
Samedi midi, à l’exception de Benoît Marie (1067-Nicolatic Petit Bateau) et Alexandre Demange (DMG Mori Sailing Academy II) - aux avant-postes et suffisamment rapides pour échapper à l’ex-ouragan Gabrielle -, les skippers avaient rejoint un port sûr, éparpillés entre Portimao, Baiona, Cascais, Peniche... Sur les 90 skippers au départ, seuls manquaient à l’appel, Hajime Kokumai (1046-DMG Mori, Sailing Academy I), rescapé à bord d’un cargo suite à une collision avec un OFNI, ainsi que Thomas Biasse (880-Un Spondy en Mini), victime d’un démâtage et resté aux Sables d'Olonne.
Phénomène Gabrielle : une trajectoire rare
« Nous avions parlé de cet ouragan, lors du briefing d’avant départ. Tous les modèles le faisaient monter vers l’Angleterre ou vers l’Irlande, ce qui est une route assez standard. Il y a en général un ou deux ouragans par an qui traversent l’Atlantique, pas plus, et c’est très rare qu’ils descendent aussi bas », explique Christian Dumard, météorologue de la course (...) Et Gabrielle est effectivement passé ; avec des vagues de 6 à 7 mètres et des rafales de 55 à 60 noeuds... C’est beaucoup pour un Mini » !
« Jeudi matin, j’ai eu un coup de fil de la direction de course, qui me disait qu’il fallait prendre la décision d’annuler immédiatement pour sauver l’intégrité de la flotte et garantir la sécurité des coureurs. Deux-tiers d'entre eux se trouvaient menacés », confirme Emmanuel Versace. « Notre objectif a été de les mettre dans les meilleures dispositions possibles tout au long de ces escales forcées, et de répondre à notre mission de rassurer les familles, les partenaires. Cela fait partie des aléas de la course, on se devait de réagir avec les moyens qu’on a. On a reçu beaucoup de soutiens suite à cette décision », poursuit l’organisateur de la course.

Course contre l'ouragan
Sur l’eau, c’est la stupéfaction, suivie de sentiments mitigés, où se mêlent la déception de se voir freiner dans son élan, et la peur à l’idée d’affronter de telles conditions à bord d’un bateau de 6.50 mètres. Au bout du compte, c'est le soulagement qui l’emporte. C’est notamment le cas pour Louis Hulet (630-James Caird), qui avait choisi une option au large. À 180 milles des côtes jeudi, il fait part d’un retour à terre « stressant » . « Pendant deux jours, plutôt que la course contre des concurrents, j’ai fait la course contre l’ouragan », raconte celui dont le sens marin lui a fait imaginer le pire, anticipant se mettre en configuration pour l’affronter.
« On fait un sport où l’on joue avec la météo, c’est ce qui fait que la voile n’est pas un sport comme un autre », rappelle Quentin Mocudet (986-Saveurs et Délices), qui ne cache pourtant pas la déception de voir sonner le glas d’un parcours qu’il avait bien entamé. Au moment du cout d'arrêt, Louis était en effet 3ème dans la catégorie série. Même sentiments, entre frustration et acceptation, pour Paul Cousin (981-AFP Groupe Biocombustibles). « C’est dur quand ça s’arrête. J’ai eu un gros coup de mou après l’annulation, j’étais au fond du trou pendant une journée. Mais c’est la vie, il faut rebondir (...) Après ce qu’on vient de vivre, tout va désormais nous paraître normal » convient celui qui pointait deuxième des bateaux de série derrière un Amaury Guérin en parfait maîtrise. « Faire le deuil » d’un premier parcours qui a tourné court ; et capitaliser sur les enseignements et la confiance engrangés dessinant une première hiérarchie, c’est tout l’enjeu de la suite de cette La Boulangère Mini Transat 2025, déjà vécue comme une aventure humaine et maritime hors normes.

89 skippers , attendus au départ de La Palma
Sur les 90 skippers au départ des Sables d’Olonne, la course est marquée par l’abandon d’Hajime Kokumai. Deuxième à La Palma, Alexandre Demange donne des nouvelles de son partenaire de l’écurie DMG Mori, portée par Kojiro Shiraishi, skipper du Vendée Globe, et le directeur sportif, Jacques Caraës : « Hajime a eu une collision avec un OFNI, ce qui a complètement arraché le puits de quille, qui ne tenait plus que sur l’une des charnières. Quand il a évacué le bateau, il était plein d’eau. Avec l’ouragan, la quille a dû lâcher, le bateau se retourner (...) Le plus important, c’est que Hajime va bien. Il a été secouru par un cargo russe-philippin qui l’a accosté vers le cap Finisterre, en direction du Ghana. Ce n’est pas facile pour lui, mais cela fait cinq jours qu’il est à bord, il commence à prendre un peu de recul par rapport à ce qui s’est passé. Il a été exemplaire dans sa manière d’alerter les secours. Merci à tous les briefing sécu pour toutes les procédures. Il ne s’est jamais senti en danger. En espérant tous vous retrouver très vite à La Palma, en espérant que cet abandon soit le seul de cette semi-étape... »
Longtemps aux Sables d’Olonne après avoir démâté dans les premières 24 heures de course, Thomas Biasse, a, quant à lui, repris les chemins qui mènent aux Canaries. Mardi matin, il pointait au large de La Corogne. Il est attendu d’ici quelques jours à La Palma pour rejoindre la flotte de cette Mini 2025.