
Un duel suspendu au souffle du vent
Pendant plus de 48 heures, le maxi noir mené par Tristan Le Brun et Remon Vos a mené la danse, sans jamais pouvoir s’échapper complètement. Le passage au large de Favignana, dimanche soir, laissait espérer un sprint final vers Malte. Mais la Méditerranée a ses caprices : collée par des vents mollissants, Black Jack a vu sa moyenne chuter, son avance menacée par Balthasar de Louis Balcaen. Ce dernier, plus au nord, a su capter une brise venue du large africain et grignoter une partie du retard.
Finalement, Black Jack 100 a franchi la ligne mardi 21 octobre à 05h44 (CEST), après 2 jours, 17 heures et 44 minutes de course, remportant les honneurs de la ligne avec une avance de 50 milles sur son poursuivant.
Des leaders secoués par les aléas du large
Dans le reste de la flotte, les positions ont été tout aussi mouvantes. Le Français Frédéric Puzin, à la barre de Daguet 5, avait pris les devants en IRC 2 avant de se faire dépasser par Django Deer, profitant d’un souffle plus stable. À bord, la frustration se mêlait à la détermination : « c’est comme chasser des mirages », confiait Arto Linnervuo depuis le Tulikettu.
Même récit du côté du TP52 Arkas Blue Moon, englué dans des vents contraires après un début prometteur. « Nous avons passé la première nuit avec des algues et du plastique autour de la quille », raconte Martin Watts. « Il a fallu attendre l’aube pour dégager tout ça. Ce genre de mésaventure fait partie du charme - et de la folie - de cette course. »

Une Méditerranée sans logique
Au nord de la Sicile, le vent se joue encore des équipages. Entre gradients contraires et zones mortes, les bateaux avancent à vue, chacun tentant de s’extraire de la nasse. Aboat Time domine provisoirement en IRC 3, tandis que le duel entre Elusive 2 et Mon Ile s’intensifie en IRC 5. En IRC 6, Zephyr continue d’impressionner en se mêlant à des voiliers plus puissants.
Chez les multicoques, Allegra maintient une avance confortable, malgré un parcours solitaire le long du nord de la Sicile.
Plus loin derrière, l’équipage maltais du Calypso résume l’esprit de la course. « Nous ne faisons que 30 pieds, alors il faut de la patience », raconte Seb Ripard. « Entre deux rafales, on rit, on boit du café, et on savoure chaque mille. Ici, l’amitié et la mer comptent autant que le classement. »
Une édition sous tension
Cette 46e édition aura rappelé que la Rolex Middle Sea Race reste une course d’endurance et de stratégie plus que de vitesse. Entre Messine et Malte, les fortunes se font et se défont au gré de brises éphémères. Et si Black Jack 100 a tenu son rang, tous auront connu leur lot de frustrations et de fulgurances.
Une Méditerranée piégeuse, un suspense total, et une leçon d’humilité pour les meilleurs marins du monde.