Sur les traces de Brassens à Sète, sa ville natale
La Pointe Courte, un village dans la ville
Au bord de l’étang de Thau, ce petit bout de quartier semble à part, presque hors du temps. Jadis terre des petits métiers de la pêche, la Pointe Courte a développé une identité si singulière qu’elle est devenue un monde à elle seule. Il suffit de lire les panneaux : traverse des Jouteurs, traverse des Rameurs, traverse des Pêcheurs... Ici, les rues racontent la vie des habitants autant que l’étang qui les nourrit.
Longtemps considéré comme un quartier pauvre, il a conservé l’allure de ces lieux qui refusent de se dissoudre dans le modernisme. Ses petites maisons adossées à la lagune, ses filets séchant devant les portes et ses embarcations amarrées au plus près du seuil évoquent encore le quotidien rude et paisible des pêcheurs. Agnès Varda en avait fait le décor de son film "La Pointe Courte" en 1955, bien avant que le cinéma ne parle de réalisme social. Brassens revenait souvent ici : il appréciait les chats qui se faufilaient entre les filets et qui, aujourd’hui encore, semblent avoir fait du quartier leur royaume.
Le Môle Saint-Louis et son phare, gardiens de la ville
Symbole du Sète naissant, le Môle Saint-Louis est la première construction de la ville, érigée en 1666 pour protéger le port et affirmer sa vocation maritime. Cette jetée de 650 mètres, qui avance fièrement dans la mer, offre l’une des plus belles promenades sétoises : un fil de pierre entre ciel et eau, où l’on marche face au large en laissant la ville derrière soi.
Au bout se dresse le Phare Saint-Louis. Construit en 1680, détruit par les troupes allemandes en 1944 puis reconstruit en 1948, il éclaire encore l’entrée du port et se visite. Sa silhouette blanche et rouge est devenue l’une des images emblématiques de Sète.
Brassens et ses amis y ont usé leurs semelles. C’était l’une de leurs sorties favorites : longer le môle jusqu’au phare, s’asseoir face à la Méditerranée, regarder le Mont Saint-Clair se découper dans la lumière. Pour les Sétois, cette « montagne » est bien plus qu’une colline : c’est un repère affectif autant que géographique.
Le cimetière marin, entre poésie et mémoire
Sur les hauteurs battues par la lumière, le cimetière marin domine la mer. Paul Valéry, qui y repose, l’a immortalisé dans l’un des poèmes les plus célèbres de la littérature française : « La mer, la mer, toujours recommencée... ». Une marche entre ses allées permet de découvrir des tombeaux familiaux sculptés dans le marbre de Carrare, des chapelles singulières comme celle des « pleureuses », et surtout de parcourir une véritable page d’histoire sétoise.
Brassens montait régulièrement s’y recueillir sur la tombe de Valéry, qu’il appelait son « bon maître ». Une admiration qui a nourri certaines de ses chansons. Quant à lui, fidèle à ses propres souhaits, Brassens repose non loin, dans le « cimetière des pauvres », où il est enterré auprès de ses parents et de Püppchen, sa compagne.
La plage de la Corniche, un souffle de Méditerranée
Entre centre-ville et quartier de la Corniche, cette longue promenade qui borde la mer est l’un des lieux emblématiques des balades sétoises. On y passe de petites criques rocheuses aux plages ouvertes sur le large, avec un paysage préservé qui rappelle combien la ville reste tournée vers la Méditerranée.
Brassens y jouait enfant et, plus tard, il en a fait un lieu de mémoire personnelle. Dans sa « Supplique pour être enterré à la plage de Sète », il évoque ces instants fondateurs, les premiers émerveillements devant l’horizon, les amours de jeunesse, le sable « si fin » et cette « mort en vacances » qu’il imaginait avec une douceur résignée. La chanson a immortalisé ce coin de littoral, devenu l’un des symboles les plus forts de l’attachement du chanteur à sa ville natale.



