Transat Café L'Or : interview de Tanguy Le Turquais à la suite du chavirage de Lazare X Hellio
Au milieu de la nuit, Tanguy Le Turquais relate les faits :
« Nous allons bien physiquement, quelques petits bobos, mes côtes récemment cassées qui se sont réveillées forcément. Moralement on est un peu sous le choc. Nous n’avons, à cette heure, que des hypothèses sur ce qui c’est passé. On est à la fois tristes sportivement mais surtout déçus pour le projet et tous les gens qui ont fait en sorte que ça existe. Que ça s’arrête sur cette transat si tôt, c’est dur. On se mobilise désormais pour sauver le bateau. »
Les conditions météo sur zone au moment du chavirage étaient toniques, avec un vent de 25 à 30 nœuds établis et plus de 2 mètres de creux.
« Nous étions au près, la mer était désagréable mais pas énorme. Elle est devenue très difficile au passage du Raz Blanchard. C’est là que nous avons chaviré... »
« On naviguait avec 2 ris dans la grand voile et sous J2. Avec Mon Bonnet Rose, nous étions les seuls dans cette configuration sur la ligne de départ, un peu sous toilé donc mais dans un souci de préserver le bateau.
Avant de chavirer nous nous faisions la réflexion que nous allions quand même moins vite que le groupe de tête mais que ce n’était pas grave, qu’on devait continuer à préserver le bateau et les bonhommes ».
Que s’est-il passé ?
« Ce qui est très étrange, c’est que l’on a chaviré par l’avant comme si nous étions au portant, alors que nous étions à 70° du vent, au près, allure où l’on chavire généralement par le côté.
20 minutes environ avant d’avoir chaviré, on a entendu un « boum » avec Erwan, on s’est dit qu’on avait tapé quelque chose, j’ai tout de suite été faire une inspection dans la coque centrale. Tout allait bien, on a continué notre route.
Quand on a chaviré un peu plus tard, et qu’on a sorti la tête du hublot on s’est aperçu que nous étions devenus « un catamaran », une partie du flotteur bâbord s’était arrachée, c’est ce qui a clairement fait chavirer le bateau.
Notre théorie c’est que le bruit que l’on a entendu c’est le flotteur sous le vent qui a tapé quelque chose, ça a fait un « poc » dans la coque, certainement assez gros pour que l’eau s’y engouffre et que la structure cède. Aujourd’hui avec tout ce qu’on recoupe on imagine que c’est ça qui s’est passé... »
La SNSM est rapidement sortie pour baliser l’emplacement du bateau pendant que l’équipe de Lazare x Hellio, en concertation avec la Direction de course, a travaillé sur une solution de remorquage du bateau le plus rapidement possible avant qu’il ne puisse s’échouer. La SNSM a alors fait un travail remarquable en parvenant à remorquer, dans la nuit, à 5 milles des côtes, le trimaran blessé jusqu’au port de Cherbourg.
L’état des lieux des dégâts est en cours dans l’avant port, en sécurité, aux premières lueurs du jour.
« On ne peut que remercier et saluer le Cross Jobourg et les sauveteurs qui sont venus nous chercher. J’ai la sensation qu’ils nous ont sauvé la vie. Nous n’étions pas en danger immédiat dans la coque centrale mais avec Erwan je pense qu’on a bien réagi, on a fait les choses dans le bon ordre, sans paniquer, en gardant notre sang froid. Ça a sans doute été un peu la clé de la réussite du sauvetage et derrière, les héros que sont ces sauveteurs ont pu dérouler leur job : en une heure de temps, on était les pieds sur la terre ferme.
Avec émotion je peux dire que c’était un peu choquant de voir Erwan monter dans l’hélicoptère depuis la coque centrale, puis à mon tour me faire hélitreuiller et voir Lazare x Hellio, ses bras blancs, les coques à moitié sous l’eau... Ce sont des images un peu choquantes. »
L’équipe technique est actuellement à Cherbourg auprès du trimaran et de tout cœur avec les autres équipes connaissant des mésaventures similaires en ce moment même.