lac Balkhach fait figure d’étrangeté géographique. Il mesure plus de 600 km de long, pour une surface d’environ 16 400 km2, et présente une particularité rare : il est mi-doux, mi-salé. À l’ouest, l’eau est relativement douce ; à l’est, elle devient saumâtre, voire salée, en raison d’un rétrécissement naturel qui empêche le brassage.
Ce fragile équilibre est aujourd’hui menacé par le réchauffement climatique et les prélèvements d’eau en amont, principalement en Chine. Le fleuve Ili, qui alimente le lac, voit son débit chuter d’année en année. De nombreuses espèces de poissons ont disparu, et les communautés locales, qui dépendaient de la pêche, doivent se reconvertir.
Le Kazakhstan tente d’imposer une coopération hydrologique avec la Chine, mais le dialogue reste complexe. Le lac Balkhach est désormais considéré comme un écosystème prioritaire par les ONG environnementales d’Asie centrale.
Mer Morte : un spa naturel
On vient s’y baigner, flotter, se photographier avec un journal... Pourtant, derrière les images de carte postale, la mer Morte vit une lente disparition. En 2025, son niveau est tombé à -430 mètres, soit plus d’un mètre de perte par an ces dernières décennies.
Sa salinité dépasse les 300 g/l, ce qui la rend totalement inhabitable pour la vie aquatique. Le sel y forme des concrétions spectaculaires, et les boues sont réputées pour leurs vertus thérapeutiques. Mais le recul des eaux a laissé place à des dolines, immenses trous d’effondrement qui avalent routes, plages et bâtiments.
Les projets de "sauvetage" se heurtent à la géopolitique. Le canal reliant la Mer Rouge à la mer Morte, censé injecter de l’eau et produire de l’énergie, n’a toujours pas vu le jour. Les stations balnéaires, côté jordanien comme israélien, s’adaptent au recul des eaux, tandis que les scientifiques alertent : la mer Morte pourrait se fragmenter en deux d’ici 2040.
Lac Namtso : un joyau perché entre ciel et terre
À plus de 4 700 m d’altitude, le lac Namtso, au Tibet, est l’un des lacs les plus purs et les plus élevés de la planète. Entouré de sommets enneigés et de prairies balayées par le vent, il reste un lieu sacré pour les bouddhistes tibétains. Tous les douze ans, des milliers de pèlerins en font le tour à pied, dans une marche rituelle intense.
Longtemps isolé, le Namtso est désormais accessible depuis Lhassa, et le tourisme s’y développe rapidement. Face à l’afflux de visiteurs, les autorités ont mis en place des quotas, des zones protégées, et des interdictions de camping sauvage.
Les scientifiques y étudient les effets du changement climatique sur les glaciers du plateau tibétain, qui fondent plus tôt chaque année. Le lac, pourtant lointain et presque inaccessible, devient un observatoire du dérèglement global.
Lac Assal : le sel à vif
Situé dans la dépression de l’Afar, au coeur de Djibouti, le lac Assal est le point le plus bas d’Afrique et l’un des plus extrêmes de la planète. Il cumule records de chaleur, de salinité (jusqu’à 350 g/l) et d’isolement. Les paysages y sont lunaires : croûtes de sel éclatant, fumerolles volcaniques, silence absolu.
Des communautés nomades extraient encore le sel à dos de dromadaire, comme au temps des caravanes. Le site attire désormais des géologues, des touristes aventureux et même des agences spatiales, qui y testent des technologies martiennes.
En 2024, Djibouti a classé le site en zone naturelle d’intérêt national, tout en développant un projet pilote d’extraction durable du sel et de géothermie. Le lac Assal incarne l’extrême sous toutes ses formes.
Mar Chiquita : l'eldorado des flamants rose
Dans le nord de l’Argentine, la Mar de Ansenuza (ex-Mar Chiquita) offre un tout autre décor. Ce vaste lac salé, qui peut dépasser 6 000 km2 en saison humide, se transforme en refuge pour plus de 300 espèces d’oiseaux. En 2022, il a été élevé au rang de parc national, le plus grand du pays.
Le site attire ornithologues, photographes et touristes venus observer flamants roses, ibis, cigognes et caracaras, dans un décor semi-désertique qui change de visage au fil des saisons. L’essor du tourisme est encadré pour ne pas perturber la faune, et des programmes de reboisement ont été lancés autour du lac.
Ils reflètent notre monde comme peu d’autres milieux : fragiles, majestueux, profondément liés à nos choix. À la fois réserves naturelles, sentinelles climatiques et trésors culturels, les grands lacs salés oscillent entre résistance et effondrement. Certains renaissent à force de volonté, d’autres sombrent sous le poids des erreurs passées. Leur destin, parfois discret dans les grands débats, dit pourtant l’essentiel : face à la rareté de l’eau, à l’aridité qui progresse et à la pression humaine, ce sont les marges de la planète qui tirent les premières sonnettes d’alarme.
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