
Huître glacée : la plus déroutante
C’est sans doute le parfum le plus clivant. La glace à l’huître existe bel et bien, et sa première trace remonte à 1824 dans The Virginia Housewife, un vieux manuel culinaire américain qui évoque une « oyster cream » servie lors des banquets d’hiver. Aujourd’hui, elle réapparaît dans certains festivals ou sur les rives de l’étang de Thau, où un couple d’artisans la prépare à base d’huîtres locales pochées dans du vin blanc, mixées avec leur jus et incorporées à une crème légèrement citronnée.
En bouche, la surprise est totale : onctueuse, saline, très iodée, cette glace évoque la mer crue et froide, comme une huître avalée les yeux fermés. Ni sucrée, ni vraiment salée, elle joue dans une autre catégorie : celle des amuse-bouches ou des desserts de chef.
Les plus curieux pourront tenter l’aventure sur les marchés gourmets ou, paraît-il, chez un glacier audacieux de l’Île de Ré. À vos papilles !
Algue pralinée : le contraste maîtrisé
Plus douce, plus accessible, la glace aux algues séduit les curieux en quête d’équilibre. À Paris, un glacier a récemment proposé un praliné aux éclats d’Aonori - une fine algue verte japonaise - associé à une base de noisettes torréfiées. Le tout est ponctué de copeaux de chocolat noir et de fleur de sel. Une fusion réussie entre le sucré et l’umami marin, où l’algue ne domine jamais.
Pour les plus audacieux, il est même possible de tenter l’expérience chez soi. Il suffit de réduire en poudre des algues séchées (wakamé, nori ou kombu, celles que l’on utilise dans les soupes miso) et de les infuser dans une crème sucrée. Résultat : une glace à la saveur végétale, saline, aérienne... parfaite pour une initiation tout en douceur aux plaisirs marins glacés.
Mais pour une version artisanale, c’est plutôt du côté du Morbihan qu’il faudra tendre la cuillère. Là-bas, entre sable blond et embruns, certains glaciers réinventent la mer... en boule.
Crabe glacé : la bisque version dessert
Au Japon, la glace au crabe, ou kani aisu, est une curiosité régionale que l’on peut goûter à Hokkaido. Elle est élaborée à partir d’un bouillon de crabe réduit, mélangé à une base légèrement sucrée et congelé comme un sorbet. Le chef britannique Heston Blumenthal l’a popularisée en Occident en la servant avec une gelée de fruits de mer et une crème d’échalote : un plat entier, glacé de bout en bout.
Le résultat est déroutant. L’umami du crabe se mêle à la douceur lactée, dans une texture glacée proche d’une bisque froide. Loin d’une simple fantaisie, c’est une façon de faire parler le produit dans sa forme la plus brute - avec un twist.
Sorbet d’algue citronnée : fraîcheur marine
Moins osé mais tout aussi marin, le sorbet d’algue au citron se rapproche d’un granité. Il est parfois servi dans les restaurants gastronomiques pour accompagner des huîtres ou des carpaccios de poisson. À base de kombu infusé à froid, de jus de citron vert et de sucre très léger, ce sorbet joue la carte de la fraîcheur et de la minéralité.
Il est réalisable à la maison : il suffit de faire infuser une petite poignée d’algues dans de l’eau froide pendant quelques heures, d’ajouter du jus de citron, un soupçon de gingembre frais, un peu de sirop de sucre, puis de turbiner ou de placer au congélateur en grattant régulièrement à la fourchette. Léger, revigorant, parfait en interlude salin.
À faire chez soi : recette simple de glace à l’huître (version douce)
Ingrédients pour 4 personnes :
- 6 huîtres creuses n°3 bien fraîches
- 20 cl de crème liquide entière
- 10 cl de lait entier
- 1 jaune d’œuf
- 1 c. à soupe de vin blanc sec
- 1 zeste de citron jaune
- Sel, poivre blanc
Préparation :
1. Ouvrir les huîtres, récupérer leur eau et leur chair. Filtrer l’eau.
2. Dans une casserole, chauffer à feu doux l’eau d’huître avec la crème, le lait, le zeste de citron et le vin blanc.
3. Mixer la chair des huîtres avec le mélange chaud. Filtrer à nouveau si besoin.
4. Hors du feu, ajouter le jaune d’œuf en fouettant, saler légèrement, poivrer.
5. Laisser refroidir complètement, puis turbiner (ou placer en sorbetière).
6. Servir nature ou avec quelques œufs de poisson pour prolonger l’expérience marine.
Encore marginales, souvent perçues comme provocatrices, les glaces aux saveurs de la mer racontent pourtant autre chose qu’une mode passagère. Elles célèbrent l’audace culinaire, le respect du produit, la mémoire des goûts. Elles bousculent les habitudes, mais sans jamais trahir l’ingrédient.
Huître, algue, crabe ou sorbet d’eau salée : ces créations, quand elles sont bien pensées, ne cherchent pas à plaire à tout le monde - seulement à ceux qui aiment la mer jusque dans leur dessert. Une manière de prolonger l’été, la mer, et l’iode, autrement.